SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 2

Uddhava se souvient de
Sri Krsna.

VERSET 1

sri-suka uvaca
iti bhagavatah prstah
ksattra vartam priyasrayam
prativaktum na cotseha
autkanthyat smaritesvarah

TRADUCTION

Sri Sukadeva Gosvami dit:
Lorsque Vidura lui demande des nouvelles du plus cher de tous les êtres [Sri Krsna], Uddhava, le noble bhakta, se trouve incapable de répondre sur-le-champ, troublé par l'émotion que suscite en lui le souvenir du Seigneur.

VERSET 2

yah panca-hayano matra
pratar-asaya yacitah
tan naicchad racayan yasya
saparyam bala-lilaya

TRADUCTION

Déjà, dans sa prime enfance, à l'âge de cinq ans, il s'absorbait tant dans le service offert à Sri Krsna que lorsque sa mère le priait de venir prendre son petit déjeuner, il n'éprouvait aucun désir de manger.

TENEUR ET PORTEE

Uddhava était, par nature, un dévot de Sri Krsna, ou un nitya-siddha, une âme libérée, depuis l'instant même de sa naissance. C'est donc en toute spontanéité que, déjà, au cours de son enfance, il servait Sri Krsna. Il avait coutume de jouer avec des figurines représentant Krsna, qu'il servait en les habillant, en leur offrant de la nourriture et en les adorant, sans cesse absorbé, par ses jeux, dans l'oeuvre de réalisation spirituelle. Telle est la marque d'une âme éternellement libérée, c'est-à-dire d'un dévot du Seigneur, qui jamais ne L'oublie. La vie humaine est destinée à raviver notre relation éternelle avec le Seigneur, et toutes les injonctions religieuses servent à éveiller cette nature assoupie de l'être distinct. Et plus cet éveil s'effectue rapidement, plus la mission de l'homme se réalise tôt. Dans une bonne famille de bhaktas, l'enfant obtient l'occasion de servir le Seigneur de nombreuses manières. Or, une âme déjà avancée dans le service de dévotion obtiendra de renaître dans une famille ainsi éclairée. Ceci est confirmé dans la Bhagavad-gita (VI.41), sucinam srimatam gehe yoga-bhrasto bhijayate: le bhakta qu'a vu faillir la voie de la perfection obtient de renaître dans la famille d'un digne brahmana ou au sein d'une famille riche et noble. Ces deux types de famille lui offriront en effet la possibilité de raviver naturellement sa conscience de Dieu, car, surtout en de telles familles où l'on voue un culte à Sri Krsna de façon régulière, l'enfant peut facilement imiter le culte, ou arcana, pratiqué par ses parents.

La méthode dite pancaratriki, utilisée pour l'apprentissage du service de dévotion, correspond au culte offert dans les temples, lequel permet aux aspirants de se familiariser avec la pratique du service dévotionnel. Mentionnons ici que Maharaja Pariksit avait également coutume, au cours de son enfance, de jouer avec des figurines représentant Krsna. D'ailleurs, en Inde, on offre encore aux enfants de bonnes familles de telles figurines représentant tantôt Rama, tantôt Krsna, et même parfois certains devas, de manière à ce qu'ils développent une attitude de service envers le Seigneur. Par la grâce de Krsna, nos parents nous ont ainsi béni, et le début de notre existence fut fondé sur ce principe.

VERSET 3

sa katham sevaya tasya
kalena jarasam gatah
prsto vartam pratibruyad
bhartuh padav anusmaran

TRADUCTION

Ainsi, Uddhava servait le Seigneur sans relâche depuis son enfance, et lorsqu'il fut avancé en âge, son attitude de service ne se relâcha jamais. Dès qu'il est interrogé au sujet du Seigneur, mille souvenirs affluent en son esprit.

TENEUR ET PORTEE

Le service sublime offert au Seigneur n'a rien de matériel. L'attitude de service du bhakta s'intensifie sans cesse et ne se relâche jamais. Généralement, lorsqu'une personne atteint un certain âge, on lui permet alors de prendre sa retraite. Mais en ce qui concerne le service spirituel offert au Seigneur, il n'est nullement question de retraite; au contraire, l'esprit de service va en s'accroissant avec l'âge. Le service spirituel n'engendre pas de saturation et ignore donc la notion de retraite. Sur le plan matériel, on permet à un homme âgé qui arrive au terme de ses forces de se retirer; mais au niveau du service spirituel et absolu, il n'existe aucun sentiment de fatigue, justement parce qu'il s'agit d'une activité spirituelle, et non pas physique. Toute activité physique est appelée à décroître avec l'âge, mais l'âme, elle, ne vieillit jamais, si bien que sur le plan spirituel, jamais le service accompli ne devient source de fatigue.

Uddhava dut vieillir, bien entendu, mais le vieillissement de son corps n'implique nullement que son âme dut, elle aussi, vieillir. Son attitude de service ne fit que mûrir sur le plan spirituel; et c'est pourquoi, lorsque Vidura l'interrogea au sujet de Krsna, il se rappela aussitôt son Seigneur selon les circonstances où il s'était trouvé auprès de Lui et perdit totalement conscience de son être physique. C'est à ce signe qu'on reconnaît le service de dévotion pur, ainsi que nous le révélera plus loin l'enseignement de Sri Kapila à Sa mère Devahuti (laksanam bhakti-yogasya...).

VERSET 4

sa muhurtam abhut tusnim
krsnanghri-sudhaya bhrsam
tivrena bhakti-yogena
nimagnah sadhu nirvrtah

TRADUCTION

Pour un moment, il demeure silencieux, et ses membres se figent. Il s'est immergé dans le nectar du souvenir des pieds pareils-au-lotus du Seigneur, perdu dans l'extase dévotionnelle, et semble s'abîmer de plus en plus profondément dans ces doux sentiments.

TENEUR ET PORTEE

Interrogé par Vidura au sujet de Krsna, Uddhava sembla sortir d'un sommeil profond, et comme s'il regrettait d'avoir oublié pour un instant les pieds pareils-au-lotus du Seigneur, ses pensées se portèrent à nouveau sur ceux-ci, de même que sur le service d'amour sublime qu'il Lui offrait; ce qui eut pour effet de provoquer en lui la même extase qu'il éprouvait jadis en présence du Seigneur. Parce que le Seigneur est absolu, il n'existe aucune différence entre le souvenir de Sa Personne et Sa présence personnelle. Uddhava demeura donc complètement silencieux pendant un moment, mais il sembla bientôt s'abîmer de plus en plus profondément dans son extase. De tels sentiments d'extase sont le propre de bhaktas hautement évolués, et ils peuvent entraîner dans le corps huit sortes de transformations spirituelles, parmi lesquelles des pleurs, des tremblements, une sudation excessive, une vive agitation, des palpitements et des étranglements. Toutes ces manifestations de l'extase apparurent sur le corps d'Uddhava, en présence de Vidura.

VERSET 5

pulakodbhinna-sarvango
muncan milad-drsa sucah
purnartho laksitas tena
sneha-prasara-samplutah

TRADUCTION

Vidura peut alors constater qu'Uddhava manifeste en son corps tous les signes spirituels de l'extase la plus parfaite, et qu'il s'efforce tant bien que mal de réprimer les larmes de séparation qui baignent ses yeux. Il comprend alors qu'Uddhava a pleinement développé le profond amour de Dieu.

TENEUR ET PORTEE

Vidura, lui-même un bhakta de grande expérience, put observer en Uddhava les signes d'une vie dévotionnelle du plus haut niveau, et conclure par là à la perfection de son amour pour Dieu. Les transformations corporelles dues à l'extase naissent au niveau spirituel; elles ne sauraient être des manifestations superficielles issues d'un simple entraînement à cet effet. Le service de dévotion se développe en trois stades. Le premier consiste à observer les principes régulateurs régissant la pratique du service de dévotion; le second est atteint par les bhaktas réalisés qui s'établissent dans la pratique ferme et assidue du service de dévotion; et le troisième correspond à celui de l'extase, exprimé à travers diverses transformations corporelles d'ordre spirituel. Les neuf voies du service dévotionnel, parmi lesquelles l'écoute, le chant et le souvenir, représentent le début de ce processus. Par l'écoute suivie des Gloires et des Divertissements du Seigneur, le disciple voit son coeur nettoyé de toute impureté. Puis, au fur et à mesure qu'il se purifie, il s'établit de plus en plus fermement dans le service de dévotion. Peu à peu, ses pratiques évoluent et épousent successivement les formes de la constance, de la foi profonde, de l'attrait, de la réalisation et de l'assimilation. Ces divers stades d'évolution contribuent à développer en lui l'amour de Dieu jusqu'à son plus haut niveau. D'autres signes se manifestent encore tels l'affection, la colère et l'attachement, pour aboutir dans certains cas exceptionnels au niveau du maha-bhava, généralement inaccessible pour les êtres distincts. Tous ces traits étaient visibles en Sri Caitanya Mahaprabhu, la personnification même de l'amour pour Dieu.

Dans son Bhakti-rasamrta-sindhu, Srila Rupa Gosvami, le principal disciple de Sri Caitanya Mahaprabhu, présente de façon détaillée toutes les manifestations spirituelles visibles chez de purs bhaktas tel Uddhava. Nous avons nous-mêmes rédigé une étude sommaire du Bhakti-rasamrta-sindhu, intitulée le Nectar de la Dévotion,(1) pour permettre à ceux qui le désirent d'y puiser des informations plus détaillées sur la science du service de dévotion.

(1) "Les Grands Classiques de l'Inde", Volume II


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare