SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 28 Les enseignements de Kapila
sur le service de dévotion.
tasyavalokam adhikam krpayatighora-
tapa-trayopasamanaya nisrstam aksnoh snigdha-smitanugunitam vipula-prasadam dhyayec ciram vipula-bhavanaya guhayam
Tant que l'être est conditionné, et qu'il vit dans un corps matériel, il est naturel qu'il souffre de divers maux et angoisses. On ne peut échapper à l'action de l'énergie matérielle, et ce, même lorsque l'on se situe au niveau spirituel. Il arrive parfois que surviennent des perturbations, mais les souffrances et les angoisses du bhakta se trouvent adoucies dès qu'il songe au Seigneur Souverain dans Sa Forme fascinante, ou à Son visage souriant. Le Seigneur fait pleuvoir d'innombrables faveurs sur Son dévot, et la plus grande manifestation de Sa grâce réside en Son visage souriant, lequel déborde de compassion pour Ses purs dévots.
hasam harer avanatakhila-loka-tivra-
sokasru-sagara-visosanam atyudaram sammohanaya racitam nija-mayayasya bhru-mandalam muni-krte makara-dhvajasya
L'univers entier est jonché de souffrances, en sorte que ses habitants passent leur temps à verser des larmes de douleur profonde. Il est un grand océan plein de ces larmes, mais pour celui qui s'abandonne au Seigneur Souverain, cet océan de larmes se trouve aussitôt asséché. Il suffit de contempler le sourire fascinant du Seigneur. En d'autres mots, l'affliction produite par l'existence matérielle se dissipe dès qu'on aperçoit le sourire charmeur du Seigneur. Ce verset affirme que les sourcils envoûtants du Seigneur exercent un tel pouvoir de fascination qu'ils font oublier le charme des plaisirs sensoriels. L'âme conditionnée se trouve enchaînée à l'existence matérielle à cause de l'attrait qu'elle éprouve pour le plaisir des sens, et particulièrement le plaisir charnel. Or, le deva gouvernant les plaisirs sexuels a nom Makaradhvaja, et les sourcils envoûtants du Seigneur Suprême protègent les sages et les bhaktas de la concupiscence matérielle et de l'attrait pour les activités sexuelles. Ainsi, Yamunacarya, un illustre acarya, dit que depuis qu'il a contemplé les Divertissements fascinants du Seigneur, les charmes de la volupté lui apparaissent comme abominables, et à la plus petite pensée de plaisir charnel, il crache et s'en détourne. Donc, quiconque désire s'affranchir de l'attrait sexuel doit contempler le sourire charmeur et les sourcils fascinants du Seigneur Souverain.
dhyanayanam prahasitam bahuladharostha-
bhasarunayita-tanu-dvija-kunda-pankti dhyayet svadeha-kuhare vasitasya visnor bhaktyardrayarpita-mana na prthag didrkset
Il est recommandé aux yogis de contempler le rire du Seigneur après avoir soigneusement étudié Son sourire. Toutes ces descriptions précises sur la façon dont il faut méditer sur le sourire, le rire, le visage, les lèvres et les dents du Seigneur indiquent de façon probante que Dieu n'est pas impersonnel. Ce verset dépeint précisément la méditation sur le rire ou le sourire de Visnu. Or, il n'est d'autre activité qui puisse complètement purifier le coeur du bhakta. La beauté exceptionnelle du rire de Sri Visnu réside dans le fait que lorsqu'il sourit, Ses petites dents, qui ressemblent à des boutons de jasmin, se teintent aussitôt de nuances rougeâtres, réfléchissant Ses lèvres rosées. Si le yogi parvient à graver le visage fascinant du Seigneur au plus profond de son coeur, il connaîtra alors une satisfaction totale. Autrement dit, celui qui s'absorbe dans la contemplation de la beauté du Seigneur en son for intérieur ne sera plus troublé par l'attrait de la matière.
evam harau bhagavati pratilabdha-bhavo
bhaktya dravad-dhrdaya utpulakah pramodat autkanthya-baspa-kalaya muhur ardyamanas tac capi citta-badisam sanakair viyunkte
Nous voyons clairement établi ici que la méditation, qui compte parmi les activités du mental, ne correspond pas au stade du parfait samadhi, ou de l'absorption totale. Au départ, le mental sert à attirer la Forme du Seigneur Suprême, mais aux niveaux supérieurs, il n'est plus question d'utiliser le mental. Le bhakta s'habitue à servir le Seigneur Suprême à travers ses sens purifiés. En d'autres termes, les principes yogiques de la méditation sont requis tant que l'on n'est pas situé dans le pur service de dévotion, On a recours au mental pour purifier les sens, mais lorsque ce but est atteint par la méditation, il n'est plus nécessaire de s'asseoir en un lieu précis pour s'astreindre à méditer sur la Forme du Seigneur. Cette pratique devient si habituelle qu'on s'offre alors tout naturellement au service personnel du Seigneur. Tant qu'on doit fixer de force le mental sur la Forme du Seigneur, on pratique ce qu'on appelle le nirbija-yoga, ou un yoga sans vie, car le yogi situé à ce niveau ne se dévoue pas spontanément au service personnel du Seigneur. Mais lorsqu'il en vient à penser constamment au Seigneur, il s'élève au niveau du sabija-yoga, du yoga vivant. Et tel est le stade qu'il faut atteindre. Ainsi que le confirme la Brahma-samhita, on doit s'employer à servir le Seigneur vingt-quatre heures par jour. Le niveau de premanjana-cchurita peut être atteint par l'épanouissement du parfait amour; et lorsque l'être distinct développe pleinement son amour pour Dieu, la Personne Souveraine, à travers le service de dévotion, il peut à tout moment contempler le Seigneur, sans avoir à s'imposer une méditation forcée sur Sa Forme. Sa vision devient alors divine, car il n'a aucune autre occupation. Parvenu à ce niveau de réalisation spirituelle, il n'est plus nécessaire de plier le mental à quelque pratique artificielle. Ainsi, puisque la méditation, recommandée aux stades inférieurs, sert de moyen pour atteindre le niveau du service de dévotion, ceux qui se trouvent déjà absorbés dans le service d'amour absolu offert au Seigneur se situent au-delà d'une telle méditation. Cet état de perfection correspond à la conscience de Krsna.
muktasrayam yarhi nirvisayam viraktam
nirvanam rcchati manah sahasa yatharcih atmanam atra puruso vyavadhanam ekam anviksate pratinivrtta-guna-pravahah
Dans l'univers matériel, les activités du mental se manifestent sous forme d'accepptation et de rejet. Ainsi, tant qu'il est imprégné de conscience matérielle, le mental doit être entraîné de force à accepter la méditation sur la Personne Suprême; mais dès l'instant où l'on s'élève réellement au niveau de l'amour pour Dieu, le mental s'absorbe spontanément dans le souvenir du Seigneur. Alors, le yogi n'a d'autre pensée que celle de servir le Seigneur. Cette fusion du mental avec les désirs du Seigneur Souverain a nom nirvana, ou "union intime avec le Seigneur". Le meilleur exemple de nirvana nous est donné dans la Bhagavad-gita. Au début, le mental d'Arjuna s'était détourné de celui de Krsna; Krsna voulait qu'Arjuna combatte, mais ce dernier s'y refusait, en sorte qu'il y avait désaccord. Mais après avoir entendu la Bhagavad-gita des lèvres de Dieu, la Personne Suprême, Arjuna accorda son mental avec les désirs de Krsna. Voilà ce qu'on appelle l'unité parfaite. Toutefois, cette unité, cette fusion, ne fit pas perdre à Krsna et à Arjuna leur individualité propre. Ceci, les philosophes mayavadis ne peuvent le comprendre; ils croient que l'union avec l'Absolu implique nécessairement la perte de l'individualité. Mais la Bhagavad-gita nous montre bien que l'individualité demeure. Lorsque le mental se purifie complètement par l'amour de Dieu, il devient le mental du Seigneur Suprême. Il cesse alors d'agir de façon indépendante, et n'obéit plus qu'à l'inspiration de combler les désirs du Seigneur. L'âme libérée n'a aucune autre activité (pratinivrtta-guna-pravahah). A l'état conditionné, le mental s'absorbe sans cesse dans les activités que lui dictent les trois gunas, mais au niveau spirituel, les influences de la nature matérielle ne peuvent pas troubler le mental du bhakta. Celui-ci n'a d'autre souci que de satisfaire les désirs du Seigneur; et là réside le plus haut niveau de perfection, appelé nirvana, ou nirvana-mukti. A ce stade, le mental est affranchi de tout désir matériel. Yatharcih: arcih signifie "flamme". Lorsqu'une lampe se brise ou lorsque son combustible s'épuise, nous voyons la flamme s'éteindre. Mais suivant l'explication de la science, la flamme n'est pas éteinte; elle est conservée à l'état latent. C'est ce qu'on appelle la conservation de l'énergie. Pareillement, lorsque le mental cesse d'agir au niveau matériel, il est "conservé" dans les Activités du Seigneur Suprême. La conception mayavadi de l'arrêt des fonctions du mental se trouve ici expliquée: mettre fin aux fonctions du mental revient à cesser d'agir sous la dictée des trois gunas.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |