SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 29

Le service de dévotion
expliqué par Sri Kapila.

VERSET 21

aham sarvesu bhutesu
bhutatmavasthitah sada
tam avajnaya mam martyah
kurute rca-vidambanam

TRADUCTION

J'habite, en tant qu'Ame Suprême, le coeur de chaque être. Si quelqu'un néglige cette Ame Suprême omniprésente ou lui manque de respect, tout en offrant un culte à la murti dans le temple, sa dévotion n'est qu'un simulacre.

TENEUR ET PORTEE

Avec une conscience purifiée, soit la conscience de Krsna, on perçoit la présence de Krsna en tous lieux. Par suite, si l'on se préoccupe seulement d'adorer la murti dans le temple, sans aucune considération pour les autres êtres, c'est qu'on se situe au niveau le plus bas du service de dévotion. Celui qui adore la murti dans le temple et ne montre aucun respect à autrui n'est en effet qu'un bhakta matérialiste, au niveau le plus bas du service dévotionnel. Le bhakta doit s'efforcer de voir tout en relation avec Krsna, et de servir en toutes circonstances dans cet esprit, ce qui revient à utiliser toute chose au service de Krsna. En présence d'un innocent ignorant sa relation avec Krsna, un bhakta évolué s'efforcera de le diriger vers le service de Krsna. Le bhakta avancé dans la Conscience de Krsna peut non seulement amener les êtres à servir Krsna, mais il sait également utiliser toute chose dans ce service.

VERSET 22

yo mam sarvesu bhutesu
santam atmanam isvaram
hitvarcam bhajate maudhyad
bhasmany eva juhoti sah

TRADUCTION

Celui qui adore la murti, la Forme de Dieu installée dans le temple, sans savoir que le Seigneur Suprême Se trouve également présent dans le coeur de chaque être en tant que Paramatma, celui-là doit être dans l'ignorance; il est semblable à une personne qui offrirait des oblations dans la cendre.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset établit clairement que Dieu, la Personne Souveraine, Se trouve présent en chaque être en tant que l'Ame Suprême, Son émanation plénière. Les âmes distinctes habitent huit millions quatre cent mille (8 400 000) espèces de corps différents, et le Seigneur Souverain vit à l'intérieur de chaque corps en tant que l'âme distincte et que l'Ame Suprême. En effet, puisque l'âme distincte fait partie intégrante du Seigneur Suprême, on peut dire dans ce sens que le Seigneur vit à l'intérieur de chaque corps et Il S'y trouve également présent en tant que témoin dans la Forme de l'Ame Suprême. Dans les deux cas, la présence de Dieu en chaque être s'avère essentielle. C'est pourquoi ceux qui prétendent appartenir à quelque groupe religieux mais qui ne sentent pas la présence du Seigneur Souverain en chaque être ainsi que partout ailleurs ne peuvent qu'être recouverts par l'ignorance.

Si quelqu'un se trouve dénué de cette connaissance préliminaire concernant l'omniprésence du Seigneur, et s'attache simplement au rituel dans un temple, une église ou une mosquée, il ne vaut pas mieux que celui qui ferait offrande de beurre dans la cendre plutôt que dans le feu sacrificiel. En effet, ces offrandes se font en versant du beurre clarifié sur un feu, tout en chantant les mantras védiques; mais même avec les mantras appropriés et toutes les conditions favorables, si on verse le beurre clarifié sur les cendres, on accomplira là un sacrifice sans valeur. En d'autres mots, le bhakta ne doit ignorer aucun être. Il doit savoir qu'en chaque être, si insignifiant soit-il -s'agirait-il même d'une fourmi-, Dieu est présent, si bien qu'il faut se montrer bienveillant envers tous et ne faire violence à aucun d'eux. Dans la société moderne, dite civilisée, certains principes religieux permettent et encouragent l'existence d'un grand nombre d'abattoirs; mais si l'homme n'a aucune connaissance de la présence de Dieu en chaque être, tout prétendu progrès de la civilisation humaine, que ce soit sur le plan spirituel ou matériel, ne peut que relever de l'ignorance.

VERSET 23

dvisatah para-kaye mam
manino bhinna-darsinah
bhutesu baddha-vairasya
na manah santim rcchati

TRADUCTION

Celui qui Me montre du respect mais envie le corps d'autrui, est un séparatiste, et du fait de son hostilité envers les autres êtres, il ne connaît jamais la paix du coeur.

TENEUR ET PORTEE

Retenons dans ce verset deux expressions: bhutesu baddha-vairasya ("hostile envers autrui") et dvisatah para-kaye ("envieux du corps d'un autre"). Celui qui est envieux ou qui se montre hostile envers autrui ne connaît jamais aucun bonheur. C'est pourquoi la vision du bhakta doit être parfaite; il doit ignorer les distinctions corporelles et ne voir que l'âme distincte, cette partie infime du Seigneur Suprême, et Dieu Lui-même en tant que Son émanation plénière, l'Ame Suprême. Telle est la vision d'un pur bhakta, qui ignore toujours l'apparence physique des différents types d'êtres vivants.

Le Seigneur exprime ici Son désir profond de voir délivrés tous les êtres conditionnés, maintenant prisonniers de leurs corps matériels. Les bhaktas se doivent de faire connaître le message ou le désir du Seigneur à ces âmes conditionnées et de les éclairer avec la Conscience de Krsna. Ainsi pourront-elles accéder au niveau absolu de la vie spirituelle, et voir la mission de leur existence couronnée de succès. Ceci n'est certes pas possible pour les êtres inférieurs aux humains, mais les hommes, eux, peuvent être éclairés par la Conscience de Krsna. En fait, même les êtres inférieurs aux humains peuvent être élevés au niveau de la Conscience de Krsna si l'on a recours à d'autres méthodes. Nous avons ainsi l'exemple de Sivananda Sena, un illustre dévot de Sri Caitanya, qui libéra un chien en le nourrissant de prasada. La distribution du prasada, les reliefs de la nourriture offerte au Seigneur, fournira même aux masses ignorantes et aux animaux l'occasion de s'élever jusqu'à la Conscience de Krsna. Ainsi le chien dont nous avons parlé fut-il bel et bien affranchi de sa condition matérielle lorsqu'il rencontra Sri Caitanya à Puri.

Ce verset nous enseigne tout particulièrement qu'un bhakta ne doit commettre aucune violence (jivahimsa). Sri Caitanya a Lui-même recommandé au bhakta de ne faire violence à aucun être. On soulève parfois la question suivante: si les plantes possèdent également la vie et que les bhaktas s'en nourrissent, ne se rendent-ils pas ainsi coupables de violence? Or, en premier lieu, le fait de prélever quelques feuilles ou fruits d'un arbre ou d'une plante ne tue pas l'être en question; de plus, jivahimsa signifie que, puisque chaque être doit passer à travers un type de corps particulier selon son karma, ou ses actes passés, il faut éviter de troubler son évolution graduelle, et ce, même s'il est par nature éternel. Le bhakta doit donc respecter les principes du service de dévotion tels qu'ils sont, et savoir que le Seigneur Se trouve présent en chaque être, aussi insignifiant soit-il. Le bhakta se doit de réaliser cette présence universelle du Seigneur.

VERSET 24

aham uccavacair dravyaih
kriyayotpannayanaghe
naiva tusye rcito rcayam
bhuta-gramavamaninah

TRADUCTION

Ma chère mère, même si quelqu'un M'adore dans Ma Forme de murti, en suivant les rites et avec les articles appropriés, il ne saurait jamais Me satisfaire s'il ignore Ma présence en chaque être.

TENEUR ET PORTEE

On compte soixante-quatre règles régissant l'adoration de la murti dans le temple. Ainsi de nombreux articles sont-ils offerts à la murti, certains précieux et d'autres moins. La Bhagavad-gita (IX.26) précise en effet: "Qu'un bhakta M'offre une simple fleur, une feuille, un peu d'eau ou quelques fruits, et son offrande, Je l'accepterai." Le but réel de l'offrande consiste à montrer son amour et sa dévotion au Seigneur; les objets d'offrande en eux-mêmes ne revêtent qu'une importance secondaire. Par suite, si on offre au Seigneur toutes sortes d'aliments ainsi que des fruits et des fleurs en quantité sans avoir développé d'amour pour Lui, sans dévotion réelle, Il n'acceptera pas ces offrandes. Nul ne peut acheter Dieu. Telle est Sa grandeur que nos tentatives de corruption n'ont sur Lui aucun effet. Et Il ne manque non plus de rien; qu'avons-nous donc à Lui offrir? Il trouve en Lui-même Sa plénitude, tout provient de Lui. Nous ne pouvons en vérité Lui offrir que notre amour et notre gratitude.

Or, cette gratitude et cet amour pour Dieu sont le fait des purs bhaktas qui savent le Seigneur présent en chaque être. A ce titre, l'adoration de la murti implique nécessairement la distribution du prasada. Non pas que l'on doive créer un temple dans son appartement privé ou dans sa chambre personnelle pour offrir au Seigneur quelque aliment qu'on mangera ensui soi-même. Bien entendu, mieux vaut agir ainsi que de simplement cuisiner sa nourriture et la manger sans comprendre sa relation avec le Seigneur Suprême; car ceux qui adoptent cette dernière attitude ne sont en vérité que des animaux. Mais le bhakta qui désire s'élever à un niveau de compréhension supérieur doit savoir que le Seigneur Se trouve présent en chaque être et, comme l'indiquait le verset précédent, Se montre compatissant envers tous. Ainsi le bhakta doit-il adorer le Seigneur Suprême, être amical avec ses égaux et faire preuve de compassion envers les ignorants. Et sa compassion pour les ignorants, il la manifeste en leur distribuant du prasada. La distribution du prasada aux masses ignorantes représente une pratique essentielle pour ceux qui font des offrandes au Seigneur Souverain.

C'est l'amour et la dévotion réels qu'accepte le Seigneur. On peut présenter à quelqu'un toutes sortes de mets raffinés, mais si cette personne n'a pas faim, toutes ces offrandes seront inutiles. Dans un même ordre d'idée, nous pouvons offrir maints articles fort précieux à la murti, mais si nous n'avons aucun sens réel de la dévotion ni la moindre perception de la présence du Seigneur en tous lieux, nous manquons alors au service de dévotion; dans un tel état d'ignorance, nous ne pouvons rien offrir au Seigneur qui soit acceptable pour Lui.

VERSET 25

arcadav arcayet tavad
isvaram mam sva-karma-krt
yavan na veda sva-hrdi
sarva-bhutesv avasthitam

TRADUCTION

Tout en accomplissant ses devoirs, l'homme doit adorer la murti, la Forme arca du Seigneur Suprême, jusqu'à ce qu'il réalise Ma présence dans son propre coeur comme dans celui de tous les autres êtres.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset recommande l'adoration de la murti même pour ceux qui ne font qu'accomplir leur devoir prescrit. Il existe en effet différentes catégories de devoirs pour les membres des divers groupes de la société -à savoir les brahmanas, les ksatriyas, les vaisyas et les sudras- et pour ceux des différents asramas -brahmacarya, grhastha, vanaprastha et sannyasa. Il faut adorer la Forme arca du Seigneur jusqu'à ce qu'on perçoive Sa présence en chaque être. En d'autres termes, il ne faut pas se contenter d'accomplir son devoir convenablement; l'homme doit réaliser sa relation personnelle, comme celle de tous les êtres, avec Dieu, la Personne Souveraine. Sans cette compréhension, même si l'on s'acquitte à merveille de ses devoirs, il faut savoir que tous ces efforts ne rapportent rien.

Les mots sva-karma-krt doivent ici retenir notre attention. Ils désignent celui qui s'acquitte de ses devoirs prescrits. Ce n'est pas parce qu'on devient un dévot du Seigneur ou qu'on adopte la voie du service de dévotion, qu'on doit renoncer à ses obligations. Nul ne devrait invoquer le service de dévotion pour justifier sa paresse. Il faut plutôt pratiquer le service de dévotion suivant ses devoirs prescrits. Les mots sva-karma-krt signifient qu'on ne doit en aucun cas manquer à ses obligations.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare