SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 1

Les questions de Vidura.

VERSET 21

tatratha susrava suhrd-vinastim
vanam yatha venuja-vahni-samsrayam
samspardhaya dagdham athanusocan
sarasvatim pratyag iyaya tusnim

TRADUCTION

Tandis qu'il séjourne au pèlerinage de Prabhasa, il apprend que tous ses proches ont trouvé la mort sous l'effet d'une passion violente, de même qu'une forêt entière disparaît dans un incendie provoqué par l'entrechoquement des bambous. Il conduit alors ses pas vers l'ouest, où coule la Sarasvati.

TENEUR ET PORTEE

Les Kauravas aussi bien que les Yadavas comptaient parmi les proches de Vidura, qui vint à apprendre leur disparition à la suite d'une guerre fratricide. Il convient tout à fait de comparer les passions qui animent la société avec l'entrechoquement des bambous dans la forêt. Le monde entier est comparable à une forêt qui risque de s'enflammer à tout moment sous l'effet de quelque friction. L'entrechoquement des bambous suffit à lui seul pour embraser une forêt tout entière; il n'est pas nécessaire qu'un malfaiteur provoque l'incendie. Pareillement, dans l'immense jungle des rapports de ce monde, le feu de la guerre éclate sous l'effet des violentes passions qui animent les âmes conditionnées, illusionnées par l'énergie externe. Tout comme un feu de forêt ne peut être éteint que par les pluies venant du ciel, un incendie ravageant la société ne peut être maîtrisé que par les eaux de grâce déversées par les nuages des sages et des saints.

VERSET 22

tasyam tritasyosanaso manos ca
prthor athagner asitasya vayoh
tirtham sudasasya gavam guhasya
yac chraddhadevasya sa asiseve

TRADUCTION

Sur les rives de la Sarasvati se trouvent onze pèlerinages, soit Trita, Usana, Manu, Prthu, Agni, Asita, Vayu, Sudasa, Go, Guha et Sraddhadeva. Vidura les visite tous et, à chacun d'eux, s'acquitte des rites prescrits.

VERSET 23

anyani ceha dvija-deva-devaih
krtani nanayatanani visnoh
pratyanga-mukhyankita-mandirani
yad-darsanat krsnam anusmaranti

TRADUCTION

On y découvre également nombre d'autres temples abritant diverses Formes du Seigneur Suprême, Sri Visnu, installées par des grands sages et des devas. Ces temples sont surmontés des emblèmes principaux du Seigneur, et suscitent le souvenir constant de la Personne Suprême, Sri Krsna.

TENEUR ET PORTEE

La société se divise en quatre secteurs d'activités et en quatre divisions spirituelles, adaptées à chacun des individus qui la composent. Il a déjà été fait mention de cette institution, le varnasrama-dharma, en plusieurs passages de cette oeuvre. Dans ce contexte social, les sages -c'est-à-dire les personnes qui se consacraient totalement à l'élévation spirituelle de la société entière- étaient qualifiés de dvija-devas (les meilleurs d'entre les deux-fois-nés). Quant aux habitants des planètes supérieures, depuis la Lune jusqu'aux plus élevées, ils portent le nom de deva. Or, les uns aussi bien que les autres (dvija-devas et devas) ont de tout temps établi des temples de Visnu où le Seigneur apparaît dans diverses Formes. Ainsi trouvons-nous des temples de Govinda, Madhusudana, Nrsimha, Madhava, Kesava, Narayana, Padmanabha, Partha-sarathi et nombre d'autres. En effet, le Seigneur Se multiplie en un nombre incalculable de Formes; toutefois, elles participent toutes d'une même identité spirituelle et absolue. Ainsi, Sri Visnu possède quatre bras et chacune de Ses mains tient un symbole particulier, soit la conque, le disque, la masse et la fleur de lotus. De ces quatre emblèmes, le disque, ou cakra, est le principal. En effet, Sri Krsna, le Visnu originel, ne possède qu'un seul emblème, le disque, et pour cette raison on le nomme parfois Cakri. Le cakra du Seigneur représente le symbole de la puissance par laquelle Il domine l'entière manifestation cosmique. En outre, les temples de Visnu sont toujours surmontés du symbole du disque, de façon à ce que les passants puissent l'apercevoir même de très loin et se rappeler ainsi Sri Krsna. D'ailleurs, si les temples se dressent toujours haut dans le ciel, dominant tout ce qui les entoure, c'est justement pour permettre à tous de les apercevoir même de très loin. Cette façon de construire les temples prévaut toujours en Inde. Il s'agit d'une tradition qui se perd dans la nuit des temps, et dont l'origine échappe à tout registre historique. Notre verset réfute la théorie insensée des athées qui voudraient que les temples de Visnu soient de construction plus récente, puisque Vidura les visitait il y a de cela plus de cinq mille ans; et encore existaient-ils déjà depuis fort longtemps. Il est aussi intéressant de noter que les grands sages et les devas n'ont jamais érigé de statues à figure d'hommes ou de devas, mais seulement des temples dédiés à Visnu pour le bien des hommes en général, afin de les élever au niveau de la conscience divine.

VERSET 24

tatas tv ativrajya surastram rddham
sauvira-matsyan kurujangalams ca
kalena tavad yamunam upetya
tatroddhavam bhagavatam dadarsa

TRADUCTION

Après quoi, il traverse les très riches provinces de Surat, de Sauvira et de Matsya, puis l'Inde occidentale, connue sous le nom de Kurujangala. Enfin, il parvient aux rives de la Yamuna où il rencontre Uddhava, l'illustre dévot de Sri Krsna.

TENEUR ET PORTEE

La région qui s'étend sur environ deux cent soixante kilomètres carrés, entre la Delhi d'aujourd'hui et le district de Mathura, dans l'Uttar Pradesh, y compris une partie du district de Gurgaon dans le Pendjab (Inde orientale), est tenue pour le plus haut lieu de pèlerinage de l'Inde entière. Cette terre est sacrée du fait qu'elle a été parcourue à maintes reprises par Sri Krsna. En vérité, dès Son avènement, le Seigneur Se trouvait à Mathura, dans la demeure de Son oncle maternel, Kamsa; après quoi Il fut élevé à Vrndavana par Son père adoptif, Maharaja Nanda. Plusieurs bhaktas s'attardent encore en ces lieux à la recherche de Krsna et de Ses compagnes d'enfance, les gopis, et cette quête leur procure une grande extase. Non pas qu'en ces lieux ils rencontrent Krsna en personne, mais l'ardeur du bhakta à chercher Krsna vaut tout autant qu'une rencontre personnelle avec Lui. Ceci ne peut être expliqué, mais compte parmi les réalisations profondes des purs dévots du Seigneur. Philosophiquement toutefois, il nous est donné de comprendre que Sri Krsna et le souvenir de Sa Personne se situent tous deux au niveau absolu, et que l'idée même de Le chercher à Vrndavana, animé d'une pure conscience spirituelle, procure davantage de satisfaction aux bhaktas qu'une rencontre directe avec Lui. En fait, de tels dévots du Seigneur Le contemplent véritablement face à face et à chaque instant, ainsi que le confirme la Brahma-samhita (5.38):

premanjana-cchurita-bhakti-vilocanena
santah sadaiva hrdayesu vilokayanti
yam syamasundaram acintya-guna-svarupam
govindam adi-purusam tam aham bhajami

"Ceux qu'habite l'extase suscitée par l'amour du Seigneur Suprême, Syamasundara (Krsna), Le voient toujours en leur coeur grâce au service d'amour et de dévotion qu'ils Lui offrent." Vidura et Uddhava connaissaient tous deux cette élévation spirituelle; aussi se rendirent-ils sur les berges de la Yamuna, où ils se rencontrèrent.

VERSET 25

sa vasudevanucaram prasantam
brhaspateh prak tanayam pratitam
alingya gadham pranayena bhadram
svanam aprcchad bhagavat-prajanam

TRADUCTION

Là, mû par une intense affection et par de profonds sentiments, Vidura étreint Uddhava, lui qui fut un compagnon constant de Sri Krsna et un illustre disciple de Brhaspati. Vidura s'enquiert alors de la famille de Sri Krsna, le Seigneur Suprême.

TENEUR ET PORTEE

Vidura était plus âgé qu'Uddhava -il aurait pu être son père; c'est pourquoi, lorsqu'ils se rencontrèrent, Uddhava se prosterna devant Vidura qui en retour l'étreignit comme s'il s'agissait d'un fils. Le frère de Vidura, Pandu, se trouvait être l'oncle de Krsna, et Uddhava un cousin du Seigneur. Par suite, ainsi que le veulent les conventions sociales, Uddhava devait respecter Vidura comme son père. Ajoutons qu'Uddhava était fort versé dans la logique, et qu'il était reconnu comme le fils, ou le disciple, de Brhaspati, le très docte prêtre et maître spirituel des devas. Vidura s'enquit auprès d'Uddhava de la condition de ses proches, alors qu'en fait il savait déjà qu'ils n'étaient plus de ce monde. Sa requête semble donc pour le moins singulière, mais Srila Jiva Gosvami explique que la nouvelle avait à tel point saisi Vidura qu'il se montra curieux de l'entendre confirmée. Il s'agit donc d'une question psychologique, et non pratique.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare