SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 25

Les gloires du service
de dévotion.

VERSET 6

tam asinam akarmanam
tattva-margagra-darsanam
sva-sutam devahuty aha
dhatuh samsmarati vacah

TRADUCTION

Voyant Kapila assis devant elle, parfaitement disponible, Lui qui pouvait lui indiquer l'objet ultime de la Vérité Absolue, Devahuti se rappela les paroles que Brahma lui avait adressées, et elle entreprit dès lors d'interroger son fils.

VERSET 7

devahutir uvaca
nirvinna nitaram bhumann
asad-indriya-tarsanat
yena sambhavyamanena
prapannandham tamah prabho

TRADUCTION

Devahuti dit:
Je suis lasse d'être harcelée par mes sens matériels, car à cause de cette fièvre, mon Seigneur, j'ai sombré dans l'abysse de l'ignorance.

TENEUR ET PORTEE

Il convient ici de noter les mots asad-indriya-tarsanat. Asad signifie "temporaire", "transitoire", et indriya désigne les sens. Ainsi, l'expression asad-indriya-tarsanat signifie "être perturbée par les sens matériels, manifestés temporairement". Nous évoluons à travers différents niveaux d'existence matérielle, parfois dans un corps d'homme et parfois dans un corps d'animal, de sorte que les activités de nos sens matériels changent également. Or, tout ce qui change est dit éphémère, ou asat. Mais nous devons savoir qu'audelà de nos sens temporaires se trouvent nos sens permanents, maintenant voilés par le corps matériel; souillés par la matière, ils ne peuvent agir convenablement. Aussi la pratique du service de dévotion demande donc que l'on purifie les sens de cette souillure; lorsque celle-ci est complètement éliminée et que les sens agissent dans la pureté d'une parfaite conscience de Krsna, on accède alors aux activités éternelles des sens, ou sad-indriya. On désigne sous le nom de service de dévotion ces activités sensorielles éternelles, alors que les activités sensorielles éphémères correspondent aux plaisirs matériels. A moins d'être las de ces plaisirs matériels, on ne peut recevoir les enseignements spirituels d'un personnage comme Kapila. Devahuti exprime ici sa lassitude: maintenant que son époux a quitté le foyer, elle désire être apaisée en prêtant l'oreille aux enseignements de Sri Kapila.

VERSET 8

tasya tvam tamaso ndhasya
dusparasyadya paragam
sac-caksur janmanam ante
labdham me tvad-anugrahat

TRADUCTION

Ta Grâce représente mon unique chance d'échapper à cette profonde ignorance. Tu es mon oeil spirituel, que j'obtiens aujourd'hui par Ta miséricorde seule, après d'innombrables existences.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset est particulièrement révélateur, en ce qu'il nous éclaire sur la relation unissant le maître spirituel et son disciple. Le disciple, ou l'âme conditionnée, est placé en ce monde d'ignorance profonde et s'empêtre alors dans l'existence matérielle, dans les plaisirs sensoriels. Il est très difficile d'échapper à cette condition et d'atteindre à la liberté mais celui qui a la fortune d'entrer au contact d'un maître spirituel comme Kapila Muni ou Son représentant peut, par sa grâce, être arraché au bourbier de l'ignorance. C'est pourquoi on vénère le maître spirituel comme étant celui qui guide son disciple hors de cette ignorance en brandissant le flambeau du savoir. Le mot paragam revêt à ce propos une importance particulière. Il désigne la personne qui peut conduire son disciple "de l'autre côté". Ce côté-ci est celui de la vie conditionnée, et l'autre celui de la vie libre. Ainsi, le maître spirituel emmène son disciple de cet autre côté en lui ouvrant les yeux au moyen du savoir. La souffrance ne vient que de l'ignorance, et les enseignements du maître spirituel ont pour effet de dissiper les ténèbres de l'ignorance, permettant ainsi au disciple d'atteindre les rivages de la liberté. La Bhagavad-gita indique qu'on ne s'abandonne à Dieu, la Personne Suprême, qu'après de très nombreuses existences. Et de même, si après d'innombrables vies en ce monde on parvient à trouver un maître spirituel pur et à s'abandonner à ce représentant authentique de Krsna, on peut alors être emmené de l'autre côté, dans le royaume de la lumière.

VERSET 9

ya adyo bhagavan pumsam
isvaro vai bhavan kila
lokasya tamasandhasya
caksuh surya ivoditah

TRADUCTION

Tu es Dieu, la Personne Suprême, l'origine et le maître absolu de tous les êtres. Tu es apparu tel un soleil répandant ses rayons pour dissiper les ténèbres de l'ignorance qui enveloppe l'univers.

TENEUR ET PORTEE

Kapila Muni est reconnu comme un avatara, une manifestation de Dieu, la Personne Suprême, Krsna. Le mot adyah désigne ici "l'origine de tous les êtres", et pumsam isvarah "le maître (isvara) de tous les êtres" (isvarah paramah krsnah). Kapila Muni est donc une émanation directe de Krsna, qui représente Lui-même le soleil du savoir spirituel. De même que le soleil dissipe les ténèbres de l'univers, lorsque la lumière du Seigneur Souverain descend sur ce monde, elle dissipe aussitôt les ténèbres de maya. Nous avons bien des yeux, mais sans la lumière du soleil ceux-ci n'ont aucune valeur. Pareillement,sans la lumière du Seigneur Suprême, ou sans la grâce divine du maître spirituel, nul ne peut voir les choses telles qu'elles sont.

VERSET 10

atha me deva sammoham
apakrastum tvam arhasi
yo vagraho ham mametity
etasmin yojitas tvaya

TRADUCTION

Aie maintenant la bonté, mon Seigneur, d'anéantir l'illusion qui me recouvre. Influencée par le faux ego, j'ai été accaparée par Ta maya et je me suis identifiée au corps ainsi qu'aux liens qu'il suscite.

TENEUR ET PORTEE

L'identification de l'être à son corps par l'effet du faux ego, de même que le sentiment de posséder tout ce qui est lié à ce corps, a nom maya. Le Seigneur déclare dans le quinzième chapitre de la Bhagavad-gita (XV.15): "Je Me tiens dans le coeur de chaque être, et de Moi viennent le souvenir et l'oubli". Devahuti affirme que la méprise qui consiste à voir le corps comme le moi véritable et l'attachement aux objets en rapport avec le corps sont également inspirés par le Seigneur. Cela signifierait-il que le Seigneur fasse des discriminations entre les êtres, orientant certains vers Son service de dévotion et d'autres vers la poursuite des plaisirs sensoriels? Si tel était le cas, il y aurait faute de Sa part, mais il n'en est rien. Aussitôt que l'être distinct oublie sa position réelle, naturelle, de serviteur éternel du Seigneur, et qu'il désire plutôt chercher sa propre satisfaction à travers le plaisir des sens, il est capturé par maya. Cette emprise de maya correspond à la conscience par laquelle l'être s'identifie faussement au corps et s'attache aux possessions de ce corps. Telle est l'action de maya, et parce qu'elle est aussi un agent du Seigneur, c'est Lui-même qui, indirectement, agit à travers elle. Dieu est plein de miséricorde: si quelqu'un désire L'oublier et jouir de l'existence matérielle, Il lui accorde toutes facilités, non pas directement mais à travers Son énergie matérielle. Par suite, puisque l'énergie matérielle appartient en propre au Seigneur, on peut dire que c'est Lui qui, indirectement, permet qu'on L'oublie. Voilà pourquoi Devahuti affirme: "C'est également sous Ton influence que je poursuivais les plaisirs sensoriels. Veuille maintenant me délivrer de cet asservissement."

Par la grâce du Seigneur, nous pouvons obtenir de jouir de l'univers matériel, mais lorsque déçus et dégoûtés des plaisirs de ce monde, nous nous abandonnons sincèrement aux pieds pareils-au-lotus du Seigneur, Celui-ci a la bienveillance de nous délivrer du bourbier où nous nous trouvons. C'est pourquoi Krsna dit dans la Bhagavad-gita: "Tout d'abord, abandonne-toi à Moi; ensuite Je te prendrai sous Ma tutelle et t'affranchirai des suites de tes fautes". Les activités coupables sont celles que nous accomplissons dans l'oubli de notre relation avec le Seigneur. Or, en ce monde, parmi les activités visant les plaisirs matériels, celles que l'on tient pour vertueuses sont aussi coupables. Par exemple, on voit parfois quelqu'un faire un don charitable à une personne dans le besoin, mais ce sera en vue d'en recevoir plus tard quatre fois la valeur. La charité faite dans le but d'obtenir quelque chose en retour est dite appartenir à la passion. Tout ce qui s'accomplit en ce monde s'inscrit dans le cadre des influences matérielles, si bien que toute activité autre que le service offert au Seigneur relève du péché. A cause du péché, nous nous laissons attirer par l'illusion des liens matériels, et nous nous prenons à penser: "Je suis ce corps". Ainsi considérons-nous le corps comme notre moi véritable et les possessions de ce corps comme "miennes". Devahuti prie donc Kapiladeva de la délivrer de cette sujétion à une fausse identité et à un sentiment erroné de possession.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare