SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 4 Vidura rencontre Maitreya.
karmany anihasya bhavo bhavasya te
durgasrayo thari-bhayat palayanam kalatmano yat pramada-yutasramah svatman-rateh khidyati dhir vidam iha
Les purs dévots n'éprouvent guère d'attrait pour la spéculation philosophique qui s'attache au savoir spirituel concernant le Seigneur. De toute façon, il s'avère impossible d'acquérir une connaissance complète du Seigneur. Toutefois, le peu de savoir qu'ils possèdent à Son sujet leur suffit, car les bhaktas trouvent leur satisfaction dans l'écoute et le chant de Ses Divertissements sublimes. Ces activités leur procurent une félicité spirituelle sans limites. Il reste que certains Divertissements du Seigneur peuvent prêter à confusion, même pour les purs bhaktas, et c'est pourquoi Uddhava prie Krsna d'éclairer certains de ces paradoxes. Par exemple, on décrit le Seigneur comme n'ayant aucune obligation d'agir personnellement, ce qui est tout à fait vrai puisque même en ce qui concerne la création et le soutien de l'univers matériel, Il ne Se trouve nullement impliqué. Il peut donc sembler contradictoire d'entendre qu'Il a Lui-même soulevé la colline Govardhana pour la protection de Ses purs dévots. Krsna est bien le Brahman Suprême, la Vérité Absolue, le Seigneur Souverain apparu comme un homme, mais Uddhava se demande s'Il S'est vraiment livré à toutes ces Activités merveilleuses. Il n'existe aucune différence entre la Personne Suprême et le Brahman impersonnel. Comment, dès lors, le Seigneur peut-Il avoir tant à faire, alors qu'on décrit le Brahman impersonnel comme n'étant lié à aucune activité matérielle ou spirituelle? Et si Krsna est à jamais le Non-né, comment peut-Il naître comme le fils de Vasudeva et Devaki? Il inspire la crainte à la peur suprême, le kala, mais ne voilà-t-il pas qu'Il craint de lutter contre Jarasandha et qu'Il Se réfugie derrière les murs d'une forteresse. Et s'Il trouve la satistion en Lui-même, pourquoi goûte-t-Il la compagnie de nombreuses femmes? Comment peut-Il prendre épouse et, comme un homme marié, Se complaire à vivre parmi les membres de Sa famille, enfants, proches et autres parents? Toutes ces contradictions apparentes troublent même les plus savants parmi les érudits, lesquels, ainsi égarés, ne parviennent pas à comprendre si le Seigneur Se situe vraiment dans l'inaction ou si Ses Actes ne sont qu'imitations. En vérité, le Seigneur n'a rien à voir avec quoi que ce soit de matériel. Tous Ses Actes sont purement spirituels, ce qui ne peut être compris des théoriciens profanes. Pour eux, il y a certes là source de désarroi, mais pour les bhaktas, établis au niveau spirituel, il n'y a là rien d'étonnant. La perception de la Vérité Absolue en tant que Brahman représente certes la négation de toute activité matérielle, mais la conception du Param Brahman est riche en activités spirituelles. Or, le véritable spiritualiste est sans aucun doute celui qui sait distinguer entre les conceptions du Brahman et du Brahman Suprême. Et pour lui, il ne saurait être question d'égarement. Le Seigneur en personne déclare dans la Bhagavad-gita (X.2): "Même les grands sages et les devas ne connaissent guère Mes Activités et Mes Puissances spirituelles." L'aïeul Bhismadeva nous donne la juste conclusion concernant les Activités du Seigneur:
(1) "Nul, ô roi, ne peut saisir les desseins du Seigneur, Sri Krsna. Les grands philosophes eux-mêmes, après les investigations les plus profondes sur le sujet, demeurent confondus.''
mantresu mam va upahuya yat tvam
akunthitakhanda-sadatma-bodhah prccheh prabho mugdha ivapramattas tan no mano mohayativa deva
Uddhava ne fut jamais véritablement troublé, mais il affirme toutefois que tous ces paradoxes peuvent présenter un aspect troublant. En fait, tous les propos qu'échangèrent Krsna et Uddhava devaient profiter à Maitreya, assis à leur côté. Le Seigneur avait pour habitude de consulter Uddhava lorsque la ville était attaquée par quelque ennemi, tel Jarasandha, ou lors de l'accomplissement de grands sacrifices dans le cadre de Ses Activités royales routinières, durant Son règne à Dvaraka. Le Seigneur n'a ni passé, ni présent, ni futur, car Il n'est d'aucune manière limité par l'influence du temps éternel; aussi rien ne Lui est-il secret: Il possède éternellement l'intelligence infuse. Par conséquent, il est pour le moins étonnant qu'Il fasse appel aux conseils d'Uddhava. Encore une fois, toutes ces Actions du Seigneur peuvent sembler contradictoires, mais nous devons savoir qu'il n'existe aucune contradiction dans ces Actes coutumiers. Il vaut donc mieux les considérer tels qu'ils se présentent et ne pas chercher à les expliquer outre mesure.
jnanam param svatma-rahah-prakasam
provaca kasmai bhagavan samagram api ksamam no grahanaya bhartar vadanjasa yad vrjinam tarema
Un pur bhakta de la qualité d'Uddhava ne connaît aucune affliction matérielle, car il s'absorbe constamment dans le service d'amour sublime offert au Seigneur. Pour tout dire, le bhakta n'éprouve de douleur que lorsqu'il est privé de la compagnie du Seigneur. Le souvenir constant des Activités de Krsna conserve sa vitalité au bhakta; aussi Uddhava prie-t-il le Seigneur de l'éclairer par la science du Srimad-Bhagavatam, telle qu'Il l'a précédemment révélée à Brahmaji.
ity avedita-hardaya
mahyam sa bhagavan parah adidesaravindaksa atmanah paramam sthitim
Considérons les mots paramam sthitim. En effet, la position transcendante du Seigneur n'avait pas même été évoquée devant Brahma lorsque les quatre versets originels du Srimad-Bhagavatam lui avaient été révélés.(1) Cette notion concerne Ses rapports avec les bhaktas qui Le servent d'un amour absolu, comme à Dvaraka et à Vrndavana. Lorsque Krsna éclaira Uddhava sur ce sujet particulier, Il S'adressait à lui seul; d'où le mot mahyam, "à moi", dans la bouche d'Uddhava, bien que le grand sage Maitreya se trouvât également présent. Cette position transcendante du Seigneur n'est guère comprise par ceux dont la dévotion est mêlée de connaissance spéculative ou d'action intéressée. Ceux parmi les Actes du Seigneur qui se trouvent sous le signe de l'amour intime ne sont que rarement révélés à la masse des bhaktas, qui sont attirés par une dévotion mêlée de connaissance et de mysticisme. Ces Activités forment les Divertissements inconcevables du Seigneur. (1) Il s'agit des versets 33 à 36 du neuvième chapitre du deuxième Chant du Srimad-Bhagavatam.
sa evam aradhita-pada-tirthad
adhita-tattvatma-vibodha-margah pranamya padau parivrtya devam ihagato ham virahaturatma
La vie de Sri Uddhava constitue l'application directe du catuh-sloki-Bhagavatam tel qu'il fut d'abord énoncé à Brahmaji par le Seigneur Suprême. Ces quatre versets majeurs du Srimad-Bhagavatam sont particulièrement chers aux philosophes mayavadis, qui les interprètent à leur façon pour servir leur vision moniste impersonnelle. Or, nous avons ici la réponse qu'il convient de donner à ces théoriciens non autorisés. Les versets du Srimad-Bhagavatam relèvent de la plus pure science théiste, accessible à ceux qui ont déjà maîtrisé l'étude de la Bhagavad-gita. Les partisans de la voie aride de la spéculation intellectuelle se rendent coupables d'offense aux pieds pareils-au-lotus de Sri Krsna, car ils déforment le message de la Bhagavad-gita et du Srimad-Bhagavatam et, mystifiant par là la masse des hommes, ils se pavent un chemin direct vers l'enfer qui porte le nom d'Andhatamisra. Pour reprendre les termes de la Bhagavad-gita (XVI.20), ces raisonneurs envieux sont dénués de connaissance, et certes voués à un sinistre destin, vie après vie.(1) Ils cherchent bêtement refuge auprès de Sripada Sankaracarya, mais celui-ci ne s'est jamais montré drastique au point de commettre une offense aux pieds pareils-au-lotus de Sri Krsna. Selon Sri Caitanya Mahaprabhu, qui est le Seigneur en personne, Sripada Sankaracarya a répandu la philosophie mayavada dans un but précis; elle était en effet nécessaire pour vaincre les arguments bouddhistes sur l'inexistence de l'âme spirituelle. Mais cette doctrine n'était pas pour autant destinée à servir de credo perpétuel; il s'agissait plutôt d'une mesure d'urgence. D'ailleurs, Sankaracarya n'a-t-il pas lui-même reconnu Sri Krsna comme le Seigneur Suprême, dans son commentaire sur la Bhagavad-gita? Lui-même un grand dévot de Krsna, il n'osa pas rédiger de commentaire sur le Srimad-Bhagavatam, précisément pour ne pas commettre d'offense aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur. Par la suite cependant, divers théoriciens rédigèrent, au nom de la philosophie mayavada, de vains commentaires sur le catuh-sloki-Bhagavatam, sans démarche authentique. Il n'appartient pas aux arides penseurs monistes de se pencher sur le Srimad-Bhagavatam: ce Texte védique particulier leur est interdit par son illustre auteur en personne. En effet, Srila Vyasadeva a bel et bien défendu aux hommes qui se vouent à des actes de piété, à la poursuite des richesses, à la satisfaction de leurs sens, et même, en dernier recours, à la recherche du salut, de chercher à comprendre le Srimad-Bhagavatam, car il ne leur est nullement destiné.(2) Sripada Sridhara Svami, l'illustre commentateur du Srimad-Bhagavatam, a, pour sa part, interdit aux monistes et à ceux qui recherchent le salut de toucher à cet ouvrage. Il n'est pas fait pour eux, voilà tout. Toutefois, ces profanes s'attachent perversement à saisir le Srimad-Bhagavatam et se rendent par là coupables d'offenses aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur, alors que Sripada Sankaracarya lui-même n'a jamais osé s'aventurer si loin. Ainsi assurent-ils la continuation de leur existence misérable. Notons ici qu'Uddhava reçut le catuh-sloki-Bhagavatam, l'enseignement qui avait jadis été énoncé à Brahmaji, des lèvres mêmes du Seigneur, et cette fois, le Seigneur approfondit davantage la connaissance spirituelle désignée par les mots paramam sthitim. En recevant cette connaissance de l'être, source d'amour, Uddhava se sentit lourdement accablé par des sentiments de séparation d'avec le Seigneur. A moins d'être éveillé à la réalisation d'Uddhava -éprouvant sans cesse la douleur d'être séparé du Seigneur dans un sentiment d'amour purement spirituel, à l'exemple de Sri Caitanya-, nul ne peut comprendre le sens véritable des quatre versets essentiels du Srimad-Bhagavatam. Il ne faut donc pas commettre l'erreur d'en altérer le message, et de s'engager par là sur la voie périlleuse de l'offense.
(1) "Ceux-là, renaissant vie après vie au sein des espèces démoniaques, jamais ne peuvent M'approcher, ô fils de Kunti. Peu à peu, ils sombrent dans la condition la plus sinistre."
(2) dharmah projjhita-kaitavo tra paramo nirmatsaranam satam
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |