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Quatrième chapitre.

Le savoir spirituel et absolu.




 

VERSET 1

 

sri-bhagavan uvaca
imam vivasvate yogam
proktavan aham avyayam
vivasvan manave praha
manur iksvakave ’bravit

 

TRADUCTION

Le Seigneur Bienheureux dit:
J'ai donné cette science impérissable, la science du yoga, à Vivasvan, le deva du soleil, et Vivasvan l'enseigna à Manu, le père de l'humanité. Et Manu l'enseigna à Iksvaku.

 

TENEUR ET PORTEE

Ce verset relate l'histoire de la Bhagavad-gita, depuis les temps très anciens où son enseignement fut donné au souverain de chacune des planètes de l'univers. Cette science est particulièrement destinée à protéger les peuples du monde, et les dirigeants de chaque pays ont le devoir de l'étudier, d'en saisir la signification profonde, s'ils veulent parfaitement gouverner l'Etat et sauver leurs concitoyens de la concupiscence qui les enchaîne à la matière. La mission première de l'homme est de cultiver la connaissance spirituelle, de retrouver sa relation éternelle avec Dieu, la Personne Suprême. Sur toutes les planètes et dans chaque nation, il incombe donc aux dirigeants de faire partager ce savoir, cette science de la conscience de Krsna, à leurs concitoyens: en leur offrant éducation et culture ainsi qu'en leur apprenant la dévotion, afin qu'ils aient tous l'occasion de mener une existence positive et de tirer le meilleur parti de leur forme humaine.

Sur le soleil, source de toutes les planètes du système solaire, le deva majeur porte, dans notre ère, le nom de Vivasvan. Brahma, dans sa Brahmasamhtita nous dit:

"J'adore Govinda (Krsna), Dieu, la Personne Suprême et Originelle. C'est Lui qui donne au soleil, roi de tous les astres, son immense pouvoir et son intense chaleur. Le soleil représente l'oeil du Seigneur, et s'il tourne sur son orbite, c'est pour répondre à Son ordre."

Le soleil est roi de tous les astres, car il leur donne à tous chaleur et lumière. Au deva qui le gouverne, Vivasvan, Krsna enseigna originellement la science de la Bhagavad-gita, faisant de lui son premier disciple. La Bhagavad-gita n'est donc pas un recueil de spéculations pour vains érudits, mais un ouvrage authentique, présentant une connaissance spirituelle transmise de maître à disciple depuis les temps immémoriaux jusqu'à nos jours. Le Mahabharata retrace l'histoire de la Bhagavad-gita:

"Au début du deuxième âge (le treta-yuga), Vivasvan enseigna à Manu la science qui permet à l'homme de retrouver la relation l'unissant à Dieu. A son tour, Manu, père de l'humanité, la transmit à son fils, Iksvaku, roi de la Terre et ancêtre de la dynastie Raghu (celle où apparut l'avatara Ramacandra). "

La Bhagavad-gità est donc connue de l'homme depuis l'époque de Maharaja Iksvaku.

Nous vivons à présent dans le kali-yuga, âge dont la durée est de 432 000 ans, dont 5 000 seulement se sont écoulés. Précédèrent cet âge: le dvapara-yuga, long de 864 000 ans, le treta-yuga (1296 000 ans), et le satya-yuga (1 728 000 ans). C'est au début du treta-yuga que Manu reçut la, connaissance de la Bhagavad-gita et l'enseigna à son fils et disciple, Maharaja Iksvaku, roi de la Terre, il y a de cela quelques 2 165 000 ans (1 296 000 plus 864 000 plus 5 000). Une ère de Manu dure environ 305 300 000 ans, dont 120 400 000 se sont déjà écoulés. Puisque le Seigneur énonça la Bhagavad-gita à Son disciple, le deva du soleil (Vivasvan), avant la naissance de Manu, on peut calculer de façon approximative que cet enseignement eut lieu il y a au moins 120 400 000 ans. Quant à l'homme, il bénéficie de cette connaissance depuis plus de 2 000 000 d'années. Et le Seigneur l'a formulée de nouveau devant Arjuna voici environ 5 000 ans. Tel est donc, sommairement, selon l'Ecrit lui même et son auteur, Sri Krsna, le passé historique de la Bhagavad-gita. En sa qualité de ksatriya et d'ancêtre originel des ksatriyas surya-vamsas, descendants du deva du soleil, c'est Vivasvan qui fut choisi pour recevoir le premier cette sagesse. La Bhagavad-gita, énoncée par le Seigneur Lui-même, possède la même authenticité que les Vedas: elle est dite apauruseya, "au-delà du savoir humain". Il convient donc de la recevoir comme les Vedas, sans la moindre interprétation. Que les ergoteurs et les sophistes spéculent, comme ils savent le faire, sur la Bhagavad-gita, les conclusions qu'ils tirent de leurs jongleries savantes n'auront jamais rien à voir avec la Bhagavad-gita originelle. En effet, celle-ci doit être acceptée telle qu'elle est, d'un acarya, appartenant à une filiation spirituelle authentique, à la manière d'Iksvaku qui la reçut de son père, Manu, lui-même l'ayant reçue de son père, Vivasvan, qui l'avait reçue de Krsna.

 


VERSET 2

 

evam parampara-praptam
imam rajarsayo viduh
sa kaleneha mahata
yogo nastah parantapa

 

TRADUCTION

Savoir suprême, transmis de maître à disciple, voilà comment les saints rois l'ont reçu et réalisé. Mais au fil du temps, ô vainqueur des ennemis, la succession disciplique s'est rompue, et cette science, en son état de pureté, semble maintenant perdue.

 

TENEUR ET PORTEE

Il apparaît à l'évidence, dans ce verset, que la Bhagavad-gita était spécialement destinée aux rois saints, auxquels incombait le devoir d'en appliquer les principes dans leurs Etats respectifs, pour le bénéfice de leurs concitoyens. Son but n'a certes jamais été de servir d'instrument à des êtres démoniaques, qui, l'interprétant sans restriction, la dénatureraient au détriment de tous. Comme une nuée de commentateurs sans scrupules s'était abattue sur elle, en trahissant le sens pur, il devint urgent de rétablir la vraie filiation spirituelle. Il y a 5 000 ans, le Seigneur Lui-même constata qu'une coupure s'était faite dans la lignée des maîtres spirituels, constatation exprimée dans ce verset, où il est dit que le véritable objectif de la Bhagavad-gita semble avoir été oublié.

De même, aujourd'hui, on trouve une multitude de traductions de la Bhagavad-gita, dont pratiquement aucune ne concorde avec les explications des maîtres appartenant à la lignée issue de Krsna. Nombreux sont les érudits profanes qui ont pratiqué leur propre exégèse de la Bhagavad-gita, mais aucun d'entre eux, ou presque, ne reconnaît véritablement en Krsna la Personne Suprême. Ce qui ne les empêche nullement d'utiliser "à leur profit" les paroles de Sri Krsna. Attitude typiquement démoniaque: rejeter l'existence de Dieu, mais jouir de ce qui Lui appartient sans aucune gêne.

Le présent ouvrage tente de répondre au besoin pressant d'une édition occidentale de la Bhagavad-gita conforme à la connaissance transmise par la filiation spirituelle (parampara) dont Krsna est la source. Si on l'accepte telle qu'elle est, la Bhagavad-gita peut apporter le plus grand bien à l'humanité; mais l'étudier en la considérant comme un simple recueil de spéculations philosophiques, c'est perdre son temps.

 


VERSET 3

 

sa evayam maya te ’dya
yogah proktah puratanah
bhakto ’si me sakha ceti
rahasyam hy etad uttamam

 

 

TRADUCTION

Si Je t'enseigne aujourd'hui cette science très ancienne, l'art de communier avec l'Absolu, c'est parce que tu es Mon ami et Mon dévot, et qu'ainsi tu peux en percer le mystère sublime.

 

TENEUR ET PORTEE

On peut distinguer deux catégories d'hommes: les bhaktas et les êtres démoniaques. Si le Seigneur choisit Arjuna comme Son premier disciple, c'est parce qu'en raison de sa dévotion, celui-ci peut percer le mystère de la science qu'il veut transmettre, chose impossible à qui possède une mentalité démoniaque. Il existe un grand nombre d'éditions de la Bhagavad-gita, certaines commentées par des bhaktas, d'autres par des matérialistes. Les explications des bhaktas présentent cet Ecrit tel qu'il est, dans toute sa réalité, tandis que celles des athées sont vaines et stériles. Arjuna reconnaît Sri Krsna comme Dieu, la Personne Suprême. Ainsi, tout commentateur de la Bhagavad-gita qui marche sur les traces d'Arjuna sert véritablement la cause de cette grande science. Les athées ne font, au contraire, qu'égarer leurs lecteurs: en élucubrant sur la nature de Krsna, ils les éloignent de Son enseignement véritable. Il faut essayer de suivre les maîtres spirituels de la lignée d'Arjuna pour ressentir tout le bienfait des instructions de Sri Krsna.

 


VERSET 4

 

arjuna uvaca
aparam bhavato janma
param janma vivasvatah
katham etad vijaniyam
tvam adau proktavan iti

 

TRADUCTION

Arjuna dit:
Vivasvan, le deva du soleil, parut bien avant Toi; comment comprendre qu'à l'origine, Tu aies pu lui donner cette science?

 

TENEUR ET PORTEE

Comment Arjuna, un pur dévot de Krsna, peut-il en venir à douter du Seigneur? Mais c'est qu'en fait, il ne demande pas des éclaircissements pour lui-même, mais pour ceux qui ne croient pas en Dieu ou qui se rebellent à l'idée que Krsna soit Dieu, la Personne Suprême; pour eux uniquement, Arjuna pose des questions, feint de n'être pas conscient de la nature suprême et divine de Krsna. Comme le montrera clairement le dixième chapitre, Arjuna sait bien que Krsna est Dieu, la Personne Suprême, la source de tout ce qui existe, l'étape ultime de la réalisation spirituelle.

Krsna parut sur Terre comme enfant de Devaki: comment le commun des mortels peut-il comprendre que ce même Krsna puisse être Dieu, la Personne Suprême, éternelle et originelle? Arjuna demande donc à Krsna de clarifier Lui-même ce mystère. Aujourd'hui, comme de tout temps, Krsna est reconnu comme la plus grande autorité en matière spirituelle, et jusqu'à nos jours, seuls des matérialistes démoniaques ont rejeté l'authenticité de Ses propos. Si Arjuna questionne directement Krsna, c'est aussi pour qu'il Se décrive Lui-même; il ne veut pas s'en remettre aux dires d'athées sans scrupules, toujours prêts à dénaturer Krsna, à Le décrire d'une façon que seuls eux et leurs partisans peuvent comprendre. Il est de l'intérêt de chacun de connaître la science de Krsna. Aussi le Seigneur, en dévoilant Sa propre nature, apportet-il le plus grand bien au monde entier. Ce dévoilement de Soi paraîtra bien sûr fort étrange aux matérialistes qui analysent Krsna selon leurs propres catégories mentales, mais non aux bhaktas qui accueillent toujours avec joie les dires de Krsna concernant Sa propre Personne. Les bhaktas vénèrent les paroles pures et probes de Krsna, car ils sont toujours avides d'en savoir plus à Son sujet. Cependant, même les athées, qui prennent Krsna pour un homme ordinaire, sujet, comme eux, aux influences des trois gunas, recevront le bienfait de Ses paroles. Il y aura là, pour eux, une occasion de voir que Krsna dépasse le niveau humain, qu'il est sac-cid-ananda-vigraha, la Forme éternelle de connaissance et de félicité absolues, qu'il transcende la matière, qu'il ne subit pas l'emprise des trois gunas, pas plus que l'influence du temps et de l'espace. Un dévot de Krsna, tel Arjuna, ne peut évidemment pas se méprendre sur la nature purement spirituelle de Krsna.


 

VERSET 5

 

sri-bhagavan uvaca
bahuni me vyatitani
janmani tava carjuna
tany aham veda sarvani
na tvam vettha parantapa

 

TRADUCTION

Le Seigneur Bienheureux dit:
Bien que nous ayons tous deux traversé d'innombrables existences, ô Arjuna, vainqueur des ennemis, Je Me souviens de toutes, quand toi, tu les as oubliées.

 

TENEUR ET PORTEE

La Brahma-samhita nous apprend l'existence de très nombreux avataras:

"J'adore Govinda (Krsna), le Seigneur Suprême, la Personne originelle; Il est absolu, infaillible, Il n'a pas de commencement. Multiplié en d'innombrables Formes. Il demeure toujours le même; et bien que la Personne originelle, la plus ancienne, Il garde une éternelle jeunesse. Ses Formes éternelles, toutes de connaissance et de félicité absolues, ne sont guère accessibles à l'entendement des philosophes les mieux versés dans les Ecrits védiques, mais elles deviennent sensibles aux yeux des purs bhaktas."
"J'adore Govinda, Dieu, la Personne Suprême; Il apparaît toujours en ce monde sous diverses formes, telles Rama, Nrsimha, ou d'autres, innombrables. Il est cependant la Personne originelle, Dieu Lui-même; Il porte le Nom de Krsna et descend aussi parfois en ce monde dans Sa Forme première.

Les Vedas corroborent ces versets: bien qu'Il soit Un, sans égal, le Seigneur Se manifeste sous d'innombrables formes. Il est semblable au joyau vaidurya, qui change constamment de couleur tout en demeurant le même. Les purs bhaktas peuvent comprendre ces Formes multiples du Seigneur, chose impossible pour ceux qui se limitent à l'étude des Vedas.

Les bhaktas comme Arjuna sont des compagnons éternels du Seigneur, et ils descendent avec Lui, chaque fois, dans l'univers matériel; ils assument alors divers rôles pour Le servir. Ainsi, notre verset montre qu'il y a plusieurs millions d'années, lorsque Sri Krsna énonça la Bhagavad-gita au deva du soleil, Vivasvan, Arjuna était présent, bien que dans un autre rôle. Mais la différence entre Krsna et Arjuna est que Krsna Se souvient de Ses Apparitions passées, et non Arjuna. Voilà qui distingue le Seigneur Suprême de l'être infime émanant de Lui. Arjuna, comme l'indique ce verset, est un puissant héros, à même de terrasser n'importe quel adversaire, mais il demeure incapable de se souvenir de ses vies passées. L'homme, quel que soit son rang, ne peut jamais égaler le Seigneur. Même Ses compagnons, qui sont tous des êtres libérés, n'y peuvent parvenir. Le Seigneur, dit la Brahma-samhita, est acyuta, "infaillible". Il ne perd jamais conscience de Son identité, même lorsque il entre en contact avec la matière. Arjuna, au contraire, bien qu'il soit un dévot du Seigneur, se méprend quelquefois sur Sa véritable nature. Mais même là, le bhakta peut, par la grâce du Seigneur, retrouver d'un coup la conscience de Son infaillibilité; l'athée, lui, ne parvient jamais à comprendre la nature absolue de Krsna, et, par suite, son cerveau démoniaque ne peut pénétrer le sens de la Bhagavad-gita. Krsna et Arjuna: tous deux sont éternels, mais l'un garde conscience d'acte accomplis des millions d'années auparavant et l'autre non. C'est que l'être vivant, lorsqu'il change de corps, oublie tout de sa vie passée. Le Seigneur, par contre, Se souvient de tout, car Son Corps, étant sac-cid-ananda, ne change jamais. Il est advaita: aucune différence n'existe entre Son Corps et Lui-même, tout ce qui Le concerne est spirituel, au contraire de l'âme conditionnée, qui est nécessairement différente de son enveloppe charnelle. Par l'unité de Son Corps et de Lui-même, Krsna Se distingue, toujours de l'être ordinaire, même lorsque il descend dans l'univers matériel. Mais il est impossible aux êtres démoniaques d'admettre cette nature absolue du Seigneur, pourtant si clairement décrite dans le verset suivant.

 


VERSET 6

 

ajo ’pi sann avyayatma
bhutanam isvaro ’pi san
prakritim svam adhisthaya
sambhavamy atma-mayaya

 

TRADUCTION

Je demeure non né, et Mon Corps, spirituel et absolu, ne se détériore jamais; Je suis le Seigneur de tous les êtres. Et pourtant, en Ma Forme originelle, Je descends dans cet univers à intervalles réguliers.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur a parlé, dans le verset précédent, des caractéristiques très particulières de Sa venue au monde: bien qu'apparaissant comme un être ordinaire, Il garde le parfait souvenir de Ses innombrables "naissances" passées, à l'encontre du commun des mortels, incapables souvent de faire revenir à la conscience même des actes accomplis quelques heures auparavant. Qu'on demande à quelqu'un de décrire ce qu'il faisait la veille à la même heure: il lui sera bien difficile de donner une réponse immédiate. Il devra creuser sa mémoire pour rassembler des souvenirs. Et pourtant, il existe des gens qui osent se proclamer Dieu, ou Krsna! Nul ne doit se laisser abuser par des prétentions aussi absurdes.

Le Seigneur décrit à présent Sa Forme (prakrti). Prakrti désigne la nature, mais aussi la forme réelle de l'être (qui s'exprime aussi par le mot svarupa). Le Seigneur dit qu'Il apparaît en ce monde dans Son propre Corps; Il ne transmigre pas d'un corps à un autre comme les êtres ordinaires. Tout être conditionné par la matière réside dans un corps défini, particulier, qu'il ne possède que pour un temps déterminé. Bientôt, il devra le quitter pour un autre. Krsna, le Seigneur, n'est pas, Lui, sujet à cette loi. Chaque fois qu'Il apparaît, c'est par Sa puissance interne, dans Son Corps originel, immuable et éternel, portant une flûte dans Ses mains; ce Corps n'est nullement contaminé au contact de l'univers matériel. Bien que le Seigneur Se manifeste dans Sa Forme spirituelle et immuable, bien qu'Il soit le Seigneur de l'univers, Il semble naître comme n'importe quel mortel. Cependant, l'une de Ses surprenantes caractéristiques veut que tout en passant, comme chacun, du stade de nourrisson à celui de l'enfant, puis de l'adolescent, Krsna ne dépasse jamais la période de la jeunesse. A l'époque de la Bataille de Kuruksetra, Il avait d'innombrables petits-fils et filles, et selon nos calculs à nous, aurait dû être très âgé. Ses traits étaient pourtant ceux d'un jeune homme de vingt à vingt-cinq ans. Jamais on n'a vu Krsna représenté sous la forme d'un vieillard, car, bien qu'Il ait été, qu'Il soit et qu'Il demeure à jamais la Personne la plus ancienne, Il ne vieillit pas comme nous le faisons. Son Corps et Son Intelligence, spirituels, ne s'affaiblissent ni ne changent. Même en ce monde, Il demeure le Non-né, l'éternelle Forme de connaissance et de félicité absolues. Il Se montre, puis Se soustrait à notre vue, comme le fait le soleil qui se lève, se déplace devant nos yeux et quitte notre champ de vision. Nous croyons le soleil couché lorsqu'il est hors de vue, et levé lorsqu'il apparaît à l'horizon, quand, en réalité, il ne quitte pas sa place dans le ciel. Notre méprise est simplement due à l'imperfection, à la limitation de nos sens. L'apparition et la disparition de Krsna en ce monde n'ont rien de semblable à celles d'un homme ordinaire; il est donc évident qu'Il est, de par Sa puissance interne, connaissance et félicité éternelles, qu'Il n'est jamais contaminé par la nature matérielle. Les Vedas aussi le confirment: bien qu'Il semble naître en ce monde et Se manifeste sous de multiples Formes, Dieu, la Personne Suprême, est non né. Les suppléments des Vedas affirment à leur tour que même s'il semble naître, le Seigneur ne change pas de corps. Le récit de Son avènement, donné dans le Srimad-Bhagavatam, nous Le montre apparaissant devant Sa mère sous la forme de Narayana, doté de quatre bras et paré des six perfections de Dieu. Selon le dictionnaire Visvakosa, c'est par Sa miséricorde immotivée que le Seigneur veut bien apparaître en ce monde dans Sa Forme originelle et éternelle. Mais toujours, Il demeure conscient de Ses apparitions et de Ses disparitions antérieures, tandis que l'être ordinaire oublie tout de son corps précédent dès qu'il pénètre dans un nouveau. Krsna demeure partout le Seigneur de tous les êtres, supérieur à tous, et lorsqu'il vient sur Terre, Il accomplit des actes merveilleux, surnaturels. Il demeure donc toujours la Vérité Absolue; Ses Attributs ne diffèrent pas de Son Corps, ni Sa Forme de Lui-même. Une question se pose alors: pourquoi donc le Seigneur apparaît-Il en ce monde, puis le quitte? C'est à quoi répond le verset suivant.

 


VERSET 7

 

yada yada hi dharmasya
glanir bhavati bharata
abhyutthanam adharmasya
tadatmanam srjamy aham

 

TRADUCTION

Chaque fois qu'en quelque endroit de l'univers, la spiritualité voit un déclin, et que s'élève l'irréligion, ô descendant de Bharata, Je descends en personne.

 

TENEUR ET PORTEE

Un des mots importants de ce verset est le mot srjami. Il ne peut ici avoir le sens de "création", qu'on lui connaît généralement, puisque, selon le1 verset précédent, ni la Forme, ni le Corps de Dieu n'ont été créés: toutes les Formes sous lesquelles Il apparaît sont éternelles. Le mot srjami signifie donc que le Seigneur Se manifeste tel qu'Il est. Bien que d'ordinaire, Il apparaisse à des périodes déterminées (une fois dans chaque jour de Brahma, sous le règne du huitième Manu, dans le vingt-huitième maha-yuga, à la fin du dvapara-yuga), cette règle ne Le contraint pas, Il reste entièrement libre d'agir à Son gré. Il vient donc, de par Sa propre volonté, chaque fois que l'irréligion prédomine et que la vraie religion disparaît. Les principes de la spiritualité sont contenus dans les Vedas, et l'on se dégrade au rang des impies dès qu'on néglige de les suivre. Le Srimad-Bhagavatam enseigne que ces principes sont les lois de Dieu. Dieu seul peut créer une religion. C'est donc Lui qui, originellement, énonça les Vedas, dans le coeur de Brahma, le premier être créé. Les principes du dharma, de la vraie religion, sont les instructions directes de la Personne Suprême, et on les retrouve d'un bout à l'autre de la Bhagavad-gita. Les Vedas ont pour but d'établir ces principes sous les directives du Seigneur Suprême, lequel, à la fin de la Bhagavad-gita, affirme que le sommet de la spiritualité est de s'abandonner à Lui seul. Les principes védiques nous conduisent donc vers cet objectif ultime qu'est l'abandon total à Dieu. Or, chaque fois que des hommes de nature démoniaque nuisent à ces principes, le Seigneur apparaît. Buddha, par exemple, nous explique le Srimad-Bhagavatam, est un avatara. Il vint à une époque où le matérialisme ayant envahi la Terre, les athées prétendaient suivre les Vedas pour justifier leurs actes pervers: sous le nom de sacrifices, ils abattaient d'innocentes bêtes, sans tenir compte des restrictions très sévères que stipulent les Vedas, concernant les sacrifices animaux. Buddha vint pour mettre fin à ces massacres inutiles et instituer les principes de la non-violence. Tout avatara a donc une mission particulière à remplir, mission décrite dans les Ecritures révélées; nul ne peut être considéré comme un avatara s'il ne répond pas à l'annonce de ces Ecrits.

Certains affirment que le Seigneur n'apparaît qu'en Inde: ce n'est en aucun cas vérifié. Il peut Se manifester là où Il désire et quand Il le désire. Lorsqu'Il vient, sous une forme ou sous une autre, Il donne aux hommes autant de connaissance spirituelle qu'ils peuvent en assimiler selon le lieu et les circonstances où ils se trouvent. Mais la mission de tous les avataras demeure la même: conduire l'humanité à la conscience de Dieu et au respect des principes spirituels. Krsna descend parfois personnellement; d'autres fois, Il envoie Son représentant, qui peut être Son fils, Son serviteur, ou Lui même sous une forme déguisée. Les principes de la Bhagavad-gita, principes donnés à Arjuna parce qu'il était plus élevé spirituellement que la plupart de ses contemporains, s'adressent également à tous les hommes dont la conscience spirituelle est développée. Deux et deux font quatre: c'est là une vérité admise aussi bien par l'écolier que par le mathématicien. Mais le calcul élémentaire n'en diffère pas moins des mathématiques savantes. De même, les principes qu'enseignent les différents avatars sont toujours identiques, mais selon les circonstances, ils prennent une forme parfois simplifiée, parfois élaborée. Comme on le verra plus loin, les principes spirituels supérieurs ne deviennent accessibles qu'à partir du moment où l'on accepte le varnasrama-dharma. La mission des avataras est toujours de raviver en chacun la conscience de Krsna, laquelle, bien que toujours présente, devient parfois non manifestée.

 


VERSET 8

 

paritranaya sadhunam
vinasaya ca duskritam
dharma-samsthapanarthaya
sambhavami yuge yuge

 

 

TRADUCTION

J'apparais d'âge en âge afin de délivrer Mes dévots, d'anéantir les mécréants, de rétablir les principes de la spiritualité.

 

TENEUR ET PORTEE

La Bhagavad-gita définit le sadhu, le "saint homme", comme l'être conscient de Krsna. Même si, vu de l'extérieur, il semble irréligieux, peu cultivé ou dépourvu d'érudition, celui qui satisfait à toutes les exigences de la conscience de Krsna, qui s'y absorbe, est un sadhu. Les duskrtas, au contraire, sont ceux qui ne montrent aucun intérêt pour la conscience de Krsna. L'inintelligence et la bassesse sont leur lot, même parvenus à la cime de l'éducation matérialiste.

Krsna n'est nullement contraint d'apparaître en personne pour anéantir les athées, comme Il le fit avec Ravana et Kamsa. Ses nombreuses énergies peuvent, à elles seules, s'en charger. S'Il vient personnellement, c'est dans le seul but de soulager Ses purs dévots, harcelés sans trêve par les êtres démoniaques. Les asuras n'éprouvent aucun scrupule à s'attaquer aux bhaktas, même de leur propre famille. Les Ecritures relatent à cet effet les persécutions subies par Prahlada Maharaja du fait de son propre père, Hiranyakasipu. On y trouve également l'histoire de Vasudeva et Devaki, père et mère de Krsna, qui furent persécutés par Kamsa, le frère même de Devaki, simplement parce que Krsna devait naître de leur union. Si Krsna est apparu, c'est plus pour délivrer Devaki que pour supprimer le roi démoniaque, mais ces deux missions furent remplies simultanément par Lui. C'est ce que décrit le verset: le Seigneur descend sous diverses formes, appelées avataras, pour délivrer les bhaktas et anéantir les mécréants.

Les versets suivants, tirés du Caitanya-caritamrta, de Krsnadasa Kaviraja, donnent une définition concise de l'avatara:

"Lorsque, sous une forme donnée, le Seigneur descend de Son royaume pour Se manifester dans l'univers matériel, on L'appelle un avatar. Toutes ces émanations de Lui résident éternellement dans le monde spirituel le royaume de Dieu, et prennent le nom d'avataras lorsqu'elles descendent dans l'univers matériel."

Il existe différentes sortes d'avataras: les purusa-avataras, les guna-avataras, les lila-avataras, les saktyavesa-avataras, les manvantara-avataras et les Yuga-avataras, qui apparaissent tous à des époques déterminées, dans l'une ou l'autre des régions de l'univers. Krsna est le Seigneur originel, la source de tous les avataras. Lorsqu'il vient en ce monde, c'est dans un but très précis: satisfaire l'ardent désir qu'ont Ses purs dévots de Le voir révéler Ses Divertissements absolus, tels qu'il les accomplit dans le village de Vrndavana. Le but premier de Krsna en tant qu'avatara est donc de réjouir le coeur de ceux qui L'aiment d'un pur amour.

Le Seigneur dit qu'il apparaît en chaque âge. De fait, nous trouvons mentionné dans le Srimad-Bhagavatam que dans notre ère, le kali-yuga, Il descend sous la forme de Sri Caitanya Mahaprabhu, pour distribuer l'amour de Dieu et répandre la conscience de Krsna dans l'Inde entière, en propageant le sanlkirtana (le chant des Saints noms de Dieu). Sri Caitanya prédit que le sankirtana s'étendrait bientôt au monde entier, qu'on entendrait le chant des Saints Noms dans chaque ville et dans chaque village.

L'avatara Caitanya Mahaprabhu est décrit non pas directement, mais subtilement, dans certains passages "confidentiels" d'écritures comme les Upanisads, le Mahabharata, le Srimad-Bhagavatam, etc. Son Mouvement du sankirtana fascine tous les dévots de Sri Krsna. Sri Caitanya n'anéantit pas les mécréants, mais les délivre en les inondant de Sa grâce immotivée.

 


VERSET 9

 

janma karma ca me divyam
evam yo vetti tattvatah
tyaktva deham punar janma
naiti mam eti so ’rjuna

 

TRADUCTION

Celui, ô Arjuna, qui connaît l'absolu de Mon avènement et de Mes Actes n'aura plus à renaître dans l'univers matériel; quittant son corps, il entre dans Mon royaume éternel.

 

TENEUR ET PORTEE

Nous avons expliqué, dans le sixième verset de ce chapitre, comment, de Sa demeure spirituelle, le Seigneur descend en ce monde. Quiconque perçoit le caractère absolu de l'avènement du Seigneur s'affranchit aussitôt des chaînes du karma et retourne au royaume de Dieu, immédiatement après avoir quitté son corps. Il n'est pas facile, pour l'être conditionné, d'échapper à l'emprise de la matière. Les impersonnaliste et les yogis ne parviennent à la libération qu'après maintes difficultés, à travers de très nombreuses existences. Et même alors, leur libération -qui consiste à se fondre dans le Brahman impersonnel, lumière irradiant du Seigneur- est incomplète; ils risquent de revenir en ce monde. Le bhakta, lui, atteint le monde spirituel dès qu'il quitte son corps, simplement parce qu'il a compris la nature spirituelle et absolue de la Forme et des Actes du Seigneur. Jamais plus il ne se verra forcé de renaître dans l'univers matériel.

La Brahma-samhita enseigne que le Seigneur Se manifeste en d'innombrables Formes, lesquelles, bien que diverses et multiples, sont toutes un seul et même Etre: Dieu, la Personne Suprême. Voilà ce qu'il faut saisir avec conviction, même si, pour les esprits profanes et les philosophes empiriques, une telle idée est inaccessible. Les Vedas ajoutent, eux aussi:

"L'unique Personne Suprême, en d'innombrables Formes spirituelles, échange éternellement des sentiments d'amour avec Ses purs dévots."

Dans le présent verset de la Bhagavad-gita, le Seigneur, en personne, confirme cette parole des Vedas. Celui qui, tenant compte de la parfaite compétence de Dieu et des Vedas, accepte cette vérité, sans se perdre en de vaines spéculations philosophiques, atteindra la libération parfaite. C'est là une certitude.

Le mot védique tattvamasi trouve ici sa véritable application: quiconque reconnaît Krsna comme l'Absolu, et Lui dit: "Tu es ce même Brahman Suprême, Dieu, la Personne Absolue", tranche aussitôt les liens qui le retiennent à la matière et voit son retour à Dieu assuré. En d'autres termes, celui qui se voue au Seigneur avec une dévotion ardente atteint la perfection. Ce que, de nouveau, confirment les Vedas: on peut se libérer tout entier de l'enchaînement des morts et des renaissances; il suffit de connaître Dieu, la Personne Suprême. Il n'existe pas d'alternative. Quiconque ne comprend pas que Krsna est Dieu reste prisonnier de l'ignorance. Ce n'est pas en "léchant l'extérieur du pot de miel", en interprétant à sa façon la Bhagavad-gita, qu'on atteindra la libération. Les philosophes empiriques peuvent jouer un rôle majeur dans le monde, mais ils demeurent incapables de se libérer de la matière. Orgueilleux à l'extrême, ils devront attendre, pour accéder à la libération, qu'un dévot du Seigneur leur accorde sa miséricorde immotivée. L'homme doit donc, par la foi et la connaissance, raviver en son coeur la conscience de Krsna, et ainsi atteindre la perfection.

 


VERSET 10

 

vita-raga-bhaya-krodha
man-maya mam upasritah
bahavo jnana-tapasa
puta mad-bhavam agatah

 

TRADUCTION

Libres de toute attache, affranchis de la peur et de la colère, complètement absorbés en Moi et en Moi cherchant refuge, nombreux ceux qui devinrent purifiés en apprenant à Me connaître, et tous développèrent ainsi un pur amour pour Moi.

 

TENEUR ET PORTEE

Comme nous l'avons vu, il est bien difficile pour qui est trop affecté par la matière, trop attaché au corps, de comprendre la nature personnelle de la Vérité Absolue. A qui est trop absorbé dans le matérialisme, il est pratiquement impossible de reconnaître l'existence d'un corps spirituel impérissable, tout de connaissance et de félicité éternelles. Au niveau matériel, tout corps est périssable, plein d'ignorance et de souffrance. Telle est l'idée que garde la masse des hommes lorsqu'on leur parle de la Forme personnelle du Seigneur. A leurs yeux, la vaste manifestation cosmique est la forme suprême; l'Absolu est donc, pour eux, impersonnel. Et parce que leur mental demeure absorbé à l'excès dans des concepts matériels, l'idée de posséder une individualité propre même après s'être affranchi du joug de la matière les effraie. L'idée d'être encore, dans le monde spirituel, des êtres distincts, leur offre une perspective si troublante qu'ils préfèrent s'identifier au vide impersonnel. Pour les théories impersonnalistes, les êtres vivants sont comme les bulles qui se fondent dans l'océan. Cette identification au vide impersonnel est l'état le plus haut que l'on puisse atteindre lorsqu'on nie son identité éternelle. Mais c'est là une condition méprisable, puisqu'on y est privé de la connaissance de la vraie vie spirituelle.

Il y a, en outre, des hommes entièrement incapables de concevoir même l'idée d'une existence spirituelle. Dégoûtés et, irrités par la pléthore de théories spéculatives contradictoires, ils en concluent stupidement qu'il n'existe pas de cause suprême, et qu'en fait, tout est "néant". Mais tous souffrent du même mal: l'illusion matérielle. Les uns, trop matérialistes, n'ont aucun souci de la vie spirituelle, les autres veulent perdre leur identité dans la cause spirituelle suprême. Quant aux derniers, désespérés et irrités par trop d'élucubrations sur la Vérité Absolue, ils ne croient plus en rien; ils se réfugient dans les substances enivrantes et prennent parfois leurs hallucinations pour des visions divines.

Il faut donc échapper à ces trois formes d'attachement matériel: le manque d'intérêt pour la spiritualité, la peur d'avoir une identité éternelle, et l'idée de néant, sous-jacente aux frustrations de la vie matérielle. Comment? En prenant refuge auprès du Seigneur, en suivant un maître spirituel authentique et en respectant les principes régulateurs du bhakti-yoga. Cette vie spirituelle nous mènera finalement au bhava, le sublime amour de Dieu. Selon le Bhakti-rasamrta-sindhu, qui contient la science de la dévotion:

"Il faut tout d'abord désirer ardemment la réalisation spirituelle; cela nous incitera à rechercher la compagnie de personnes spirituellement élevées. On doit alors recevoir l'initiation d'un maître spirituel qualifié et, sous sa direction, entamer la pratique du service de dévotion. Cette pratique nous libère de tout attachement matériel, affermit notre progrès dans la réalisation spirituelle et accroît notre plaisir d'entendre parler de Sri Krsna, la Personne Absolue, d'où naît un attachement profond pour la conscience de Krsna; attachement qui mûrit dans le bhava, le premier degré du pur amour de Dieu, le prema, qui est la plus haute perfection de la vie."

Dès qu'est connu le prema, on sert le Seigneur avec constance, avec un amour infini, et c'est ainsi, en suivant le processus graduel du service de dévotion sous la conduite d'un maître spirituel authentique, que l'on peut atteindre la plus haute spiritualité, libre de tout attachement aux biens matériels, libre de la peur d'être une âme éternellement distincte, et libre des frustrations qu'engendre le nihilisme. C'est à ce moment, et seulement alors, que l'on pourra rejoindre le Seigneur Suprême dans Sa demeure éternelle.

 


VERSET 11

 

ye yatha mam prapadyante
tams tathaiva bhajamy aham
mama vartmanuvartante
manushyah partha sarvasah

 

TRADUCTION

Tous suivent Ma voie, d'une façon ou d'une autre, ô, fils de Prtha, et selon qu'ils s'abandonnent à Moi, en proportion Je les récompense.

 

TENEUR ET PORTEE

Sous différents aspects, c'est Krsna, Dieu, que tout le monde recherche. Il est partiellement connu sous deux aspects initiaux (le brahmajyoti, la radiance impersonnelle qui émane de Son Corps, et le Paramatma, l'Ame Suprême et Omniprésente, qui réside en tout être et en toute chose, y compris les particules d'atomes), mais n'est pleinement réalisé que par les purs bhaktas. Krsna est donc, pour tous, l'objet de la réalisation spirituelle, et chacun Le perçoit sous l'une ou l'autre de Ses formes, selon son désir de Le connaître. Dans le monde spirituel, Krsna répond à l'amour de chaque bhakta en tenant le rôle que ce dernier attend de Lui. Certains veulent voir en Lui le maître absolu, d'autres leur ami intime, leur fils, ou leur amant. Krsna Se donne sans partage à chacun d'eux, selon l'amour qu'on Lui adresse. Et ces mêmes échanges de sentiments se retrouvent également dans l'univers matériel, entre Krsna et Ses différents dévots. Tous les purs bhaktas, dans ce monde comme dans la demeure absolue, jouissent de la compagnie du Seigneur et Le servent en personne, avec amour, puisant à ce service un bonheur absolu. Krsna aide aussi les impersonnaliste désireux de commettre le "suicide spirituel" en niant artificiellement leur existence individuelle: Il les absorbe dans la radiance émanant de Sa Personne. Mais comme ils refusent d'accepter la Vérité Absolue dans Sa Forme personnelle, éternelle et bienheureuse, ils ne peuvent, une fois leur individualité "perdue", goûter la félicité de servir le Seigneur avec amour. Certains même, sans être encore parvenus à la réalisation impersonnelle, retournent à la vie matérielle afin d'y laisser s'exprimer leur désir latent pour l'action. Ils n'ont pas accès aux planètes spirituelles, mais se voient à nouveau offrir la possibilité d'agir sur l'une ou l'autre des planètes matérielles.

Quant à ceux qui désirent jouir du fruit du devoir accompli, c'est le Seigneur, aussi connu sous le Nom de Yajnesvara (le maître de tous les sacrifices), qui leur accorde les résultats espérés. Et c'est de Lui encore que les yogis obtiennent les pouvoirs surnaturels qu'ils convoitent. En d'autres termes, chacun, pour ce qui est des fruits de son labeur, dépend de la miséricorde de Dieu. Les différentes méthodes de réalisation spirituelle ne sont que différentes étapes sur une même voie, et à moins d'atteindre l'étape ultime, de parfaire notre conscience de Krsna, tous nos efforts demeureront insuffisants, et nos achèvements, incomplets. Le Srimad-Bhagavatam confirme ce fait:

"Que l'on n'ait aucun désir (comme le bhakta), que l'on soit en quête des fruits de l'acte ou de la libération, il faut, de tout coeur, adorer Dieu, la Personne Suprême. On atteindra alors la perfection, qui a son apogée dans la conscience de Krsna."

 


VERSET 12

 

kanksantah karmanam siddhim
yajanta iha devatah
ksipram hi manuse loke
siddhir bhavati karma-ja

 

TRADUCTION

L'homme aspire, en ce monde, aux fruits de ses actes, et c'est pourquoi il rend un culte aux devas. Certes, l'homme, ici-bas, recueille rapidement le fruit de son labeur.

 

TENEUR ET PORTEE

Nombreux sont ceux qui se méprennent complètement sur la nature des devas. Dotés de peu d'intelligence (bien qu'ils passent pour de grands érudits), ils prennent les devas pour le Seigneur Lui-même, sous diverses formes, alors qu'il s'agit seulement de fragments infimes de Lui. Dieu est Un, et les parties intégrantes de Dieu sont innombrables. Les Vedas déclarent, nityo nityanam, "Dieu est Un". "Il n'y a qu'un Dieu: Krsna". Les devas, eux, sont des êtres distincts (nityanam), dotés par Krsna de plus ou moins de puissance pour régir l'univers matériel. Jamais ils n'égalent Dieu, Krsna, Narayana, ou Visnu, et l'on doit considérer comme un athée, un pasandi, quiconque croit le contraire. Même Brahma et Siva, les plus importants parmi les devas, ne peuvent être comparés au Seigneur Suprême, à qui, en fait, ils rendent un culte (siva-virinci-nutam).

Cependant, aussi insensé que cela puisse paraître, il en est pour rendre un culte à l'homme, aux "leaders" des hommes, croyant faussement que Dieu S'est Lui-même fait homme (anthropomorphisme), ou même animal (zoomorphisme). Les mots iha devatah désignent un puissant personnage, homme ou deva, de l'univers matériel. Mais Narayana, Visnu, Krsna, le Seigneur Suprême, n'est pas de ce monde. Dieu est au-delà de la manifestation matérielle, qu'Il transcende. Même Sripada Sankaracarya, le chef de file des impersonnaliste, maintenait que Narayana, Krsna, Se situe au-delà de la création matérielle.

Malgré cela, il en reste d'assez sots (hrta-jnanana), assez assoiffés de résultats matériels immédiats, pour rendre un culte aux devas. Ces bénéfices, ils les obtiennent, mais sans réaliser leur permanence, sans savoir qu'ils ne sont destinés qu'aux moins intelligents. Les gens vraiment intelligents vivent dans la conscience de Krsna et n'éprouvent nul besoin de rendre un culte aux devas, dont le pouvoir est insignifiant comparé à celui de Krsna; ils n'ont aucun attrait pour les bienfaits, immédiats, certes, mais éphémères, que ces derniers procurent. Les devas, comme leurs adorateurs, disparaissent avec l'univers matériel; comme lui, donc, leurs bienfaits sont matériels et temporaires. Bien que les univers et leurs habitants -devas et fidèles des devas ne soient que des "bulles" dans l'océan cosmique, on voit partout l'homme poursuivre fiévreusement les biens de ce monde: argent, terres, famille, confort, etc. Et pour les acquérir, il n'hésite pas à rendre un culte aux devas, ou même aux personnalités puissantes de son pays. Qu'un homme, en le flattant et l'adorant, obtienne les faveurs d'un chef politique et se voit attribuer un poste gouvernemental, et il croira bénéficier de la plus grande faveur. On se jette donc aux pieds des puissants dirigeants et "gros bonnets", afin d'obtenir d'eux quelque bénéfice passager, et de fait, on l'obtient. Nul intérêt, évidemment, pour la conscience de Krsna en tant que solution durable aux maux de l'existence matérielle. Ils n'aspirent qu'aux plaisirs de ce monde, et pour en jouir quelques instants, ils se font les adorateurs des devas, quand ceux-ci doivent tout au Seigneur.

Ce verset montre le peu d'intérêt que portent généralement les hommes à la conscience de Krsna, montre comment le seul but de leur vie est le confort matériel, et comment, pour l'obtenir, ils vouent un culte à quelque puissant personnage.

 


VERSET 13

 

catur-varnyam maya srstam
guna-karma-vibhagasah
tasya kartaram api mam
viddhy akartaram avyayam

 

 

TRADUCTION

J'ai créé les quatre divisions de la société en fonction des trois gunas et des devoirs qu'ils imposent à l'homme. Mais sache que si Je les ai créées, elles ne Me contiennent pas, car Je suis immuable.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur est le créateur de tout ce qui est. Tout naît de Lui, tout est maintenu par Lui, et après l'annihilation des mondes, tout repose en Lui. C'est donc également Lui qui créa les quatre varnas: les brahmanas, les plus intelligents, dont la vie est soumise à la vertu; les ksatriyas, chargés d'administrer l'ordre social et conduits, eux, par la passion; les vaiyas, chargés du commerce et influencés à la fois par la passion et l'ignorance, et les sudras, les travailleurs, qui, eux, vivent sous l'empire de l'ignorance. Bien qu'il soit le créateur de ces quatre divisions sociales, Sri Krsna, puisqu'il n'est pas conditionné par la matière, n'appartient à aucune d'elles. Une fraction seulement de l'ensemble des êtres conditionnés forme l'espèce humaine. Rien ne distingue la société humaine de la société animale si ce n'est cette organisation en quatre varnas, instituée par le Seigneur pour favoriser l'épanouissement systématique de la conscience de Dieu.

Selon le guna qui l'influence, chacun est porté vers une activité particulière. Le dix-huitième chapitre de ce livre traite plus amplement de l'influence des gunas sur la vie de l'homme. Toutefois, l'être conscient de Krsna dépasse, comme Lui, les varnas et les autres divisions de la société (d'espèces, de races, de famille... ). Car le bhakta, le, vaisnava, est même supérieur au brahmana. Le brahmana doit, par nature, connaître la Vérité Absolue, mais c'est le plus souvent sous Son aspect impersonnel, celui du Brahman, qu'il La connaît. Seul le vaisnava dépasse ce savoir incomplet, et parvient à connaître Sri Krsna, Dieu, la Personne Suprême, de même que Ses émanations plénières, telles Rama, Nrsimha, Varaha, etc., dans la conscience de Krsna.


 

VERSET 14

 

na mam karmani limpanti
na me karma-phale sprha
iti mam yo ’bhijanati
karmabhir na sa badhyate

TRADUCTION

L'action ne M'affecte pas, et Je n'aspire nullement à ses fruits. Celui qui Me connaît comme tel ne s'empêtre pas, lui non plus, dans les rets du karma.

 

TENEUR ET PORTEE

Comme le souverain, qui, selon certaines lois constituées, n'est pas sujet à l'erreur, ni ne tombe sous le coup des lois de l'Etat, le Seigneur, créateur de l'univers, n'est pas touché par les activités de ce monde. Il crée mais reste au delà de Sa création, tandis que les êtres vivants, parce qu'ils sont toujours enclins à s'approprier tout ce qu'offre l'univers matériel, se trouvent pris dans la roue du karma. Dans une entreprise, ce sont les travailleurs qui sont responsables de leurs actes, bons ou mauvais, et non le propriétaire. Dans l'univers matériel, chaque individu agit pour son propre profit, sans tenir compte des directives du Seigneur; il n'aspire qu'au plaisir: aujourd'hui sur Terre, demain, après la mort, sur les planètes édéniques. Mais le Seigneur, Lui, trouve Sa plénitude en Lui-Même, et n'aspire aucunement au "bonheur" des planètes édéniques. Les devas habitant ces planètes ne sont que Ses serviteurs, et Il n'est certes pas attiré par les menues satisfactions qu'ils peuvent offrir. Il transcende l'action matérielle et n'est pas sujet à ses conséquences. Il est comme la pluie, qui, sans être responsable de la végétation, est toutefois nécessaire à la croissance des plantes. La smrti védique le confirme: de tout ce qui est dans l'univers matériel, le Seigneur est la cause ultime, la cause immédiate étant l'énergie matérielle, par quoi la manifestation cosmique est rendue visible. Tous les êtres créés -devas, hommes, animaux- sans exception, doivent subir les conséquences de chacun de leurs actes, vertueux ou coupables; c'est le Seigneur qui leur permet d'agir selon leurs désirs, Lui encore qui leur donne les divers principes régulateurs à suivre selon les gunas qui les dominent, mais Il n'est responsable de leurs agissements ni dans le passé ni dans le présent. Cette impartialité du Seigneur envers tous les êtres, on la trouve également décrite dans les Vedanta-sutras. Chacun est responsable de ses propres actes; le Seigneur ne fait, à travers Son énergie externe (la nature matérielle), que rendre ces actes possibles. Quiconque connaît tous les secrets du karma, cette loi complexe qui régit toute action matérielle, cesse d'être affecté par les suites éventuelles de ses actes. Devenir parfaitement conscient du fait que le Seigneur transcende cette loi, c'est y échapper soi-même et faire preuve d'une grande expérience dans la conscience de Krsna. Au contraire, celui qui prend le Seigneur pour un être ordinaire, porté vers les fruits de l'acte et forcé d'en connaître les suites, s'empêtre lui même dans les rets de l'action matérielle. Qui connaît la Vérité Suprême est un être libéré, établi dans la conscience de Krsna.


 

VERSET 15

 

evam jnatva kritam karma
purvair api mumuksubhih
kuru karmaiva tasmat tvam
purvaih purvataram kritam

 

TRADUCTION

Dans la force de ce savoir ont agi toutes les grandes âmes des temps passés, et ainsi ont-elles atteint la libération. Marche donc sur les traces des anciens, et remplis ton devoir dans cette conscience divine.

 

TENEUR ET PORTEE

Deux sortes d'hommes: ceux dont le coeur est souillé par la matière, ceux qui sont affranchis de toute contamination matérielle. La conscience de Krsna s'adresse aux uns comme aux autres. Les impurs peuvent graduellement se purifier, en observant les principes régulateurs du service de dévotion. Quant aux purs, qu'ils continuent d'agir dans la conscience de Krsna, afin d'aider les autres par leur exemple. Bien des ignorants, parfois même des bhaktas néophytes, sans profonde compréhension de la conscience de Krsna, désirent renier toute action. Que dit le Seigneur à ce sujet? Nous voyons qu'il n'approuve nullement Arjuna lorsque ce dernier lui fait part de sa résolution de ne pas combattre, car il suffit de savoir comment agir; abandonner les activités de la conscience de Krsna et devenir immobile, distant, artificiellement absorbé en Krsna, est infiniment moins bénéfique que d'agir pour la satisfaction de Krsna. Ici, Arjuna reçoit le conseil d'agir dans la conscience de Krsna, de marcher sur les traces d'anciens disciples du Seigneur, tel Vivasvan, le deva du soleil, mentionné plus haut. Le Seigneur, en effet, est pleinement conscient de Ses Actions passées, aussi bien que des actions de tous ceux qui Le servirent. C'est pourquoi Il propose de prendre exemple sur le deva du soleil, auquel Il enseigna Lui-même l'art de la conscience de Krsna, des millions d'années auparavant. Vivasvan et les disciples du Seigneur mentionnés dans ce verset étaient tous des êtres libérés, s'acquittant de manière active des missions qu'il leur avait confiées.

 


VERSET 16

 

kim karma kim akarmeti
kavayo ’py atra mohitah
tat te karma pravaksyami
yaj jnatva moksyase ’subhat

 

TRADUCTION

Même l'homme d'intelligence devient perplexe quand il s'agit de déterminer ce que sont l'action et l'inaction. A présent, Je vais t'enseigner l'action, et cette connaissance te délivrera de tout péché.

 

TENEUR ET PORTEE

Il faut, pour agir en pleine conscience de Krsna, suivre l'exemple des grands bhaktas qui nous ont précédés, recommandait le verset quinze. te présent verset explique pourquoi il ne faut pas agir de façon autonome.

Pour agir véritablement dans la conscience de Krsna, on doit suivre les directives de maîtres appartenant à une filiation spirituelle authentique. La conscience de Krsna, lisait-on au début du chapitre, fut d'abord enseignée au deva du soleil; il la transmit à son fils Manu, qui, à son tour, la transmit à son fils, Iksvaku. Et c'est ainsi, depuis des temps lointains, qu'elle est connue sur Terre. Font donc autorité en matière spirituelle les maîtres qui appartiennent à une succession disciplique dont l'origine est Krsna, et c'est sur leurs traces qu'il faut marcher. Sans eux, même le plus vif esprit ne saura comment agir dans la conscience de Krsna. Pour cette raison, le Seigneur décide d'instruire Arjuna personnellement; quiconque, par conséquent, emprunte la voie d'Arjuna, saura exactement quelle conduite tenir.

Notre savoir expérimental, nécessairement imparfait, ne nous permettra pas de découvrir les principes de la spiritualité; ceux-ci, en effet, ne peuvent être donnés que par le Seigneur. Nul ne peut, par simple spéculation, élaborer ces principes. Aussi faut-il suivre l'exemple des grands bhaktas, tels Brahma Siva, Narada, Manu, Kumara, Kapila, Prahlada, Bhisma, Sukadeva Gosvami, Yarmaraja, Janaka, Bali, etc. Comme on ne peut se fier à ses propres spéculations pour connaître la voie de la spiritualité, de la réalisation spirituelle, Krsna prouve à Ses dévots Sa miséricorde immotivée en définissant personnellement devant Arjuna ce qu'il en est de l'action et l'inaction: seule l'action accomplie dans la conscience de Krsna peut mettre un terme à l'existence matérielle.

 


VERSET 17

 

karmano hy api boddhavyam
boddhavyam ca vikarmanah
akarmanas ca boddhavyam
gahana karmano gatih

 

TRADUCTION

La nature de l'action est fort complexe, difficile à comprendre; il faut donc bien distinguer l'action légitime, l'action condamnable et l'inaction.

 

TENEUR ET PORTEE

Quiconque est sérieusement déterminé à échapper aux griffes de la matière, doit apprendre à distinguer entre l'action, l'inaction et les actes contraires aux enseignements des Ecritures. Ce sujet, fort complexe, demande une grande attention. Tout d'abord, pour distinguer l'action consciente de Krsna de celle dictée par les trois gunas, il faut comprendre notre position par rapport à Krsna, réaliser pleinement que tous les êtres sont Ses serviteurs éternels. Cela fait, il reste à agir en conséquence, c'est-à-dire dans la conscience de Krsna. C'est là que nous conduisent tous les versets de la Bhagavad-gita, et toute interprétation contraire ne peut que nous introduire dans le domaine de l'action prohibée (vikarma). La seule vraie façon de comprendre les différentes valeurs d'un acte, c'est de vivre au contact d'êtres pleinement conscients de Krsna, et recevoir d'eux la clé du savoir, ce qui a même valeur que de la recevoir directement du Seigneur. Même le plus intelligent des hommes, s'il refuse de la suivre, croupira dans la confusion et l'ignorance.

 


VERSET 18

 

karmany akarma yah pasyed
akarmani ca karma yah
sa buddhiman manusyesu
sa yuktah krtsna-karma-krt

 

 

TRADUCTION

Celui qui voit l'inaction dans l'action et l'action dans l'inaction, celui-là se distingue par son intelligence, et bien qu'engagé dans toutes sortes d'actes, il se situe à un niveau purement spirituel.

 

TENEUR ET PORTEE

Qui agit dans la conscience de Krsna échappe automatiquement à l'emprisonnement du karma. Tous ses actes sont destinés au Seigneur, Krsna, et il ne jouit ni ne souffre de leurs effets. Bien qu'il continue d'agir, il est intelligent parmi les hommes, car il le fait pour Krsna. Ses actions sont akarma: elles n'entraînent aucune suite matérielle. L'impersonnaliste, par crainte que le karma ne fasse obstacle à son progrès spirituel, cesse toute action. Le personnaliste, lui, ne connaît pas cette crainte; il se sait l'éternel serviteur de Dieu et n'hésite pas à agir, dans la conscience de Krsna. Tous les actes du bhakta, qui est libre de tout désir matériel, ne visent qu'au plaisir de Krsna, et leur seule conséquence est un bonheur absolu. Agissant en pleine conscience de sa subordination éternelle, il est immunisé contre toutes les suites matérielles de ses actes.

 


VERSET 19

 

yasya sarve samarambhah
kama-sankalpa-varjitah
jnanagni-dagdha-karmanam
tam ahuh panditam budhah

 

TRADUCTION

Celui qui, dans l'action, s'est affranchi de tout désir de jouissance matérielle, peut être considéré comme solidement établi dans le savoir. De lui, les sages affirment que le feu de la connaissance parfaite a réduit en cendres les conséquences de ses actes.

 

TENEUR ET PORTEE

Pour comprendre les actes d'une personne consciente de Krsna, il faut posséder soi-même la connaissance totale. Le fait qu'un homme conscient de Krsna échappe à l'attrait des plaisirs matériels démontre que les conséquences de ses actes ont été consumées dans le feu de la parfaite connaissance de sa condition éternelle de serviteur de Dieu, la Personne Suprême, Voilà le véritable érudit. On compare son savoir à un feu qui, alimenté, a le pouvoir de réduire en cendres toutes les conséquences matérielles de ses actes.

 


VERSET 20

 

tyaktva karma-phalasangam
nitya-trpto nirasrayah
karmany abhipravrtto ’pi
naiva kincit karoti sah

 

TRADUCTION

Totalement détaché du fruit de ses actions, toujours satisfait et autonome, il n'agit pas matériellement, bien que continuellement actif.

 

TENEUR ET PORTEE

C'est seulement en agissant dans la conscience de Krsna, à seule fin de satisfaire Krsna, que nous pourrons nous libérer des conséquences de l'action. Le pur dévot de Dieu, la Personne Suprême, parce qu'il n'a pour motivation que l'amour, n'éprouve nul désir envers les fruits de ses actes. Il ne se sent pas même véritablement concerné par ses besoins corporels: il s'en remet, pour tout, à Krsna. Insoucieux d'acquérir davantage de biens, comme de protéger ceux qu'il possède déjà, il remplit simplement son devoir du mieux possible et laisse Krsna décider des résultats. Ainsi détaché, il ne s'assujettit jamais aux conséquences de ses actes, bons ou mauvais; en quelque sorte, il n'agit pas, puisque ses actes sont akarma, qu'ils n'entraînent pour lui aucune conséquence matérielle. Tout autre mode d'agir, contraire à la conscience de Krsna, est vikarma, tel qu'expliqué précédemment, et enchaîne son auteur.

 


VERSET 21

 

nirasir yata-cittatma
tyakta-sarva-parigrahah
sariram kevalam karma
kurvan napnoti kilbisam

 

TRADUCTION

L'homme ainsi éclairé maîtrise parfaitement son mental et son intelligence; il renonce à tout sentiment de possession et n'agit que pour subvenir à ses stricts besoins vitaux. Ainsi, le péché ni les conséquences du péché ne l'atteignent.

 

TENEUR ET PORTEE

L'être conscient de Krsna n'attend aucun résultat, négatif ou positif, pour ses actes. Il maîtrise parfaitement son mental et son intelligence. Parce qu'il se connaît comme partie intégrante du Seigneur Suprême, il comprend que son rôle par rapport au Seigneur ne dépend pas de lui-même, mais du Seigneur. Tout se fait sous la direction du Seigneur, comme la main qui ne bouge qu'au gré du corps entier. Le pur bhakta unit toujours ses désirs à ceux du Seigneur; jamais ses actes n'ont pour motif de jouir de plaisirs matériels, égoïstes. Il agit en harmonie avec le Tout, comme l'élément d'une machine comme on huile et nettoie une machine, pour qu'elle fonctionne bien, l'homme conscient de Krsna prend soin de son corps, mais à seule fin de l'utiliser au service du Seigneur. Il est donc préservé des conséquences de tout ce qu'il entreprend. Comme l'animal domestique, qui n'a pas d'indépendance et jamais ne proteste, quelle que soit la volonté de son maître, il n'a pas la possession de son propre corps.

Celui qu'absorbe la réalisation de Krsna ne trouve guère le temps de chercher à "posséder" quoi que ce soit de matériel. Ses besoins physiques se résument au simple maintien en vie du corps, il ne se soucie point d'amasser de l'argent par des moyens malhonnêtes. Ainsi, au lieu de laisser les actes coupables le charger de souillure, il s'affranchit de tout karma.

 


VERSET 22

 

yadrccha-labha-santusto
dvandvatito vimatsarah
samah siddhav asiddhau ca
kritvapi na nibadhyate

 

TRADUCTION

Celui qui, affranchi de la dualité et de l'envie, voit d'un même œil l'échec et la réussite, satisfait de ce qui lui vient naturellement, celui-là, bien qu'il agisse, ne s'enlise jamais.

 

TENEUR ET PORTEE

S'agissant des besoins du corps, l'homme conscient de Krsna ne s'épuise jamais en efforts superflus. Satisfait de ce qui lui vient naturellement, il ne mendie ni n'emprunte, mais fournit un travail honnête, dans la mesure de ses capacités; et ce qu'il obtient ainsi le contente pleinement. Il ne dépend donc pas des autres pour ce qui est de sa subsistance. En pratiquant la conscience de Krsna, jamais il ne laisse le service d'autrui entraver le sien propre. Toutefois, pour le service de Krsna, il peut tout faire, et sous n'importe quelles conditions, aucunement troublé par les dualités du monde matériel, Dépassant les dualités (chaleur et froid, joies et peines, etc.), il n'hésite devant aucune entreprise pour satisfaire Krsna, et il demeure résolu et serein, dans le succès comme dans l'échec. Tels sont quelques-uns des traits manifestés chez celui qui possède le savoir absolu.


 

VERSET 23

 

gata-sangasya muktasya
jnanavasthita-cetasah
yajnayacaratah karma
samagram praviliyate

 

 

TRADUCTION

Les actions de celui qui, ferme dans le savoir absolu, ne subit pas l'influence des trois gunas, sont purement spirituelles, accomplies pour la seule satisfaction de Yajna [Krsna].

 

TENEUR ET PORTEE

On s'affranchit, en devenant conscient de Krsna, de l'emprise des dualités comme de la souillure des trois gunas, car on a retrouvé la relation éternelle qui nous unit à Dieu. Une fois ce savoir acquis, les pensées de l'homme ne s'écartent plus un instant de Krsna. Tout ce qu'il fait, il le dédie à Krsna, le Visnu originel; chacun de ses actes devient donc un sacrifice: agir pour la seule satisfaction de la Personne Suprême, Krsna, telle est la définition du sacrifice. Les suites de tels actes se fondent dans l'Absolu et cessent d'enchaîner l'auteur de ces derniers.

 


VERSET 24

 

brahmarpanam brahma havir
brahmagnau brahmana hutam
brahmaiva tena gantavyam
brahma-karma-samadhina

 

TRADUCTION

L'homme qu'absorbe pleinement la conscience de Krsna est assuré d'atteindre le royaume éternel, car ses actes sont tous purement spirituels: et par l'oblation et par l'offrande, ils participent de l'absolu.

 

TENEUR ET PORTEE

On trouve expliqué, dans ce passage, comment le fait d'agir en fonction des principes de la conscience de Krsna peut mener l'homme à la perfection spirituelle. La conscience de Krsna couvre un grand nombre d'activités, qui seront décrites dans les versets suivants. Mais ici, seul le principe de l'action dans la conscience de Krsna se trouve énoncé. Les actes de l'être conditionné sont obligatoirement souillés au contact de la matière; il lui faut donc quitter cet environnement. Comment? En appliquant les principes de la conscience de Krsna. Un homme qui souffre des intestins pour avoir abusé de lait peut guérir grâce au même aliment, transformé en caillé. De même, l'âme conditionnée peut, en adoptant la conscience de Krsna, être guérie du mal matériel, car ses actes relèvent alors du sacrifice (yajna), leur but unique étant devenu la satisfaction de Visnu (Krsna). Dans l'univers matériel, plus on agit pour Visnu, en pleine conscience de Krsna, plus l'atmosphère se spiritualise, comme par absorption.

Brahman signifie "spirituel". Le Seigneur est purement spirituel, comme l'est la radiance qui émane de Son Corps absolu, le brahmajyoti. Or, tout ce qui existe se trouve dans ce brahmajyoti. Ce qu'on nomme "matière" participe toujours de la même substance (jyoti), mais, cette fois, recouverte du voile de l'illusion (maya). La conscience de Krsna peut en un instant déchirer ce voile; alors, l'offrande, ce qui la consume, le rite d'offrande, l'officiant et le fruit du sacrifice sont, réunis, brahman, absolus. L'Absolu, lorsque enveloppé du voile de maya, prend le nom de "matière", mais celle-ci retrouve sa qualité spirituelle dès qu'elle est à nouveau mise au service de la Vérité Absolue. La conscience de Krsna n'est autre que le moyen de convertir en conscience spirituelle et absolue notre conscience présente, engluée dans l'illusion. Retrouver cette conscience absolue de Krsna, y absorber son mental, tel est le samadhi. Tout acte accompli dans cette conscience est un yajna, sacrifice offert à l'Absolu, et l'auteur, l'offrande, la consomption, l'officiant et les fruits du sacrifice ne font plus qu'Un en l'Absolu, le Brahman Suprême. Telle est la voie de la conscience de Krsna.

 


VERSET 25

 

daivam evapare yajnam
yoginah paryupasate
brahmagnav apare yajnam
yajnenaivopajuhvati

 

TRADUCTION

Certains yogis rendent aux devas un culte parfait en leur offrant divers sacrifices, et d'autres sacrifient au feu du Brahman Suprême.

 

TENEUR ET PORTEE

Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'homme agissant en accord avec les principes de la conscience de Krsna est le plus élevé, le plus parfait des yogis et des mystiques. Mais les dévots de Krsna ne sont pas seuls à offrir des sacrifices; il existe aussi des gens qui les destinent aux devas, ou bien au Brahman impersonnel. Selon la nature de leurs bénéficiaires, ces sacrifices se présentent sous différentes formes, mais cette diversité est superficielle, puisque tout sacrifice va, finalement, au Seigneur Suprême, Visnu, ou Yajna.

On peut regrouper les diverses formes de sacrifices en deux grandes catégories: le sacrifice des biens matériels et le sacrifice visant la connaissance spirituelle. Pour la satisfaction du Seigneur Suprême, les bhaktas sacrifient tous leurs biens matériels. D'autres sacrifient également leurs possessions, mais dans le but de plaire aux devas (Indra, Vivasvan, etc.) et d'obtenir d'eux un bonheur matériel, éphémère. Ces devas sont des êtres à qui le Seigneur donna la puissance de régir l'univers matériel (en veillant à son illumination, à l'équilibre des chaleurs et des pluies, etc.). Et c'est à eux que les hommes avides de biens matériels rendent un culte, suivant les directives des Vedas. On appelle ces adorateurs des bahv-isvara-vadis, car leurs croyances revêtent la forme d'un polythéisme. Quant aux impersonnaliste, ils considèrent les devas comme autant d'êtres éphémères, et préfèrent sacrifier leur individualité dans le feu de l'Absolu, en s'identifiant au Brahman impersonnel, qu'ils vénèrent. Ils passent leur temps à d'infinies spéculations philosophiques, où ils espèrent découvrir la nature de l'Absolu.

Bref, l'homme avide du fruit de ses actes sacrifie ses biens matériels, en vue d'accroître ses plaisirs matériels, tandis que l'impersonnaliste sacrifie lui, son identité matérielle, afin de se fondre dans l'existence de l'Absolu. Pour ce dernier, le feu du sacrifice, c'est le Brahman Suprême, l'offrande, c'est l'individualité, que consume le feu du Brahman. Le bhakta, sur le modèle d'Arjuna, sacrifie, pour la satisfaction de Krsna, tout son avoir, ses biens comme sa personne, mais sans perdre jamais son individualité. Il est le plus parfait des yogis.

 


VERSET 26

 

srotradinindriyany anye
samyamagnisu juhvati
shabdadin visayan anya
indriyagnisu juhvati

 

TRADUCTION

Certains sacrifient l'audition et les autres sens dans le feu du mental maîtrisé, et d'autres offrent le son et les autres objets des sens au feu du sacrifice.

 

TENEUR ET PORTEE

L'homme, dans la vie spirituelle, évolue à travers quatre étapes, appelées asramas: le brakmacarya, le grhastha, le vanaprastha et le sannyasa, destinées à faire de lui un parfait yogi, un parfait spiritualiste. La vie humaine, au contraire de la vie animale, laquelle est orientée par la simple recherche d'une satisfaction des sens, a pour but d'atteindre la perfection spirituelle, ce que permettent les asramas.

Les brahmacaris, les étudiants confiés aux soins d'un maître spirituel intègre, apprennent, sous sa conduite, à maîtriser leur mental en s'abstenant de tout plaisir matériel. C'est d'eux que parle ce verset lorsqu'il dit que certains sacrifient l'audition et les autres sens dans le feu du mental maîtrisé. Avant de comprendre, il faut écouter; aussi, le pur brahmacari s'adonne entièrement à l'exercice du harer namanukirtanam: écouter et chanter les gloires du Seigneur. Il s'abstient volontairement de prêter l'oreille au moindre son matériel; seul le chant spirituel de:

hare krsna hare krsna krsna hare hare hare
rama hare rama rama rama hare hare

et les propos à la gloire de Krsna pénètrent son oreille. Le mariage donne droit à certains plaisirs matériels, mais le grhastha, celui qui mène une vie familiale conforme aux Ecritures, n'en use que d'une façon très restreinte. L'homme, en général, tend vers les plaisirs charnels, vers l'enivrement et la consommation de chair animale, mais le chef de famille menant une vie saine et réglée ne se livre pas sans restriction aux plaisirs de la chair, ou autres. Toute société civilisée offre un mariage basé sur les principes religieux, car il constitue le moyen de restreindre les activités sexuelles. Cette maîtrise de soi est une autre forme de yajna, car le grhastha sacrifie sa tendance à jouir par les sens pour la cause de l'élévation spirituelle.

 


VERSET 27

 

sarvanindriya-karmani
prana-karmani capare
atma-samyama-yogagnau
juhvati jnana-dipite

 

TRADUCTION

Ceux qui désirent atteindre la réalisation spirituelle par la maîtrise des sens et du mental, offrent en sacrifice, dans le feu du mental maîtrisé, les activités de tous leurs sens et leur souffle vital.

 

TENEUR ET PORTEE

C'est au yoga de Patanjali que nous devons faire référence à propos de ce verset. Dans son Yoga-sutra, l'âme porte les noms de pratyag-atma ou de parag-àtma. Car, selon ce yoga, l'âme demeure parag-atma aussi longtemps qu'elle recherche les plaisirs matériels; elle n'atteint le but ultime, d'être, pratyag-atam, que lorsqu'elle cesse toute action matérielle.

L'âme conditionnée est influencée par les mouvements de dix sortes d'air dans le corps; or, le yoga de Patanjali permet de percevoir ces mouvements, par le contrôle des fonctions respiratoires, et aussi de les maîtriser, de manière à ce qu'ils favorisent, en l'âme, le détachement de la matière. L'un de ces dix airs, le prana-vayu, a pour fonction de régir l'interaction des sens et de leurs objets, permettant ainsi à l'oreille d'entendre, aux yeux de voir, au nez de sentir, à la langue de goûter, aux mains de toucher, ces activités se déroulant toutes hors du moi. Un autre, l'apana-vayu, est descendant; le vyana-vayu rétrécit et agrandit; le samana-vayu établit l'équilibre, et l'udana-vayu est ascendant. Dès qu'un homme est éclairé par la connaissance, il peut utiliser le pouvoir propre à chacun de ces airs dans la quête de la réalisation spirituelle.

 


VERSET 28

 

dravya-yajnas tapo-yajna
yoga-yajnas tathapare
svadhyaya-jnana-yajnas ca
yatayah samsita-vratah

 

 

TRADUCTION

D'autres, éclairés par le sacrifice de leurs biens matériels et par de grandes austérités, font des vœux stricts et adoptent le yoga en huit phases. D'autres encore étudient les Vedas pour acquérir le savoir absolu.

 

TENEUR ET PORTEE

Les diverses formes de sacrifice peuvent être classées en plusieurs catégories. Pour certains, sacrifier consiste à distribuer leurs richesses par des actes de charité. En Inde, par exemple, princes et riches marchands fondent de multiples institutions charitables, telles les dharma-galas, les anna-ksetras, les atithi-salas, les anathalayas, les vidyapithas, etc.; dans d'autres pays, ce sont des hôpitaux, des hospices de vieillards et autres institutions semblables, dont la fonction est de fournir la nourriture, l'éducation et des soins médicaux gratuits aux indigents. Ces actes charitables portent le nom de dravyamaya-yajna.

D'autres sacrifices, propres aux gens qui désirent améliorer leurs conditions de vie ou s'élever jusqu'aux planètes édéniques, consistent en diverses ascèses, telles le candrayana et le caturmasya. Elles exigent que l'on observe scrupuleusement des règles strictes, que l'on fasse des voeux sévères. L'ascète observant le caturmasya, par exemple, décidera de ne pas se raser pendant quatre mois de l'année (de juillet à octobre), il s'abstiendra de certains aliments, ne fera jamais plus d'un repas par jour et ne sortira jamais de sa maison. Un tel sacrifice du confort s'appelle tapomaya-yajna.

D'autres sacrifices encore, qui portent le nom de yoga-yajna, servent à acquérir certaines perfections en ce monde, tels ceux des adeptes de certains yogas dits des pouvoirs: le yoga de Patanjali (dont l'objectif est de se fondre en l'Absolu), le hatha-yoga ou l'astanga-yoga (dont le but est l'acquisition de pouvoirs surnaturels). Tels ceux, également, des pèlerins qui parcourent tous les lieux saints, et des intellectuels, qui pratiquent le sacrifice de l'étude (svadhyaya-yajna), s'appliquant à scruter les divers Ecrits védiques, et plus particulièrement les Upanisads et les Vedanta-sutras, ou à approfondir la philosophie du sankhya.

Tous ces yogis accomplissent avec constance leurs sacrifices respectifs dans le but d'atteindre des conditions de vie supérieures, mais le bhakta, qui pratique la conscience de Krsna, les dépasse tous, car il sert directement le Seigneur. Aucun des sacrifices mentionnés plus haut ne permet de devenir conscient de Krsna; seule peut nous y conduire la miséricorde du Seigneur et de Son pur dévot. Par suite, la conscience de Krsna transcende toutes les normes matérielles.

 


VERSET 29

 

apane juhvati pranam
prane ’panam tathapare
pranapana-gati ruddhva
pranayama-parayanah
apare niyataharah
pranan pranesu juhvati

 

TRADUCTION

Certains, également, recherchent l'exaltation dans la maîtrise des fonctions respiratoires: ils s'exercent à fondre le souffle expiré dans le souffle inspiré, puis l'inverse; ils parviennent ainsi à suspendre toute respiration et à connaître l'extase. Certains encore, restreignant leur nourriture, sacrifient en lui même le souffle expiré.

 

TENEUR ET PORTEE

Le système décrit dans ce verset, le pranayama, forme l'une des pratiques du hatha-yoga; il permet de contrôler la respiration grâce, au début de l'apprentissage, à des postures déterminées. Ces pratiques yogiques sont dites favorables à la maîtrise des sens et au progrès spirituel général. Le yogi s'y exerce à maîtriser l'air contenu dans son corps afin de le transporter simultanément dans des directions opposées. L'air apana, par exemple, descend, tandis que le prana monte. Le pranayama-yogi apprend à respirer dans le sens inverse du cours normal de l'air, offrant l'air inspiré à l'air expiré, jusqu'à ce que ces deux courants soient neutralisés dans un équilibre stable, le puraka. L'offrande de l'air expiré à l'air inspiré s'appelle le recaka. L'arrêt total des deux airs est le kumbhaka-yoga, et par cette pratique, le yogi accroît considérablement sa longévité.

L'être conscient de Krsna, cependant, toujours absorbé, avec une dévotion et un amour absolus, dans le service du Seigneur, maîtrise, par là même, ses sens, auxquels sa concentration totale sur Krsna ne permet pas de se diriger sur d'autres objets. Tout naturellement, à la fin de sa vie, il passera dans le monde spirituel, en la compagnie de Krsna: il n'a donc pas besoin d'efforts pour accroître sa longévité. D'un coup, il atteint la libération. Le bhakta débute à un niveau qui est déjà spirituel, et il conserve toujours une telle conscience spirituelle. Ne courant, par suite, aucun risque de chute, il pénètre sans délai dans le royaume du Seigneur.

Ce verset indique la nécessité de restreindre la nourriture. Une telle restriction s'accomplit automatiquement si l'on fait du prasada, aliment sacré, d'abord offert à Krsna, son unique nourriture. Diminuer sa nourriture aide considérablement à l'essentielle maîtrise des sens, sans laquelle il est impossible de trancher les liens qui nous retiennent à la matière.

 


VERSET 30

 

sarve ’py ete yajna-vido
yajna-ksapita-kalmasah
yajna-sistamrita-bhujo
yanti brahma sanatanam

 

TRADUCTION

D'entre eux, tous ceux qui connaissent le but du sacrifice sont libérés des chaînes du karma; ayant goûté au nectar des fruits du sacrifice, ils atteignent les sphères suprêmes de l'éternité.

 

TENEUR ET PORTEE

Dans la description des diverses formes de sacrifices (le sacrifice des possessions matérielles, l'étude des Vedas et des différentes doctrines philosophiques, la pratique du yoga, etc.), on a pu voir qu'elles visent toutes à la maîtrise des sens. Puisque l'ardent désir de jouir de nos sens est la cause première de l'existence matérielle, il est impossible, à moins de s'en défaire, d'atteindre à la vie éternelle, d'existence, de connaissance et, de félicité totales, dans le royaume de l'Absolu. Les sacrifices, en le purifiant, aident l'homme à échapper aux conséquences néfastes de ses actes coupables. Ils lui assurent non seulement le bonheur et la prospérité dans cette vie, mais en outre, à la fin de cette vie, l'entrée au royaume éternel de Dieu, soit qu'on se fonde dans le Brahman impersonnel, soit qu'on atteigne l'entourage intime de Dieu, la Personne Suprême.

 


VERSET 31

 

nayam loko ’sty ayajnasya
kuto ’nyah kuru-sattama

 

TRADUCTION

0 toi le meilleur des Kurus, sache que sans accomplir de sacrifice, on ne peut vivre heureux dans cette vie, en ce monde; et que dire de la suivante?

 

TENEUR ET PORTEE

Quelles que soient nos conditions de vie en ce monde, nous sommes tous, au départ, dans l'ignorance totale de notre nature véritable. Or, l'ignorance cause la vie coupable, qui, à son tour, cause, de par ses suites, notre séjour prolongé dans l'univers matériel. Pour sortir de cette prison de la matière, une seule issue: la forme humaine. C'est pourquoi les Vedas enseignent à l'homme comment s'en échapper, en lui montrant les voies de l'exercice religieux, de l'accroissement des richesses et des plaisirs matériels réglés, en lui offrant, pour finir, le moyen de quitter une fois pour toutes sa misérable condition. Les pratiques religieuses (il s'agit des différents sacrifices recommandés plus haut) résolvent automatiquement tous les problèmes économiques, et procurent, même en cas de "surpopulation", toute la nourriture nécessaire à la vie (lait, céréales, fruits et légumes, etc.). Cependant, une fois son estomac rassasié, l'homme voudra satisfaire ses sens. A cette fin, les Vedas recommandent le mariage sacré, qui sanctionne les plaisirs des sens, mais avec restriction. Observer ces règles libère graduellement l'homme du joug de la matière, la perfection de cette libération étant de retrouver la compagnie éternelle du Seigneur Suprême.

Puisque, donc, les sacrifices mènent à la perfection, comment celui qui n'est pas prêt à les accomplir peut-il espérer une vie heureuse? Seul connaîtra le bonheur celui qui accomplit des yajnas. Il y a différents degrés de bonheur, comme sur les planètes édéniques, par exemple, qui offrent toute une gamme de conforts matériels, mais la plus haute joie que l'on puisse obtenir est d'atteindre les planètes spirituelles, grâce à la pratique de la conscience de Krsna. Ainsi, la conscience de Krsna offre la solution à tous les problèmes de l'existence.

 


VERSET 32

 

evam bahu-vidha yajna
vitata brahmano mukhe
karma-jan viddhi tan sarvan
evam jnatva vimoksyase

 

TRADUCTION

Ces divers sacrifices sont autorisés par les Vedas et conçus en fonction des diverses formes de l'action; sachant cela, tu atteindras la libération.

 

TENEUR ET PORTEE

Tel que nous l'avons vu, les Vedas recommandent divers sacrifices pour divers types d'hommes. L'homme a généralement une conscience purement corporelle, matérielle, de soi; divers sacrifices sont donc conçus pour être accomplis avec le corps, le mental ou l'intelligence. Tous, cependant, ont pour objet final de libérer l'homme de la prison du corps. Le Seigneur, en personne, le confirme dans ce verset.

 


VERSET 33

 

sreyan dravya-mayad yajnaj
jnana-yajnah parantapa
sarvam karmakhilam partha
jnane parisamapyate

 

 

TRADUCTION

Supérieur au sacrifice des biens matériels est le sacrifice de la connaissance, ô vainqueur des ennemis, car en dernier lieu, ô fils de Prtha, le sacrifice de l'action trouve sa fin dans le savoir absolu.

 

TENEUR ET PORTEE

Supérieur au sacrifice des biens matériels est le sacrifice de la connaissance, ô vainqueur des ennemis, car en dernier lieu, ô fils de Prtha, le sacrifice de l'action trouve sa fin dans le savoir absolu.

 


VERSET 34

 

tad viddhi pranipatena
pariprasnena sevaya
upadeksyanti te jnanam
jnaninas tattva-darshinah

 

TRADUCTION

Cherche à connaître la vérité en approchant un maître spirituel; enquiers toi d'elle auprès de lui avec soumission, et tout en le servant. L'âme réalisée peut te révéler le savoir, car elle a vu la vérité.

 

TENEUR ET PORTEE

Il est certain que la voie menant à la réalisation spirituelle comporte de nombreuses difficultés: c'est pourquoi le Seigneur nous conseille de rechercher un maître authentique, appartenant à la filiation spirituelle dont Il est la source. Nul ne peut se dire maître spirituel véritable s'il n'appartient pas à une succession disciplique authentifiée par Krsna. Krsna est le maître spirituel originel, et seul Son représentant dans la succession disciplique peut transmettre Son message tel qu'il est. On ne parvient pas à la réalisation spirituelle en suivant une méthode inventée par soi-même, comme cela est de mode aujourd'hui. Le Srrimad-Bhagavatam n'appuie guère ce genre d'imposture:

"C'est le Seigneur Lui-même qui trace la voie de la spiritualité".

Ni les spéculations intellectuelles ni les raisonnements stériles ne peuvent favoriser notre progrès. Il convient donc, pour recevoir la connaissance, d'approcher un maître spirituel authentique, un acarya, de s'en remettre entièrement à lui et de se considérer comme son plus humble serviteur. Satisfaire un maître spirituel accompli est le secret du progrès spirituel: le questionner, se soumettre à lui, donne la clé de toute compréhension. Sans cette humilité au service du maître, les questions que nous lui posons ne nous seront d'aucun profit. Il faut savoir se qualifier auprès du maître spirituel, car celui-ci, voyant la sincérité de son disciple, le bénit aussitôt, et lui accorde la connaissance pure et absolue. Toutefois, ce verset condamne et l'acceptation aveugle et les questions absurdes. Car, il ne suffit pas d'écouter avec soumission le maître spirituel, il faut également s'efforcer de comprendre ses enseignements, par notre service et nos questions pertinentes aussi bien que notre soumission. L'acarya est, par nature, pénétré d'affection pour son disciple, toujours prêt à lui transmettre la connaissance. Et quand le disciple s'en remet totalement à lui, toujours prêt à le servir, leur échange, en termes de questions et de connaissance, devient parfait.

 


VERSET 35

 

yaj jnatva na punar moham
evam yasyasi pandava
yena bhutany asesani
draksyasy atmany atho mayi

 

TRADUCTION

Et lorsque ainsi tu connaîtras la vérité, ô fils de Pagu, tu comprendras que tous les êtres font partie intégrante de Moi, qu'ils vivent en Moi, et M'appartiennent.

 

TENEUR ET PORTEE

En recevant la connaissance des lèvres d'un être conscient de son identité spirituelle, et de la vraie valeur des choses, l'homme peut comprendre que tous les êtres font partie intégrante de Dieu, Sri Krsna, la Personne Suprême. On appelle "maya" l'illusion d'être indépendant de Krsna. Certains croient que les êtres n'entretiennent aucun lien avec Krsna, lequel ne serait qu'un grand personnage historique, et la Vérité Absolue rien d'autre que le Brahman impersonnel. Or, le Brahman impersonnel, enseigne la Bhagavad-gita, se constitue de l'éclat irradiant du Corps de Krsna, Dieu, la Personne Suprême, origine de tout ce qui est. Ce que confirme, à son tour, la Brahma-samhita: Krsna est Dieu, la Personne Suprême, cause originelle de toutes les causes; c'est de Lui qu'émanent les innombrables avatras, aussi bien que tous les êtres vivants. Les philosophes mayavadis commettent une erreur grossière lorsqu'ils soutiennent que Krsna perd, en Se multipliant ainsi, Son individualité propre; cette hypothèse reflète un raisonnement tout à fait matériel, car c'est seulement au niveau de la matière qu'un objet perdra son intégralité première s'il se trouve fragmenté. Ces philosophes ne peuvent comprendre qu'au niveau de l'Absolu, un plus un font toujours Un, de même qu'un moins un.

Nos ignorances concernant l'Absolu nous ont empêtrés dans le filet de l'illusion et convaincus de notre entière indépendance. En vérité, bien que nous soyons distincts de Krsna, nous n'en demeurons pas moins Ses parties intégrantes. Les différences corporelles que nous connaissons chez les êtres vivants sont, elles aussi, "maya", illusoires, ou trompeuses. Tous, sans exception, nous sommes faits pour le même but: servir Krsna. Et seule l'influence de maya peut faire croire à Arjuna que les liens matériels et éphémères avec sa famille importent davantage que les liens spirituels et éternels avec Krsna. Le but de la Bhagavad-gita est de nous enseigner que l'être vivant, serviteur éternel de Krsna, ne peut être séparé de Lui, et que son sentiment d'exister hors de Krsna est maya, ou pure illusion. L'être distinct a, en tant que partie intégrante du Seigneur Suprême, un devoir précis à remplir envers Lui, qui est de Le servir: qu'il l'oublie, et le voilà contraint d'habiter, pour des temps sans fin, des corps d'homme, d'animal, de deva, etc. Tous ces corps, en effet, ont pour origine l'oubli du service de dévotion offert au Seigneur. Pourtant, ce voile d'illusion peut être ôté d'un coup, si l'on sert avec amour le Seigneur, dans la conscience de Krsna. Seulement auprès d'un maître spirituel authentique est-il possible d'acquérir la connaissance pure et de ne plus commettre l'erreur qui consiste à placer l'être distinct et l'être Suprême sur un pied d'égalité. Que recouvre l'expression "connaissance pure"? D'abord, savoir que Krsna, l'Ame Suprême, constitue le refuge ultime de tous les êtres; et ensuite, qu'aussitôt hors de cet abri, les êtres tombent sous l'empire de l'énergie matérielle illusoire; abusés par elle, ils s'imaginent alors exister hors du Seigneur, et sous le couvert de diverses identités matérielles, ils oublient Krsna. Toutefois, lorsque ces âmes égarées développent leur conscience de Krsna, elles sont considérées comme en voie d'être libérées. Ce que corrobore le Srimad-Bhagavatam: la libération, c'est retrouver sa relation originelle avec Krsna, celle de serviteur éternel.

 


VERSET 36

 

api ced asi papebhyah
sarvebhyah papa-krt-tamah
sarvam jnana-plavenaiva
vrjinam santarisyasi

 

TRADUCTION

Quand bien même tu serais le plus vil des pécheurs, une fois embarqué sur le vaisseau du savoir spirituel, tu franchiras l'océan de la souffrance.

 

TENEUR ET PORTEE

Lutter pour l'existence nous enlise toujours plus profondément dans l'océan de l'ignorance. Mais comprendre clairement notre lien originel avec Krsna nous sauve de ce péril extrême. L'univers matériel est parfois comparé à un feu dévorant, d'autres fois à un océan de nescience. En plein océan, même le plus puissant nageur doit mener une lutte épuisante pour survivre. Il verra son sauveur en qui l'arrachera des flots. De même, la connaissance parfaite reçue de Dieu, la conscience de Krsna, simple et sublime, sera notre "canot de sauvetage".

 


VERSET 37

 

yathaidhamsi samiddho ’gnir
bhasma-sat kurute ’rjuna
jnanagnih sarva-karmani
bhasma-sat kurute tatha

 

TRADUCTION

Semblable au feu ardent qui convertit le bois en cendres, ô Arjuna, le brasier du savoir réduit en cendres toutes les suites des actions matérielles.

 

TENEUR ET PORTEE

Dans ce verset, la connaissance du moi spirituel et de l'Ame Suprême est comparée à un feu qui consume non seulement les conséquences de nos actes coupables, mais encore celles de nos actes vertueux, les réduisant toutes en cendres. Car tous nos actes ont des effets, qui se manifestent à divers degrés: certains sont en voie d'être engendrés par nos actes présents, d'autres nous accablent en ce moment, d'autres sont sur le point de nous atteindre et d'autres ne sont pas encore manifestés. Mais la connaissance de notre nature réelle les réduit tous en cendres. Ce que les Vedas confirment:

"L'on vainc alors les conséquences de tous nos actes, coupables ou vertueux."

 


VERSET 38

 

na hi jnanena sadrsam
pavitram iha vidyate
tat svayam yoga-samsiddhah
kalenatmani vindati

 

 

TRADUCTION

Rien, en ce monde, d'aussi pur et sublime que le savoir absolu. Fruit mûr de tous les yogas, celui qui le possède trouve, au moment voulu, en lui-même la joie.

 

TENEUR ET PORTEE

Par "savoir absolu", nous désignons un savoir qui transcende la connaissance matérielle. Rien n'est aussi pur, aussi sublime qu'un tel savoir. De même que l'ignorance nous a emprisonnés dans la matière, ce savoir, fruit mûr de la dévotion, nous en libérera. Une fois acquis ce savoir, plus besoin de chercher ailleurs la paix: on la trouve en soi. En d'autres mots, et telle sera, nous le verrons, la conclusion finale de la Bhagavad-gita, c'est dans la conscience de Krsna que la connaissance et la paix atteignent leur apogée.

 


VERSET 39

 

shraddhaval labhate jnanam
tat-parah samyatendriyah
jnanam labdhva param shantim
acirenadhigacchati

 

TRADUCTION

L'homme de foi baigné dans le savoir absolu, et maître de ses sens, connaît bientôt la plus haute paix spirituelle.

 

TENEUR ET PORTEE

Celui qui a une foi ferme en l'existence de Krsna peut acquérir le savoir absolu. Qu'est-ce que la foi? C'est savoir, en toute certitude, que le seul fait d'observer les principes de la conscience de Krsna permet d'atteindre la plus haute perfection. Et cette foi, on l'acquiert en servant le Seigneur avec dévotion ainsi qu'en chantant et récitant le maha-mantra:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

qui lave le coeur de toutes ses impuretés. Outre cette foi, il faut également obtenir la domination des sens; grâce à ces deux facteurs, on pourra devenir, sans délai, conscient de Krsna.


 

VERSET 40

 

ajnas casraddadhanas ca
samsayatma vinasyati
nayam loko ’sti na paro
na sukham samsayatmanah

 

 

TRADUCTION

Mais les ignorants et les incroyants, qui doutent des Ecrits sacrés, ne peuvent devenir conscients de Dieu. Pour celui qui doute, il n'est de bonheur ni dans cette vie, en ce monde, ni dans la suivante.

 

TENEUR ET PORTEE

La Bhagavad-gita est la plus précieuse de toutes les Ecritures révélées. Mais certains, plus proches de l'animal que de l'homme, n'ont aucune foi en les Ecritures, aucune connaissance des principes qu'elles révèlent. Parfois même, ils en ont connaissance, sont même capables d'en citer des passages, mais en vérité, ils n'accordent à leurs enseignements aucune validité. Ou bien encore, ils ont foi en les Ecritures, en la Bhagavad-gita par exemple, mais ne reconnaissent ni n'adorent Dieu, Sri Krsna. Aussi n'en est-il aucun parmi eux qui parvienne à suivre jusqu'au bout les principes de la conscience de Krsna, s'il les adopte un jour. Tous devront retourner à la vie matérielle. Ceux qui mettent continuellement en doute les Ecritures ne feront jamais aucun progrès spirituel. Quant à ceux qui rejettent Dieu et Son enseignement, ils ne trouveront le bonheur ni dans cette vie, ni dans les autres. Ils ne connaîtront aucune joie véritable, même infime. Pour bénéficier pleinement des Ecritures, il faut en suivre les principes avec foi, et par là, s'élever jusqu'à la connaissance pure, qui seule pourra nous hausser jusqu'à la conscience spirituelle. En d'autres termes, ceux qui doutent des Ecritures ne peuvent faire un seul pas vers la libération spirituelle. Pour l'atteindre, il n'existe nulle alternative que marcher sur les traces des grands acaryas d'une filiation spirituelle authentique.

 


VERSET 41

 

yoga-sannyasta-karmanam
jnana-sanchinna-samsayam
atmavantam na karmani
nibadhnanti dhananjaya

 

TRADUCTION

Celui dont le savoir spirituel a déraciné les doutes, et qui, ayant renoncé aux fruits de ses actes, s'est établi fermement dans la conscience de son moi réel celui-là, ô conquérant des richesses, demeure libre des chaînes de l'action.

 

TENEUR ET PORTEE

Celui qui applique, dans sa vie, l'enseignement de la Bhagavad-gita, tel ,qu'il fut donné par le Seigneur Lui-même, verra tous ses doutes balayés par le savoir spirituel. Partie intégrante de Dieu, absorbé en Lui, en pleine conscience de Krsna, il pourra reprendre conscience de son moi véritable et transcender la loi du karma,

 


VERSET 42

 

tasmad ajnana-sambhutam
hrt-stham jnanasinatmanah
chittvainam samsayam yogam
atisthottistha bharata

 

TRADUCTION

Il te faut, armé du glaive du savoir, trancher les doutes que l'ignorance a fait germer en ton coeur. Fort de l'arme du yoga, ô descendant de Bharata, lève-toi et combats.

 

TENEUR ET PORTEE

Le chapitre que nous étudions décrit le sanatana-yoga, la fonction éternelle de l'être. Ce yoga comprend deux formes de sacrifices: l'abandon de toute possession matérielle et l'approfondissement, purement spirituel, du moi véritable. S'il n'est pas motivé par la quête de la réalisation spirituelle, le sacrifice de nos biens n'est qu'un acte matériel. Au contraire, qu'on l'accomplisse dans un but spirituel, que l'on serve Krsna avec amour, et il sera parfait. Au niveau spirituel également, nous trouvons deux formes d'activités l'une consacrée à la compréhension de notre nature et de notre position par rapport à Dieu, l'autre orientée vers la connaissance de la vérité sur Dieu, la Personne Suprême. Qui étudie la Bhagavad-gita dans son intégralité, telle qu'elle est, parviendra sans difficulté à assimiler la connaissance spirituelle sous ces deux aspects. C'est sans difficulté qu'il comprendra la nature spirituelle de l'être -partie intégrante de Dieu et, par suite, la nature absolue des Actes du Seigneur. Au début du chapitre, le Seigneur Lui-même a parlé de Ses Activités absolues. Mais l'incroyant qui, en dépit d'un tel enseignement, ne reconnaît pas la vraie nature de Krsna, ne comprend pas qu'il est Dieu, la Personne Suprême et Eternelle, toute de connaissance et de félicité absolues, doit être considéré comme le plus grand des sots, utilisant au plus mal l'indépendance partielle que lui a accordée le Seigneur. Cette ignorance, cette sottise, ne sont pourtant pas définitives; il pourra s'en défaire s'il en vient, progressivement, à accepter de suivre les principes de la conscience de Krsna. La conscience de Dieu se ranime peu à peu, par l'offrande des sacrifices aux devas et au Brahman, par le vœu de continence, par des restrictions dans la vie conjugale et familiale, par la maîtrise des sens, par la pratique des yogas des pouvoirs, par l'austérité, le don de ses biens matériels, l'étude des Vedas et le respect du varnasrama-dharma. Toutes ces activités représentent des sacrifices et reposent sur des règles déterminées, mais leur vraie valeur vient de ce qu'elles ont pour but la réalisation spirituelle. Qui vise cet objectif a parfaitement compris la Bhagavad-gita; au contraire, qui doute de l'authenticité de Krsna, comme de la valeur spirituelle de Ses paroles, devra connaître la dégradation. Il convient donc d'étudier la Bhagavad-gita, ou tout autre texte sacré, sous la conduite d'un maître spirituel authentique, avec une attitude de service et de soumission. On qualifie d'authentique un maître spirituel s'il appartient à une succession disciplique remontant à l'origine des temps, à Krsna Lui-même, s'il ne s'écarte en rien des instructions du Seigneur, telles qu'elles furent données, il y a des millions d'années, au deva du soleil, et par qui elles furent ensuite transmises aux hommes de la Terre. Il est donc indispensable de suivre le sentier tracé par la Bhagavad-gita, selon les directives données dans l'ouvrage lui-même, et de se méfier des faux maîtres qui, Pour leur seule gloriole, éloignent autrui de la voie véritable. Le Seigneur est, sans l'ombre d'un doute, la Personne Suprême, et Ses Actes transcendent la matière. Celui qui a compris cela se voit libéré des griffes de la matière dès qu'il commence à étudier la Bhagavad-gita.

Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le quatrième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé: "Le savoir spirituel et absolu ".