SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 30

Sri Kapila décrit les actes
intéressés néfastes.

VERSET 6

atma-jaya-sutagara-
pasu-dravina-bandhusu
nirudha-mula-hrdaya
atmanam bahu manyate

TRADUCTION

Que l'être soit ainsi satisfait de sa condition vient d'un attachement profondément enraciné pour son corps, son épouse, son foyer, ses enfants, ses animaux, ses richesses et ses amis. Ainsi entourée, l'âme conditionnée a d'elle-même une très haute opinion.

TENEUR ET PORTEE

Cette prétendue perfection humaine n'est que pure imagination. C'est pourquoi les Ecritures affirment que le matérialiste, si qualifié soit-il sur le plan matériel, n'a en fait aucune qualité, car il plane au niveau mental, ce qui le ramènera toujours à l'existence matérielle, où tout est temporaire. Celui qui agit au niveau du mental ne peut en effet accéder au plan spirituel. Il est assuré de toujours glisser à nouveau vers l'existence matérielle. Evoluant dans le cadre illusoire de la société, de l'amitié et de l'amour matériels, l'âme conditionnée semble pleinement satisfaite.

VERSET 7

sandahyamana-sarvanga
esam udvahanadhina
karoty aviratam mudho
duritani durasayah

TRADUCTION

Bien que consumé à chaque instant par l'anxiété, un tel insensé ne cesse de se livrer à toutes sortes d'actes malfaisants à seule fin de maintenir ce qu'il croit être sa famille et sa société, nourrissant un espoir qui jamais ne se réalisera.

TENEUR ET PORTEE

On dit qu'il est plus aisé de régner sur un vaste empire que de s'occuper d'une petite famille, surtout en ces jours où l'influence du kali-yuga est si forte que chacun se trouve harcelé et rempli d'angoisse pour avoir adopté la conception illusoire de la famille telle que la présente maya. La famille dont nous prenons soin est en effet une création de maya; elle ne représente qu'une image dénaturée de notre véritable famille à Krsnaloka. La famille, les amis, la société, ainsi que père et mère existent également à Krsnaloka, mais ceux-là sont éternels. Ici-bas, lorsque nous changeons de corps, nos relations familiales changent également. Ainsi appartenons-nous parfois à une famille d'êtres humains, parfois à une famille de devas, et parfois encore à une famille de chats ou de chiens. Sous ce jour, la famille, la société, l'amitié s'avèrent bien fragiles, et c'est pourquoi on les qualifie d'asat. Or, les Ecritures attestent qu'aussi longtemps que nous demeurons attachés à cette société et à cette famille asat, ou temporaire, et en fait inexistante, nous devons connaître une anxiété constante. Le matérialiste ignore que la société, la famille et l'amitié, telles qu'elles apparaissent en ce monde, ne sont que des ombres auxquelles il s'attache. Naturellement, son coeur brûle constamment, mais en dépit de toutes les difficultés qu'il rencontre, il continue de travailler dans le but de maintenir ces liens illusoires, car il ne dispose d'aucune information sur la véritable vie de famille, auprès de Krsna.

VERSET 8

aksiptatmendriyah strinam
asatinam ca mayaya
raho racitayalapaih
sisunam kala-bhasinam

TRADUCTION

Il livre son coeur et ses sens à une femme qui exerce sur lui le charme trompeur de maya. Il jouit en sa compagnie d'étreintes secrètes, échange avec elle des paroles, et devient enchanté par le doux babil de ses jeunes enfants.

TENEUR ET PORTEE

La vie de famille dans le royaume de l'énergie illusoire, celui de maya, ressemble à une sorte d'emprisonnement pour l'âme éternelle. Un prisonnier se trouve enfermé derrière des barreaux et retenu par des chaînes de fer; et de même, l'âme conditionnée est enchaînée par les traits charmeurs d'une femme, par ses étreintes en des lieux retirés, par ses prétendues paroles d'amour, ainsi que par le doux babillage de ses jeunes enfants. Ainsi oublie-t-il son identité réelle.

Les mots strinam asatinam, dans ce verset, indiquent que l'amour de la femme est uniquement destiné à troubler le mental de l'homme. En réalité, il n'y a pas d'amour dans l'univers matériel. Hommes et femmes ne recherchent que leur plaisir propre. Désireuse de satisfaire ses sens, la femme imagine un amour illusoire, et l'homme devient envoûté par cette affection trompeuse, au point d'oublier son devoir véritable. Lorsque des enfants naissent d'une telle union, un nouvel attachement se développe pour leur plaisant babillage. L'amour de sa femme au foyer et les douces paroles de ses enfants font de l'être conditionné un prisonnier sûr, incapable de quitter son foyer. Dans la langue védique, on qualifie un tel être de grhamedhi, signifiant que le foyer représente le centre de ses attachements. A l'opposé, on désignera du nom de grhastha celui qui vit en famille, auprès de sa femme et de ses enfants, mais qui n'a en fait d'autre but dans l'existence que de développer sa conscience de Krsna. Il est donc conseillé de devenir un grhastha plutôt qu'un grhamedhi. Le souci du grhastha est d'échapper à la vie de famille illusoire pour connaître auprès de Krsna la véritable famille, tandis que le grhamedhi ne fait que s'enchaîner de façon répétée à une fausse vie de famille, vie après vie, demeurant ainsi à jamais dans les ténèbres de maya.

VERSET 9

grhesu kuta-dharmesu
duhkha-tantresv atandritah
kurvan duhkha-pratikaram
sukhavan manyate grhi

TRADUCTION

Attaché à son foyer, l'homme marié mène une vie de famille où règnent intrigues et diplomatie. Répandant invariablement le malheur autour de lui, et soumis à ses désirs de jouissance matérielle, il ne cherche, par ses actes, qu'à remédier aux souffrances qui découlent de son mode de vie; et s'il y parvient, il se croit heureux.

TENEUR ET PORTEE

Dans la Bhagavad-gita, le Seigneur en personne certifie que l'univers matériel n'est qu'un lieu transitoire et rempli de souffrances. Il n'y est pas question de bonheur, que ce soit sur le plan individuel ou au niveau de la famille, de la société ou de la nation. Si en quoi que ce soit on voit du bonheur, ce n'est qu'une autre forme d'illusion. Dans le monde matériel, le bonheur consiste à remédier avec succès aux situations qu'engendre le malheur.

L'univers matériel est ainsi fait qu'à moins d'y devenir un diplomate averti, notre vie ne sera qu'un échec. Et que dire de la société humaine, même les espèces animales inférieures, les oiseaux et les abeilles veillent judicieusement à combler leurs besoins corporels liés à l'alimentation, au sommeil ou à la vie sexuelle. Les hommes, quant à eux, se livrent à une compétition aussi bien individuelle que nationale; chacun s'efforçant d'émerger victorieux de cette lutte, la société tout entière devient remplie d'intrigues. Mais nous devons toujours nous rappeler que malgré toute la diplomatie et l'intelligence que nous pouvons mettre en oeuvre dans notre lutte pour l'existence, tout se terminera en un instant par la volonté suprême. Par suite, tous nos efforts pour devenir heureux en ce monde ne visent que des chimères proposées par maya.

VERSET 10

arthair apaditair gurvya
himsayetas-tatas ca tan
pusnati yesam posena
sesa-bhug yaty adhah svayam

TRADUCTION

Il amasse de l'argent en commettant ici et là des actes de violence, et cet argent, il l'emploie au service des siens, ne mangeant lui-même qu'une petite portion de la nourriture ainsi achetée; et il va en enfer pour ceux qu'il a entretenus par ces voies irrégulières.

TENEUR ET PORTEE

Il est un proverbe bengali qui dit: "Celui pour qui j'ai volé m'accuse d'être un voleur". Les membres de la famille, pour qui l'homme attaché commet tant de délits, ne se montrent jamais satisfaits. Sous le coup de l'illusion, notre homme les sert, et ce faisant s'apprête à connaître des conditions de vie infernales, à l'exemple du voleur qui s'approprie quelque bien en vue d'entretenir sa famille et qui se fait prendre, puis emprisonner. Voilà en fait à quoi se résument l'existence matérielle et l'attachement aux liens sociaux, à l'amitié et à l'amour en ce monde. Par ailleurs, bien que l'homme attaché aux siens cherche toujours à se procurer de l'argent par n'importe quel moyen -licite ou illicite- pour assurer leur subsistance, il ne peut lui-même jouir au-delà de ce qui lui est dévolu et qu'il obtiendrait même sans se livrer à tant d'actes criminels. En effet, un homme capable d'ingurgiter deux cent cinquante grammes d'aliments peut avoir une grande famille à nourrir et devoir à cette fin gagner de l'argent coûte que coûte, mais lui-même ne reçoit pas plus que ce qu'il peut manger, et parfois même il mange les restes des membres de la famille. Par suite, même en ayant recours à des moyens malhonnêtes pour gagner son pain, il n'a guère le loisir de jouir de l'existence. Ainsi l'illusion (maya) recouvre-t-elle la vision de l'âme conditionnée.

Le principe du service illusoire rendu à la société, à la nation ou à la communauté reste absolument identique à tous les niveaux, et il s'applique de la même façon jusqu'aux chefs d'Etat; on voit même certains d'entre eux, illustres pour les services qu'ils ont rendus à leur pays, être néanmoins assassinés par leurs concitoyens pour quelque irrégularité dont ils se seraient rendus coupables. Autrement dit, nul ne peut satisfaire ses subordonnés à travers ce service illusoire, bien que l'être ne puisse échapper au fait de servir, car il s'agit là de sa nature originelle et éternelle. L'être distinct est, par nature, une infime partie de l'Etre Suprême, une étincelle spirituelle de Dieu, mais il oublie qu'il doit servir cet Etre Suprême et tourne son attention vers les autres; c'est ce qu'on appelle maya. En servant ainsi autrui, il en vient à se croire le maître. L'homme marié se croit le maître de sa famille, et le chef de la nation se croit maître de celle-ci, alors qu'en vérité ils ne sont que des serviteurs, et servant ainsi maya, ils se dirigent peu à peu vers l'enfer. Par suite, tout homme sain d'esprit doit en venir à adopter la Conscience de Krsna et se vouer au service du Seigneur Suprême, en y consacrant son existence entière, l'ensemble de ses richesses, toute son intelligence ainsi que tout son pouvoir d'élocution.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare