SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 29

Le service de dévotion
expliqué par Sri Kapila.

VERSET 6

maitreya uvaca
iti matur vacah slaksnam
pratinandya maha-munih
ababhase kuru-srestha
pritas tam karunarditah

TRADUCTION

Sri Maitreya dit:
O meilleur des Kurus, Kapila, le grand sage, pris d'une grande compassion et comblé par les paroles de Sa glorieuse mère, lui répondit en ces termes.

TENEUR ET PORTEE

Sri Kapila était très satisfait de la requête de Sa glorieuse mère, car celle-ci ne pensait pas uniquement à son propre salut, mais également à celui de toutes les âmes conditionnées tombées en ce monde. Le Seigneur éprouve toujours de la compassion pour les âmes déchues de l'univers matériel, et Il vient d'ailleurs Lui-même pour les délivrer, ou dépêche pour ce faire Ses serviteurs intimes. Or, comme Il éprouve continuellement de la compassion pour ces êtres, si certains de Ses dévots manifestent eux aussi une telle compassion, le Seigneur S'en montre très satisfait. La Bhagavad-gita établit clairement à ce propos que tous ceux qui s'efforcent d'élever la condition des âmes déchues en prêchant le message de la Bhagavad-gita -c'est-à-dire l'abandon total à Dieu-, Lui sont très chers. Ainsi, lorsque le Seigneur vit que Sa mère bien-aimée faisait preuve d'une grande compassion envers les âmes déchues, Il en fut heureux et éprouva à Son tour de la compassion pour elle.

VERSET 7

sri-bhagavan uvaca
bhakti-yogo bahu-vidho
margair bhamini bhavyate
svabhava-guna-margena
pumsam bhavo vibhidyate

TRADUCTION

Le Seigneur Souverain, Sri Kapila, dit:
O noble femme, le service de dévotion compte de nombreuses voies, selon les traits caractéristiques de ceux qui l'accomplissent.

TENEUR ET PORTEE

Le service de dévotion pur, accompli en toute conscience de Krsna, est d'essence unique, car à ce niveau le bhakta ne demande rien au Seigneur. Mais en général, les hommes adoptent la pratique du service de dévotion animés d'intentions diverses. Comme l'enseigne la Bhagavad-gita, les êtres non encore purifiés adhèrent à la voie du service de dévotion dans quatre buts distincts. Le malheureux insatisfait de sa condition matérielle approche le Seigneur pour qu'Il allège sa souffrance. Le nécessiteux, pour sa part, Lui demandera d'améliorer sa situation financière. D'autres, qui ne sont ni malheureux ni dans le besoin, poursuivent plutôt le savoir en vue de connaître la Vérité Absolue; ceux-là viennent au service de dévotion pour étudier la nature du Seigneur Suprême. Tout ceci est fort bien expliqué dans la Bhagavad-gita (VII.16). En vérité, la voie du service de dévotion est une, mais selon la situation des différents bhaktas, elle se divise en de multiples branches, ainsi que le démontreront les versets qui suivent.

VERSET 8

abhisandhaya yo himsam
dambham matsaryam eva va
samrambhi bhinna-drg bhavam
mayi kuryat sa tamasah

TRADUCTION

Le service de dévotion accompli par une personne envieuse, orgueilleuse, violente, coléreuse et séparatiste, se place sous le signe de l'ignorance.

TENEUR ET PORTEE

Nous avons déjà vu dans le second chapitre du premier Chant du Srimad-Bhagavatam que la religion la plus glorieuse est celle qui donne d'atteindre au service de dévotion désintéressé, inconditionnel. Le seul motif du service de dévotion pur est de satisfaire le Seigneur Suprême; or, ce n'est pas vraiment là une motivation, puisqu'il s'agit de la condition naturelle de l'être distinct. Celui qui, à l'état conditionné, pratique le service de dévotion doit suivre les instructions d'un maître spirituel authentique dans un sentiment d'abandon total. Le maître spirituel représente le Seigneur Suprême, car il reçoit et présente les instructions du Seigneur, telles qu'elles sont, à travers la succession disciplique. La Bhagavad-gita explique que les enseignements qu'elle contient doivent être reçus à travers la filiation spirituelle, sans quoi ils risquent d'être altérés. Or, le fait d'agir ainsi sous la direction d'un maître spirituel authentique avec pour motif la satisfaction du Seigneur Souverain correspond au service de dévotion pur. Mais celui qui poursuit quelque autre motif, en vue de sa satisfaction personnelle, accomplit un service de dévotion d'une tout autre nature. Celui-là peut parfois se montrer violent, orgueilleux, envieux et coléreux, et ses intérêts sont séparés de ceux du Seigneur.

Celui qui approche le Seigneur Suprême pour Le servir avec dévotion, mais qui est fier de sa personne et envieux d'autrui, vindicatif, ou qui nourrit un sentiment de colère, celui-là croit être le meilleur des bhaktas. Or, le service de dévotion accompli de cette façon n'est pas pur; on le dit mixte, et de la plus basse nature (tamasah). Srila Visvanatha Cakravarti Thakura recommande d'éviter les vaisnavas au tempérament douteux. Le vaisnava est celui qui reconnaît en Dieu, la Personne Suprême, le but ultime de l'existence, mais s'il n'est pas pur et nourrit encore d'autres aspirations, on ne peut le qualifier de vaisnava de premier ordre, ou de parfait caractère. On offrira ses respects à un tel vaisnava du fait qu'il a accepté le Seigneur Suprême comme le but ultime de sa vie, mais on évitera la compagnie de celui qu'enveloppe ainsi l'ignorance.

VERSET 9

visayan abhisandhaya
yasa aisvaryam eva va
arcadav arcayed yo mam
prthag-bhavah sa rajasah

TRADUCTION

Quant au séparatiste qui adore les murtis dans le temple, animé par un désir de jouissance matérielle, de renommée et d'opulence, on dit que sa dévotion relève de la passion.

TENEUR ET PORTEE

Il faut bien comprendre le mot "séparatiste". Les mots sanskrits employés à cet effet sont bhinna-drk et prthag-bhavah. Le séparatiste est celui qui voit ses intérêts comme distincts de ceux du Seigneur. Les bhaktas mixtes, ou influencés par la passion et l'ignorance, croient que l'intérêt du Seigneur Suprême consiste à servir les ordres de Ses dévots et que leur propre intérêt est d'obtenir du Seigneur autant d'avantages matériels que possible pour la satisfaction de leurs sens. Voilà ce qu'on appelle la mentalité séparatiste. La dévotion pure, elle, a été expliquée dans le chapitre précédent: la pensée du bhakta doit s'accorder avec celle du Seigneur. Le bhakta ne doit rien désirer d'autre que de se rendre aux désirs de l'Etre Suprême. Telle est l'unité parfaite. Lorsqu'il nourrit un intérêt ou une volonté différente de celle du Seigneur Suprême, son esprit devient celui d'un séparatiste. Ainsi, lorsqu'un prétendu bhakta aspire au plaisir matériel, sans considérer l'intérêt du Seigneur Souverain, ou qu'il désire devenir célèbre ou vivre dans l'opulence en utilisant à son compte la miséricorde ou la grâce du Seigneur, on le dit dominé par la passion.

Les mayavadis interprètent cependant le mot "séparatiste" d'une tout autre manière. Ils disent qu'en adorant le Seigneur, on doit se penser identique à Lui. Voilà une autre forme de dévotion dénaturée accomplie dans le cadre des gunas. Le concept selon lequel l'être distinct serait identique à l'Etre Suprême appartient à l'ignorance. L'unité véritable repose sur l'unité d'intérêt. Le pur bhakta n'a d'autre intérêt que d'agir pour la satisfaction du Seigneur Suprême. Tant que subsiste la moindre trace d'intérêt personnel, la dévotion se trouve mêlée aux trois gunas.

VERSET 10

karma-nirharam uddisya
parasmin va tad-arpanam
yajed yastavyam iti va
prthag-bhavah sa sattvikah

TRADUCTION

Lorsqu'un bhakta adore le Seigneur Souverain et Lui offre les fruits de ses actes de façon à s'affranchir de la souillure liée à l'action intéressée, sa dévotion appartient à la vertu.

TENEUR ET PORTEE

Les brahmanas, les ksatriyas, les vaisyas et les sudras, ainsi que les brahmacaris, les grhasthas, les vanaprasthas et les sannyasis, constituent les huit divisions de la société, connues sous le nom de varnas et asramas, et ils ont chacun des devoirs propres à accomplir pour la satisfaction de Dieu, la Personne Suprême. Lorsque de telles activités sont accomplies et que leurs fruits sont offerts au Seigneur, on parle de karmarpanam, de devoir accompli pour la satisfaction du Seigneur. Ainsi, même s'ils se trouvent marqués de quelque imperfection ou faute, celle-ci est rachetée par ce processus d'offrande. Mais si une telle offrande est faite sous l'influence de la vertu plutôt qu'avec une dévotion pure, il y a à nouveau séparation d'intérêts. Les quatre asramas et les quatre varnas poursuivent tous certains bienfaits suivant leurs intérêts personnels. Aussi ces activités sont-elles gouvernées par la vertu; on ne peut les voir comme appartenant à la dévotion pure. En effet, le service de dévotion pur, tel que décrit par Rupa Gosvami, est libre de tout désir matériel: anyabhilasita-sunyam. Aucune excuse ne saurait justifier des intérêts personnels ou matériels. Les activités dévotionnelles doivent se placer au-dessus de l'action intéressée et de la spéculation philosophique empirique. Le service de dévotion pur transcende toute influence matérielle.

Le service dévotionnel sous l'influence de l'ignorance, de la passion et de la vertu peut se subdiviser en quatre-vingt-une catégories. Il existe en effet différentes activités dévotionnelles, telles que l'écoute, le chant, le souvenir, l'adoration dans le temple, l'offrande de prières, le service personnel ainsi que l'abandon de toute chose au Seigneur, et chacune d'elles peut revêtir trois aspects qualitatifs: il y a l'écoute dans la passion, dans l'ignorance et dans la vertu, et de même, le chant dans l'ignorance, la passion et la vertu, et ainsi de suite. Trois fois neuf font vingt-sept, qui, multipliés à nouveau par trois, font quatre-vingt-un. Or, il faut transcender toutes ces formes mixtes et matérialistes de service dévotionnel pour atteindre le niveau du service de dévotion pur, tel que le présentent les versets suivants.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare