SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 22 Le mariage de Kardama
Muni et de Devahuti.
kamah sa bhuyan naradeva te syah
putryah samamnaya-vidhau pratitah ka eva te tanayam nadriyeta svayaiva kantya ksipatim iva sriyam
Kardama Muni désirait épouser Devahuti selon les voies prescrites par les Ecritures. Comme l'indiquent les Textes védiques, le mariage de premier ordre est celui où l'on convie le futur époux à la demeure des parents de la jeune fille pour lui faire don de sa main en même temps que d'une dot composée de tous les biens ménagers nécessaires -parures, or, meubles et autres. Cette forme d'union prévaut encore dans la haute société hindoue, et les sastras nous disent qu'elle confère de grands mérites religieux au père de la mariée. Le don d'une fille à un jeune homme digne d'elle compte en effet parmi les actes pieux du chef de famille. La Manu-smrti fait mention de huit types de mariage parmi lesquels, un seul, dit brahma ou rajasika, subsiste de nos jours. Les autres formes d'union -par amour, par échange de guirlandes ou par enlèvement de la jeune fille- sont interdites dans l'âge de Kali. Jadis, les ksatriyas, selon leur bon plaisir, ravissaient une princesse appartenant à une autre maison royale, et un combat s'ensuivait entre l'auteur de l'enlèvement et la famille de la jeune fille; finalement, si le ravisseur gagnait, la jeune fille lui était offerte pour qu'il l'épouse. Krsna Lui-même épousa Rukmini de cette façon, et certains de ses fils et petits-fils se marièrent également selon cette manière. Par exemple, certains de ses petits-fils enlevèrent la fille de Duryodhana, ce qui entraîna un combat entre les dynasties Kuru et Yadu, après quoi un accord fut décidé par les aînés des Kurus. De tels mariages avaient cours dans les âges passés, mais à l'heure actuelle ils sont devenus irréalisables car les principes rigoureux régissant la vie des ksatriyas ont pratiquement été abolis. Depuis que l'Inde subit l'influence de nations étrangères, les caractéristiques distinctives de ses groupes sociaux ont disparu; selon les Ecritures, tous les hommes sont aujourd'hui des sudras. Les prétendus brahmanas, ksatriyas et vaisyas ont oublié leurs occupations traditionnelles, ce qui leur vaut d'être désignés du nom de sudras. Les mots exacts des Ecritures sont kalau sudra-sambhavah, "dans l'âge de Kali, tous seront sudras". Les traditions sociales ne sont plus observées dans cet âge, bien qu'elles l'aient été rigoureusement dans le passé.
yam harmya-prsthe kvanad-anghri-sobham
vikridatim kanduka-vihvalaksim visvavasur nyapatat svad vimanad vilokya sammoha-vimudha-cetah
Il ressort de ce verset que les grands immeubles ne sont pas d'une invention récente, mais qu'ils existaient également en ces temps reculés. Nous avons en effet ici les mots harmya-prsthe; harmya désigne un palais très élevé. Quant aux mots svad vimanat, ils signifient "de son propre aéronef". Ceci suggère que les avions privés, du genre hélicoptère, étaient également d'usage courant à cette époque. Le Gandharva Visvavasu, tandis qu'il volait dans le ciel, vint à voir Devahuti qui jouait avec une balle sur le toit du palais de son père. Les jeux de balle existaient également, mais ces divertissements n'étaient pas destinés aux femmes et aux jeunes filles ordinaires; seules des princesses comme Devahuti pouvaient se livrer à de tels amusements, mais non dans des lieux publics. Notre verset explique qu'elle fut aperçue d'un aéronef, ce qui laisse entendre que le palais était très élevé; sinon, comment aurait-on pu la voir d'un avion? Et son image était si nette que le Gandharva Visvavasu fut troublé par sa beauté et par le son des clochettes qu'elle portait à ses chevilles, tant et si bien qu'il en fut captivé et tomba de son aéronef. Kardama Muni relate ici cet incident tel qu'il l'a entendu.
tam prarthayantim lalana-lalamam
asevita-sri-caranair adrstam vatsam manor uccapadah svasaram ko nanumanyeta budho bhiyatam
Kardama Muni glorifie la beauté et les qualités de Devahuti de diverses manières. En vérité, d'entre toutes les ravissantes jeunes filles ornées de parures, Devahuti était un joyau. Une jeune fille devient encore plus belle lorsqu'elle se pare d'ornements, mais Devahuti surpassait en beauté ses ornements; on la tenait pour la perle d'entre les jeunes beautés ainsi parées. Les devas et les Gandharvas se sentaient attirés par son charme. Kardarna Muni, qui était pourtant un grand sage, n'habitait pas les planètes édéniques, mais le verset précédent nous apprend que Visvavasu, qui lui venait des cieux, se trouva un jour attiré par la beauté de Devahuti. Outre sa grâce personnelle, elle était fille de l'empereur Svayambhuva et soeur du roi Uttanapada. Qui aurait pu refuser la main d'une telle jeune fille?
ato bhajisye samayena sadhvim
yavat tejo bibhryad atmano me ato dharman paramahamsya-mukhyan sukla-proktan bahu manye vihimsran
Kardama Muni exprima à l'empereur Svayambhuva son désir d'obtenir une épouse des plus charmantes, et il accepta sa fille en mariage. Le sage vivait dans son ermitage, observant la plus stricte continence en tant que brahmacari; bien qu'il eût le désir de se marier, il ne voulait pas devenir un chef de famille pour le restant de ses jours, car il possédait une juste compréhention des principes védiques régissant la vie humaine. Selon ces principes, la première partie de l'existence doit être consacrée au brahmacarya, ou au développement du caractère et des qualités spirituelles. Ensuite, celui qui le désire peut prendre une épouse et engendrer des enfants, mais pas comme le font les chiens et les chats. Kardama Muni désirait obtenir un fils qui serait tel le rayonnement de Dieu, la Personne Suprême. On doit en effet engendrer des enfants qui puissent accomplir la mission de Visnu, sinon il est vain de procréer. Il existe deux sortes d'enfants nés de père vertueux: l'un sera éduqué dans la Conscience de Krsna de manière à être affranchi des rets de maya en cette vie même, et l'autre est un rayon de lumière venant du Seigneur Souverain et apparaissant afin d'enseigner au monde le but ultime de l'existence. Ainsi que vont le démontrer les chapitres à venir, Kardama Muni eut un fils appartenant à cette seconde catégorie en la personne de Kapila, l'avatara qui énonça la philosophie du sankhya. De nobles chefs de famille prient Dieu de leur confier l'un de Ses envoyés afin qu'une influence favorable soit exercée sur la société. Voilà une première raison valable de procréer. Un autre motif, pour des parents hautement éclairés, sera d'élever un enfant dans la Conscience de Krsna, de façon à ce qu'il n'ait pas à revenir dans ce monde misérable. En effet, les parents doivent veiller à ce que l'enfant qu'ils engendrent n'ait pas à retourner à nouveau dans le ventre d'une mère. A moins de pouvoir mener un enfant à la libération en cette vie, nul ne doit se marier ni procréer. Si les êtres humains engendrent des enfants comparables à des chiens et des chats, accentuant par là le désordre au sein de la société, le monde devient infernal, comme il l'est d'ailleurs aujourd'hui. Dans l'âge de Kali, ni les parents ni leurs enfants ne sont éduqués; les uns comme les autres vivent comme des animaux et ne savent que manger, dormir, s'accoupler, se défendre et satisfaire leurs sens. Un tel désordre ne peut apporter la paix à l'humanité. Kardama Muni précise bien à l'avance qu'il ne vivra pas en compagnie de Devahuti jusqu'à la fin de ses jours. Il ne restera auprès d'elle que jusqu'à ce qu'elle ait un enfant. En d'autres mots, on ne devrait se livrer à l'acte sexuel qu'à seule fin d'engendrer de bons enfants, et dans aucun autre but. La vie humaine doit tout spécialement être vouée au service du Seigneur dans une dévotion totale. Telle est la philosophie de Sri Caitanya. Après s'être acquitté de la responsabilité d'engendrer un fils de valeur, on doit accepter le sannyasa et s'élever jusqu'au niveau du paramahamsa, la plus haute perfection de l'existence. Il existe quatre ordres de sannyasa, et le paramahamsa est le plus haut. Le Srimad-Bhagavatam est aussi désigné sous le nom de paramahamsa-samhita, soit le traité destiné aux hommes du plus haut niveau. Le paramahamsa est libre de toute envie. A d'autres niveaux, comme celui de la vie de famille, la compétition et l'envie sont présentes, mais parce qu'au niveau du paramahamsa les activités de l'homme sont tout entières vouées à la Conscience de Krsna, au service de dévotion, il n'y a pas de place pour l'envie. Suivant l'exemple de Kardama Muni, Thakura Bhaktivinoda voulut également, il y a de cela une centaine d'années, avoir un enfant qui puisse prêcher la philosophie et les enseignements de Sri Caitanya dans toute leur ampleur. Ses prières au Seigneur lui valurent d'obtenir pour fils Bhaktisiddhanta Sarasvati Gosvami Maharaja, qui à l'heure actuelle, répand la philosophie de Sri Caitanya à travers le monde entier par l'intermédiaire de ses disciples authentiques.
yato bhavad visvam idam vicitram
samsthasyate yatra ca vavatisthate prajapatinam patir esa mahyam param pramanam bhagavan anantah
Kardama Muni avait reçu l'ordre de son père, Prajapati, de procréer. En effet, au début de la création, les Prajapatis avaient pour rôle d'engendrer une vaste population destinée à peupler les planètes de cet univers gigantesque. Mais Kardama Muni souligne ici que bien que son père fût Prajapati, lequel désirait le voir procréer, sa véritable origine était le Seigneur Souverain, Sri Visnu, puisque Ce dernier Se trouve à l'origine de tout ce qui existe; c'est Lui le véritable créateur de l'univers, Lui qui le maintient, et c'est aussi en Lui seul que tout repose après l'anéantissement final. Telle est la conclusion du Srimad-Bhagavatam. Pour les besoins de la création, du maintien et de la destruction, il existe trois divinités -Brahma, Visnu et Mahesvara (Siva)-, mais Brahma et Mahesvara ne sont que des émanations qualitatives de Visnu. C'est Visnu qui représente la figure centrale, et c'est donc Lui qui veille au maintien; nul, sauf Lui, n'est capable de maintenir l'entière création. Il existe d'innombrables êtres aux besoins et aux désirs également innombrables, et nul, sinon Visnu, ne peut combler toutes ces demandes. Brahma reçut l'ordre de créer, et Siva celui de détruire; mais la fonction intermédiaire, celle du maintien, est prise en charge par Visnu. Kardama Muni savait fort bien, grâce au pouvoir que lui conférait son évolution spirituelle, que Visnu, la Personne Souveraine, était son Seigneur et Maître. Son devoir était déterminé par les désirs de Visnu, et par rien d'autre. Il n'était pas disposé à engendrer un grand nombre d'enfants; il n'aurait qu'un fils, et ce fils poursuivrait la mission de Visnu. Ainsi que l'indique la Bhagavad-gita, chaque fois que survient un déclin des principes religieux, le Seigneur descend sur terre pour protéger ces principes et pour anéantir les mécréants. On considère qu'en se mariant et en ayant des enfants, l'homme s'acquitte de ses dettes envers la famille au sein de laquelle il a vu le jour. En effet, l'enfant contracte dès sa naissance de nombreuses dettes, dont celles envers sa famille, les devas, les pitas et les rsis... Mais celui qui se voue exclusivement au service du Seigneur Suprême, de la Personne Divine -en vérité seul digne d'adoration-, s'affranchit de toute obligation sans avoir à fournir aucun effort pour s'acquitter de ses autres dettes. Kardama Muni préférait vouer son existence au Seigneur avec la connaissance d'un paramahamsa, et engendrer un enfant dans cette seule optique; il n'avait nullement l'intention de donner le jour à d'innombrables enfants à seule fin de remplir l'univers.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |