shraddha bhavati bharata
shraddha-mayo ’yam purusho
yo yac-chraddhah sa eva sah
Selon quel guna marque son existence, l'être développe une foi particulière, ô Bharata. On le dit de foi telle ou telle, selon qu'il baigne en l'un ou l'autre.
Il n'est personne, peu importe sa condition, qui ne possède une forme quelconque de foi. Mais cette foi devient vertueuse, passionnée ou ignorante selon la nature acquise, au contact des gunas, par l'homme qu'elle anime. Ainsi, selon la nature de sa foi, on recherchera la compagnie de tel ou tel genre d'homme. Cependant, la vérité est tout autre: chaque être vivant, comme l'enseigne le quinzième chapitre, constitue originellement un fragment, une partie intégrante du Seigneur Suprême, au-delà, donc, de toute influence des gunas. Mais qu'il oublie sa relation avec Dieu, la Personne Suprême, qu'il entre en contact avec la nature matérielle, qu'il pénètre dans l'existence conditionnée, alors il y détermine sa propre condition par la manière dont il touche aux différentes formes et facettes de la nature matérielle. La foi et le mode d'existence qui résultent de ce conditionnement ne sauraient être que matériels, artificiels. Bien que l'être conditionné perçoive la vie d'une certaine manière, qu'il en possède une conception matérielle, qui le pousse à agir de telle ou telle façon, il demeure, par nature, nirguna, au delà de la matière. Aussi lui faut-il, afin de retrouver sa relation avec le Seigneur Suprême, se purifier de la souillure matérielle qui l'a recouvert. Et la seule voie qui le lui permette sans crainte aucune est la conscience de Krsna. L'être établi dans la conscience de Krsna s'élève sans nul doute à la perfection. Mais celui qui n'emprunte pas cette voie de réalisation spirituelle devra sans nul doute vivre sous la conduite des trois gunas.
Le mot sraddha, ou foi, est, ici, particulièrement significatif. En effet, la sraddha, la foi, ressort toujours des actes accomplis sous le signe de la vertu. Que la foi se place en un deva, en un Dieu fictif ou en quelque création mentale, c'est elle qui, généralement, lorsqu'elle s'est affermie, engendre les actes de vertu. Sachons, cependant, que nulle œuvre accomplie dans l'existence conditionnée, au sein de la nature matérielle, n'est tout à fait pure. Nulle œuvre ne peut y appartenir à la seule vertu: elle doit être teintée d'autres gunas. La pure vertu, en effet, transcende la nature matérielle, et celui qui s'y établit peut comprendre la vraie nature de Dieu, la Personne Suprême. Tant que la foi ne relève pas de cette vertu entièrement pure, elle se trouve promise à la souillure des gunas, qui étendent leur impureté jusqu'au coeur. Aussi est-ce la façon dont le coeur entre en contact avec un guna particulier qui détermine l'aspect de la foi. De fait, comprenons que la foi d'un homme dont le coeur est touché par la vertu baignera elle-même dans la vertu. Semblablement, celui dont le coeur est dans la passion, sa foi baignera dans la passion; et celui dont le coeur est dans les ténèbres de l'ignorance, dans l'illusion, sa foi devra en subir la souillure. On trouvera donc différentes sortes de foi en ce monde, et différentes sortes de religions correspondantes. Le véritable principe de la foi religieuse, cependant, se situe dans la vertu pure, et c'est seulement parce que le coeur des êtres est teinté des autres gunas qu'existe une multiplicité de fois, de religions, et en rapport avec elle, différentes formes d'adoration.