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Treizième chapitre

La prakriti, le purusa et la conscience

 

VERSET 1-2

 

arjuna uvaca
prakritim purusham caiva
kshetram kshetra-jnam eva ca
etad veditum icchami
jnanam jneyam ca keshava

sri-bhagavan uvaca
idam sariram kaunteya
kshetram ity abhidhiyate
etad yo vetti tam prahuh
kshetra-jna iti tad-vidah

 

TRADUCTION

Arjuna dit:
Que sont la prakriti [la nature] et le purusa [le bénéficiaire], que sont le champ et le connaissant du champ, le savoir et l'objet du savoir? Je désire l'apprendre, ô cher Krsna.
Le Seigneur Bienheureux dit:
On appelle "champ" le corps, ô fils de Kunti, et "connaissant du champ" celui qui connaît le corps.

 

TENEUR ET PORTEE

Arjuna s'interroge ici sur la prakrti (la nature), le purusa (celui qui en a jouissance), le ksetra (le champ), le ksetrajna (le connaissant du champ), le savoir et l'objet du savoir. En réponse à ses questions sur le champ et le connaissant du champ, Krsna les lui décrit respectivement comme le corps et le connaissant du corps.

Le corps est le champ d'action de l'âme conditionnée. Celle-ci, prisonnière de l'existence matérielle, s'efforce de dominer la nature matérielle, de tirer le maximum de plaisir de ses sens; et son champ d'action, c'est-à-dire le corps qu'elle obtient, constitué par les organes des sens, est déterminé par le caractère de son désir de domination et de plaisir. Le ksetrajna, le connaissant du champ, est celui qui réside dans le corps, le champ d'action (ksetra). Il n'est guère difficile de saisir la différence qui existe entre le champ, le corps, et son connaissant. N'importe qui peut constater que le corps passe de l'enfance à la vieillesse en subissant plusieurs changements, mais que la personne, elle, demeure la même. Il y a donc une différence entre le connaissant du champ d'action et le champ d'action proprement dit. Ainsi, l'âme conditionnée peut comprendre qu'elle est bien distincte de son corps, comme l'expliquaient déjà les premiers versets de la Bhagavad-gita: l'être vit à l'intérieur du corps, qui passe de l'enfance à l'adolescence, puis à l'âge mûr et à la vieillesse, et celui qui possède le corps le sait en perpétuel changement. Le possesseur du champ est distinctement le ksetrajna: "Je suis heureux", "Je suis en colère", "Je suis une femme", "Je suis un chien", "Je suis un chat": c'est toujours le connaissant du champ qui parle, différent de ce champ. Nous savons sans peine que nous sommes distincts de nos vêtements, comme de tous les objets que nous utilisons; de même, il n'est pas besoin d'aller bien loin pour comprendre que nous sommes également distincts du corps que nous revêtons.

Les six premiers chapitres ont décrit ce connaissant du champ, l'être distinct, et les conditions par quoi il peut connaître Dieu, l'Etre Suprême. Les six chapitres moyens ont à leur tour décrit le Seigneur et, en regard du service de dévotion, la relation unissant l'âme distincte à l'Ame Suprême. La suprématie de Dieu et la position subordonnée de l'être distinct y furent aussi clairement établies: l'âme infinitésimale est toujours subordonnée à l'Ame Suprême, mais l'oubli de sa position engendre la souffrance. Toutefois, éclairée par des actes vertueux, elle peut se ranger auprès de ceux qui, tel qu'expliqué, s'abandonnent au Seigneur -les malheureux, les curieux, ceux qui poursuivent la richesse et ceux qui aspirent à la connaissance. Tout cela appartient aux chapitres précédents. A partir du présent chapitre, nous trouverons décrits la cause du contact de l'être distinct avec la matière, et les moyens à travers quoi il s'en trouve libéré par le Seigneur, soit l'action intéressée, le développement de la connaissance et le service de dévotion. Et nous trouverons également expliqué comment l'âme, bien qu'entièrement distincte du corps, devient, d'une façon ou d'une autre, liée à ce corps.

 


VERSET 3

 

kshetrajnam capi mam viddhi
sarva-kshetresu bharata
kshetra-kshetrajnayor jnanam
yat taj jnanam matam mama

 

TRADUCTION

Comprends, ô descendant de Bharata, que dans tous les corps, le connaissant, Je le suis aussi. Et connaître le corps, connaître le possesseur du corps, voilà le savoir. Telle est Ma pensée.

 

TENEUR ET PORTEE

De ces questions concernant le corps et son possesseur, que sont l'âme et l'Ame Suprême, ressortent trois sujets d'étude: le Seigneur, l'être distinct et la matière. En chaque corps, en chaque champ d'action, se trouvent deux âmes: l'âme distincte et l'Ame Suprême. Cette dernière étant une émanation plénière du Seigneur, de Krsna, Celui-ci dit à bon droit: "Je suis également le connaissant du champ, mais non pas son possesseur individuel. J'en suis le connaissant suprême, présent dans tous les corps en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême." L'être distinct n'est le connaissant que de son propre corps, et d'aucun autre, alors que le Seigneur Suprême, présent en chacun sous la forme de l'Ame Suprême, connaît tout ce qui a trait à tous les corps, dans toutes les espèces vivantes. Un paysan peut connaître tout ce qui concerne son lopin de terre, mais le roi, outre son propre domaine, connaît ce que possèdent tous ses sujets. Ainsi, le roi est le maître premier du royaume, ses sujets n'étant que des maîtres secondaires. De même, on peut être le possesseur d'un corps particulier, mais le Seigneur est le possesseur suprême, maître premier de tous les corps.

En s'appuyant sur la Bhagavad-gita et en analysant avec minutie ce qui se rapporte au champ d'action et à son connaissant, on peut atteindre le savoir.

Le corps est constitué par les "sens", c'est-à-dire par les organes des sens. Or, on nomme le Seigneur "Hrsikesa", le maître de tous les sens. En effet, comme le roi est le régisseur ultime de toutes les activités de son royaume, ses sujets ne jouissant que de pouvoirs secondaires, le Seigneur Suprême est le maître originel des sens. Et lorsqu'il dit: "Dans tous les corps, le connaissant, Je le suis aussi", cela signifie qu'Il est le connaissant suprême, quand l'âme distincte ne connaît que son propre corps. Les Vedas le confirment:

"On appelle ksetra le corps, à l'intérieur duquel vit son possesseur, mais aussi le Seigneur Suprême, qui sait tout et du corps et de son possesseur. Aussi dit-on de Celui-ci qu'Il est le connaissant de tous les champs d'action."

La connaissance parfaite de la nature respective du champ d'action, de l'auteur des actes et du maître ultime des actes -le corps, l'âme distincte et l'Ame Suprême- porte, dans les Ecrits védiques, le nom de "jnana". Savoir ce qui distingue le champ d'action du connaissant de ce champ, savoir que l'âme et l'Ame Suprême sont simultanément Une et différentes, tel est, selon l'opinion de Krsna, le parfait savoir. Il faut connaître la position de la prakrti, la nature, du purusa, celui qui en a jouissance, et de l'isvara, le connaissant qui domine à la fois la nature et l'âme distincte. La grande erreur serait de les confondre, tout comme on ne saurait confondre l'artiste, la toile et le chevalet. La nature, le champ d'action, c'est le monde matériel; celui qui a jouissance de la nature est l'être distinct; et au-dessus d'eux se trouve le maître suprême, la Personne Divine. Les Textes védiques ajoutent qu'il existe trois différents concepts de brahman: la prakrti est brahman en tant que champ d'action, et le jiva, l'être distinct, est aussi brahman, en tant que celui qui cherche à dominer la nature matérielle, mais le Brahman Suprême est leur maître à tous deux, le maître absolu.

Ce chapitre expliquera ensuite que des deux connaissants du corps, l'un est faillible et l'autre non, l'un est maître et l'autre subordonné. On ne peut affirmer que les deux connaissants ne font qu'Un sans contredire le Seigneur Suprême, qui, en personne, dit clairement dans ce verset: "Dans tous les corps, le connaissant, Je le suis aussi." Ne confondons pas un serpent et une corde. Il existe divers corps, tous représentant la manifestation des divers désirs et capacités qu'a l'âme distincte de dominer la nature matérielle, et aussi divers possesseurs de ces corps; mais l'Etre Suprême est également présent en chacun d'eux, et en est le vrai maître.

Notre verset contient un mot important, le mot ca, qui, selon Srila Baladeva Vidyabhusana, se rapporte à l'ensemble des corps: Krsna est l'Ame Suprême, présent en même temps que l'âme distincte à l'intérieur de chacun des corps. Et ici, Krsna explique clairement que l'Ame Suprême domine à la fois le champ d'action et son bénéficiaire infime.

 


VERSET 4

 

tat kshetram yac ca yadrk ca
yad-vikari yatas ca yat
sa ca yo yat-prabhavas ca
tat samasena me shrinu

 

 

TRADUCTION

Ecoute à présent, Je t'en prie: en peu de mots Je décrirai le champ d'action, comment il est constitué, ses métamorphoses, sa source, de même que le connaissant de ce champ et son influence.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur va décrire la nature respective du champ d'action et du connaissant de ce champ. Il faut savoir comment est composé le corps, quels sont les éléments qui le constituent et les transformations qu'il subit, enfin ses causes, ses raisons d'être, et celui qui le dirige, ainsi que la forme originelle de l'âme distincte, et le but ultime qu'elle poursuit. Il est également nécessaire de savoir distinguer l'Ame Suprême de cette âme distincte, de connaître leurs influences et leurs possibilités respectives, etc. Il suffit d'ailleurs, pour acquérir ce savoir, de comprendre l'enseignement de la Bhagavad-gita, tel qu'il est donné par le Seigneur Lui-même. Mais prenons toujours garde de ne pas identifier Dieu, la Personne Suprême, présent en chaque corps, en chaque jiva, ou âme distincte, à ce jiva même, ce qui reviendrait à mettre sur le même plan le puissant et l'impuissant.


 

VERSET 5

 

rsibhir bahudha gitam
chandobhir vividhaih prithak
brahma-sutra-padais caiva
hetumadbhir viniscitaih

 

TRADUCTION

Ce savoir, du champ d'action et de son connaissant, divers sages l'ont exposé, en divers Ecrits védiques -notamment le Vedanta-sutra oú causes et effets sont présentés avec force raison.

 

TENEUR ET PORTEE

Krsna, Dieu, la Personne Suprême, est le plus haut maître qui soit en cette science. Pourtant, Il Se réfère aux textes reconnus, comme ceux du Vedanta, pour expliquer le point controversé de la dualité et de la non-dualité de l'âme distincte et de l'Ame Suprême. Car, cela va de soi, même les grands sages et érudits appuient leurs assertions sur les dires d'autorités. Krsna, donc, parle selon les grands sages, parmi lesquels Vyasadeva, l'auteur du Vedanta-sutra, qui traite parfaitement de la dualité, et son père, Parasara, qui écrivait dans ses traités religieux:

"Nous tous -vous, moi et les divers êtres- bien que prisonniers de corps matériels, sommes purement spirituels, au-delà de la matière. Nous sommes maintenant tombés sous l'emprise des trois gunas, chacun selon notre karma; ainsi, certains sont élevés et d'autres abaissés. Cependant, toutes ces conditions, en quoi se manifeste l'infinie variété des espèces vivantes, ne sont dues qu'à l'ignorance. Au contraire, l'Ame Suprême, infaillible, demeure spirituelle et absolue, non contaminée par les trois gunas."

Les Vedas originels, et plus particulièrement la Katha Upanisad, établissent une distinction entre l'âme, l'Ame Suprême et le corps.

A diverses manifestations de l'énergie du Seigneur correspondent différents degrés de réalisation de l'Absolu. A un premier stade, où l'on dépend entièrement de sa nourriture, sur quoi est alors centrée l'existence, se trouve une réalisation matérialiste de l'Absolu, dite annamaya. Après cette réalisation vient une seconde, où l'on perçoit la Vérité Suprême et Absolue à travers les signes et les formes de la vie; on l'appelle pranamaya. Jnanamaya désigne celle où, au niveau de la conscience, signe de la vie, se développent les fonctions de penser, sentir et vouloir, et vijnanamaya correspond à la réalisation du brahman, où le mental et les signes de la vie sont perçus comme distincts de l'être lui-même. Et, finalement, l'anandamaya, où se réalise l'aspect de félicité qui est la nature de l'Absolu. Tels sont les cinq degrés de la réalisation du Brahman Suprême, ou brahma puccha. Les trois premiers -annamaya, pranamaya et jnanamaya - s'attachent aux champs d'action des êtres distincts; mais au-delà de tous ces champs Se trouve le Seigneur Suprême, qu'on nomme anandamaya, que le Vedanta-sutra décrit également comme anandamaya 'bhyasat. Dieu, la Personne Suprême, est par nature débordant de félicité, et pour goûter cette félicité, Il Se déploie en vijnanamaya, jnanamaya, pranamaya et annamaya. L'être distinct est considéré comme le bénéficiaire du champ d'action matériel, celui qui en a jouissance, mais distinct de lui est l'anandamaya. Or, dans son désir de jouissance, si l'être distinct s'unit à l'anandamaya, il atteint la perfection. Voilà donc décrites avec précision les positions respectives du Seigneur Suprême (le connaissant suprême du champ) et de l'être distinct (le connaissant subordonné), de même que la nature du champ d'action.


 
VERSET 6-7

 

maha-bhutany ahankaro
buddhir avyaktam eva ca
indriyani dasaikam ca
panca cendriya-gocarah

iccha dvesah sukham duhkham
sanghatas cetana dhrtih
etat kshetram samasena
sa-vikaram udahrtam

 

TRADUCTION

L'ensemble des cinq grands éléments, du faux ego, de l'intelligence, du non-manifesté, des dix organes des sens, du mental et des cinq objets des sens, puis désir et aversion, joie et peine, signes de la vie et conviction, -tels sont, en bref, le champ d'action et ce qui résulte des interactions de ses éléments constituants.

 

TENEUR ET PORTEE

Selon tous les grands sages, selon les hymnes védiques et selon les aphorismes du Vedanta-sutra, les éléments constituants de cet univers sont la terre, l'eau, le feu, l'air et l'éther, aussi appelés les cinq grands éléments (le mahabhuta). Puis le faux ego, l'intelligence et les trois gunas à l'état non manifesté. Puis les organes des sens: cinq de perception, par quoi nous acquérons la connaissance, à savoir le nez, la langue, les yeux, la peau et les oreilles, et cinq d'action, à savoir la bouche, les jambes, les bras, l'anus et les organes génitaux. Au-delà des sens se trouve encore le mental, qu'on appelle aussi le sens interne, ou onzième sens. Et il y a finalement les cinq sortes d'objets des sens: les objets olfactifs, gustatifs, visuels, tactiles et sonores. L'agrégat, l'ensemble de ces vingt-quatre éléments, constitue ce qu'on appelle le champ d'action, dont une étude approfondie de ces éléments permet une compréhension solide.

A ces éléments s'ajoutent le désir et l'aversion, ainsi que le plaisir et la souffrance, qui sont les manifestations des cinq grands éléments du corps grossier, les produits de leurs interactions. Les signes de la vie, quant à eux, que représentent la conscience et la conviction, sont des manifestations du corps subtil, lequel se compose des éléments subtils que sont le mental, l'intelligence et le faux ego, et qui sont également inclus dans le champ d'action. Les cinq grands éléments (le maha-bhuta) sont une manifestation brute, grossière, du subtil faux ego, de la conception matérielle de la vie. L'intelligence, constituée, à l'état non manifesté, par les trois gunas -qui portent eux-mêmes, à l'état non manifesté, le nom de pradhana -est la manifestation, l'expression de la conscience.

Le corps, qui est la manifestation de tous ces éléments réunis, traverse six étapes: il naît, grandit, demeure un certain temps, se reproduit, dépérit, et, finalement, meurt. Le ksetra, le champ, est par conséquent matériel et impermanent, au contraire du ksetrajna, le connaissant du champ, son possesseur.

Pour connaître en détail ces vingt-quatre éléments, ainsi que leurs interactions, dont la Bhagavad-gita ne donne ici qu'un simple aperçu, il faut approfondir cette philosophie.

 


VERSET 8-12

 

amanitvam adambhitvam
ahimsa ksantir arjavam
acaryopasanam shaucam
sthairyam atma-vinigrahah

indriyarthesu vairagyam
anahankara eva ca
janma-mrityu-jara-vyadhi-
duhkha-dosanudarshanam

ashaktir anabhisvangah
putra-dara-grhadisu
nityam ca sama-cittatvam
istanistopapattisu

mayi cananya-yogena
bhaktir avyabhicarini
vivikta-desa-sevitvam
aratir jana-samsadi

adhyatma-jnana-nityatvam
tattva-jnanartha-darshanam
etaj jnanam iti proktam
ajnanam yad ato ’nyatha

 

TRADUCTION

L'humilité, la modestie, la non-violence, la tolérance, la simplicité, l'acte d'approcher un maître spirituel authentique, la pureté, la constance et la maîtrise de soi; le renoncement aux objets du plaisir des sens, l'affranchissement du faux ego et la claire perception que naissance, maladie, vieillesse et mort sont maux à combattre; le détachement d'avec sa femme, ses enfants, son foyer et ce qui s'y rattache, l'égalité d'esprit en toute situation, agréable ou pénible; la dévotion pure et constante envers Moi, la recherche des lieux solitaires et le détachement des masses, le fait de reconnaître l'importance de la réalisation spirituelle, et la recherche philosophique de la Vérité Absolue, -tel est, Je le déclare, le savoir, et l'ignorance tout ce qui va contre.

 

TENEUR ET PORTEE

Cette voie du savoir, certains, d'intelligence étroite, la voudraient produite par les interactions des éléments du champ, alors qu'elle constitue en fait la seule voie véritable de savoir, qui permet à celui qui l'adopte d'approcher la Vérité Absolue. Non seulement elle n'est pas prise dans l'interaction des éléments matériels, mais elle constitue le moyen de lui échapper. De tous les éléments qui décrivent la voie du savoir, la première ligne du verset dix donne le plus important: la voie du savoir conduit finalement au service de dévotion pur offert au Seigneur. Si nous n'atteignons, ou ne pouvons atteindre ce service de dévotion absolu, par-delà la matière, les dix-huit autres éléments ne nous seront d'aucune aide réelle. D'autre part, il suffit d'adopter le service de dévotion en pleine conscience de Krsna pour qu'ils se développent naturellement en nous. Et dans tous les cas, le principe énoncé au verset huit, concernant l'acceptation d'un maître spirituel, est essentiel; il est primordial même pour celui qui adopte la voie de la dévotion, car la vie spirituelle ne commence vraiment qu'avec l'application de ce principe, d'accepter un maître spirituel. Dieu, la Personne Suprême, Sri Krsna, établit clairement ici que cette voie du savoir est la vraie voie; toute élucubration, tout ce qui s'en écarte, n'est qu'ineptie.

Les éléments que mentionne ce verset comme constitutifs du savoir peuvent s'expliquer comme suit.

Par humilité, il faut entendre l'état dans lequel on est libre du désir de se voir honoré par autrui. La conception matérielle de la vie nous rend toujours anxieux de voir autrui nous offrir des honneurs, mais pour l'homme de connaissance, qui se sait distinct du corps, honneur ou déshonneur sont également vains, comme tout ce qui se rapporte au corps. Il est donc sage de ne pas rechercher ces honneurs matériels, trompeurs.

Toujours avides de faire voir leur grande piété, souvent les hommes adhèrent, sans comprendre les principes de la religion, à tel ou tel mouvement spirituel. Malgré tous les mérites qu'eux-mêmes s'attribuent, nul d'entre eux n'observe les véritables principes de la religion, de la spiritualité. Or, ces éléments, que nous étudions maintenant, doivent permettre de juger des progrès réels que nous effectuons dans la science spirituelle.

On croit généralement que la non-violence implique seulement de ne pas tuer ou porter atteinte au corps, mais la vraie non-violence consiste surtout à n'être cause d'aucune angoisse pour autrui. En majorité, les hommes, absorbés dans une conception matérielle de la vie, sont prisonniers de l'ignorance, perpétuellement voués aux souffrances de ce monde; si on ne les élève pas jusqu'à la connaissance spirituelle, on fait montre de violence à leur égard. Il faut donc accomplir tout ce qui est en notre pouvoir pour donner à tous la vraie connaissance, de sorte qu'ils deviennent éclairés et puissent se défaire de cet enchaînement matériel. Telle est la véritable non-violence.

La tolérance consiste à savoir supporter les insultes et le déshonneur. Lorsqu'on cherche à cultiver le savoir spirituel, on s'expose au déshonneur et à bien des insultes. Ainsi le veut la nature matérielle. Même Prahlada, un enfant de cinq ans qui avait déjà entrepris de cultiver le savoir spirituel, se trouva en danger du fait d'un père qui s'opposait violemment à ses sentiments dévotieux. Celui-ci tenta de le tuer par tous les moyens. Cependant, Prahlada ne cessait pas de montrer envers lui de la tolérance. Ainsi, de nombreux obstacles se dressent sur la voie du progrès spirituel, mais il faut apprendre à être tolérant, à continuer notre marche avec détermination.

Etre simple, c'est être assez franc et direct pour pouvoir, sans détours diplomatiques, dévoiler la vérité pure, fût-ce à un ennemi.

Quant à l'acceptation d'un maître spirituel authentique, d'un acarya, elle est essentielle, car privé de ses instructions, on ne peut progresser dans la science spirituelle. Il faut approcher le maître spirituel en toute humilité, prêt à le servir en tout, de telle sorte qu'il soit heureux d'accorder ses bénédictions à son disciple. Parce qu'il est le représentant de Krsna, la puissance de ses bénédictions est telle qu'en les accordant à son disciple, il lui garantit un progrès immédiat, même si ce dernier n'observe pas les principes régulateurs de la vie spirituelle. Dans le même ordre d'idée, mais d'un point de vue différent, les bénédictions du maître spirituel rendront plus facile l'observance des principes régulateurs pour celui qui, sans réserve, a servi un tel maître.

La pureté est également essentielle au progrès spirituel. Elle comporte deux aspects: externe et interne. Extérieurement, il faut veiller à l'hygiène du corps, par des bains réguliers, et intérieurement, il s'agit de toujours penser à Krsna, de chanter Ses Saints Noms:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

pour ainsi débarrasser le mental de toute la poussière que le karma y a entassée.

La constance, c'est être solidement déterminé à faire des progrès dans la vie spirituelle. Sans cette détermination, aucun avancement tangible ne peut se manifester.

La maîtrise de soi consiste à rejeter tout ce qui est susceptible de nuire au progrès spirituel. Et le renoncement, le vrai, consiste en la pratique naturelle de cette maîtrise de soi.

Les sens sont si impétueux qu'ils recherchent constamment de nouveaux plaisirs. Refusons de céder à ces demandes, en fait contingentes. Il ne faut satisfaire les sens que dans la mesure où cela est nécessaire pour maintenir le corps en bonne santé, afin de pouvoir remplir son devoir et de progresser dans la vie spirituelle.

Le sens le plus important, et le plus difficile à contrôler, c'est la langue; qu'on la maîtrise, et il deviendra alors parfaitement possible de dominer les autres sens. La langue a deux fonctions: goûter et faire vibrer des sons. Systématiquement, donc, et de façon réglée, il nous faut la maîtriser, en lui donnant à goûter les reliefs de la nourriture offerte à Krsna et en la faisant vibrer du chant du mantra Hare Krsna, sans lui laisser le loisir de s'abandonner à elle-même. Pour ce qui est des yeux, il faut ne leur laisser voir que la Forme fascinante de Krsna; ainsi seront-ils contrôlés. Les oreilles ne devraient entendre que ce qui a trait à Krsna, et le nez ne devrait sentir que le parfum des fleurs offertes à Krsna. Telle est la science du service de dévotion, et l'on peut voir, dans ce verset, que la Bhagavad-gita n'a en réalité pas d'autre objectif que d'enseigner cette science. Certains commentateurs peu sensés tentent de détourner l'attention du lecteur vers d'autres sujets, mais en fait, la Bhagavad-gita ne traite de rien d'autre que du service de dévotion.

Le faux ego se constitue par l'identification de l'être à son corps, mais qui se sait âme spirituelle, distinct du corps, connaît le véritable ego. L'ego est toujours là; on condamne le faux ego, mais pas le véritable égo. Les Textes védiques nous enseignent:

"Je suis brahman, je suis de nature spirituelle."

Ce "je suis", ce "sentiment d'être", cette individualité, continue d'exister même après la libération, et représente l'ego. Si on a une vision juste, réelle du moi, on connaît le véritable ego, mais qu'on reporte sur le corps cette identification du soi, et voilà le faux ego. Certains philosophes nous enjoignent d'abandonner notre ego, mais c'est là chose impossible, puisqu'ego est synonyme d'identité. Ce qu'il faut, en vérité, c'est abandonner toute identification au corps.

Il nous faut également prendre conscience des souffrances auxquelles nous exposent la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort. Dans divers Ecrits védiques, on trouve des descriptions de la naissance. Le Srimad-Bhagavatam, par exemple, dépeint très nettement le monde où vit l'enfant qui n'est pas encore né, son séjour dans la matrice de la mère, ses souffrances ... Il faut bien comprendre à quel point il est pénible de naître; c'est parce que nous oublions les souffrances vécues dans le ventre de la mère que nous ne cherchons pas à nous affranchir du cycle des morts et des renaissances. Toutes sortes de souffrances encore nous attendent au moment de la mort, que décrivent également les Ecritures védiques. Il est bon de discuter ces choses. Quant à la maladie et à la vieillesse, tous en ont l'expérience. Nul ne désire tomber malade, ni vieillir, mais nul, non plus, ne peut l'éviter. A moins d'avoir une vision pessimiste de l'existence matérielle, avec ses naissances et ses morts répétées, la vieillesse et la maladie, on ne connaîtra jamais la stimulation nécessaire au progrès spirituel.

Pour ce qui est du détachement de la famille et du foyer, il ne s'agit pas de réprimer les sentiments naturels que suscitent femme et enfants. Mais quand ceux qui font obstacle au progrès spirituel, mieux vaut s'en détacher. La meilleure voie pour rendre le foyer heureux est la conscience de Krsna. En effet, rendre son foyer heureux devient chose facile pour l'être pleinement conscient de Krsna: il suffit de chanter:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

d'accepter les reliefs de la nourriture offerte à Krsna, de tenir des discussions sur des Ecrits comme la Bhagavad-gita et le Srimad-Bhagavatam, et de se livrer à l'adoration du Seigneur dans Sa Forme arca. Ces quatre activités apporteront la joie chez celui qui les pratique. Et chacun devrait éduquer les membres de sa famille dans cette voie. Soir et matin, tous peuvent se réunir et chanter:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

Pour celui qui peut ainsi modeler sa vie familiale, suivant ces quatre principes, en développant la conscience de Krsna, il n'est nul besoin de quitter la famille et de renoncer à tout, d'accepter le sannyasa. Mais si les attaches familiales font obstacle au progrès spirituel, il ne faut pas hésiter à les trancher. Il faut être prêt, comme Arjuna, à tout sacrifier pour réaliser, ou servir Krsna. Arjuna ne voulait pas tuer les membres de sa famille, mais lorsqu'il comprit que ceux-ci constituaient un obstacle à sa réalisation de Krsna, il suivit Ses instructions et livra la bataille, les extermina tous.

En toutes circonstances, nous devons être détachés des joies et peines de la vie familiale, car il est impossible, en ce monde, d'être parfaitement heureux ou parfaitement malheureux.

Joies et peines vont de pair avec l'existence matérielle. Il faut donc apprendre à les tolérer, comme le recommande la Bhagavad-gita. Joies et peines arrivent et s'en vont sans qu'on y puisse rien; mieux vaut donc se détacher du matérialisme, et ainsi devenir égal devant les deux. D'ordinaire, nous nous réjouissons grandement lorsqu'un événement désirable survient, et devenons tristes dans le cas contraire. Mais au niveau spirituel, ces diverses conditions cesseront de nous agiter. Pour parvenir à cet état, nous devons devenir inflexibles dans la pratique du service de dévotion; servir Krsna sans écarts signifie adopter les neuf activités dévotionnelles (écouter, glorifier, se rappeler, adorer, offrir des prières... ), telles que les a décrites le dernier verset du neuvième chapitre. Il est important de suivre cette méthode.

Quand on embrasse la vie spirituelle, il devient tout naturellement impensable, "contre nature", qu'on puisse vivre en compagnie de matérialistes. Aussi peut-on se mettre à l'épreuve en déterminant à quel point on désire vivre en un lieu solitaire, loin de tout contact indésirable.

De la même façon, le bhakta perd tout goût pour les sports futiles, le cinéma, les réunions mondaines, les manifestations sociales.... il comprend qu'il n'y a là qu'une simple perte de temps. Bon nombre de chercheurs et de philosophes se penchent aujourd'hui sur divers sujets, comme la vie sexuelle par exemple. Mais la Bhagavad-gita n'accorde aucune valeur à ce genre de recherches, de spéculations, qui relèvent toutes plus ou moins de l'ineptie. Elle nous enjoint au contraire d'orienter nos études vers l'approfondissement, par analyse philosophique, de la nature de l'âme, et de nous efforcer de découvrir ce qui intéresse le moi réel. Telle est la recommandation que nous trouvons ici.

En ce qui touche la réalisation spirituelle, il est clairement établi, ici, qu'avec le bhakti-yoga s'ouvre la plus pratique des voies. Dès qu'il est question de dévotion, on doit nécessairement considérer la relation qui unit l'âme distincte à l'Ame Suprême. En effet, l'âme distincte et l'Ame Suprême ne peuvent être une seule et même personne; cette idée va tout à fait à l'encontre du principe même de la bhakti, de la dévotion. Et c'est une relation de service qui unit l'âme distincte à l'Ame Suprême, relation d'ailleurs éternelle (nitya), comme l'établit clairement la Bhagavad-gita. C'est pourquoi la bhakti, le service de dévotion, est, en elle-même, éternelle. A moins de posséder cette ferme conviction, on perd son temps, et on baigne dans l'ignorance. Le Srimad-Bhagavatam enseigne:

"Ceux qui connaissent vraiment la Vérité Absolue savent que l'Etre Suprême est réalisé en trois aspects: le Brahman, le Paramatma et Bhagavan. "

Bhagavan est Dieu, la Personne Suprême, aspect ultime de la Vérité Absolue, le sommet de la réalisation spirituelle qu'il s'agit donc d'atteindre, en servant le Seigneur avec dévotion. Telle est la perfection de la connaissance.

Commençant par l'humilité, pour aboutir à la réalisation de la Vérité Absolue, Dieu, la Personne Suprême, cette voie est comme un escalier. Nombreux sont ceux qui atteignent les premiers paliers, mais si l'on néglige d'aller jusqu'au dernier, qui représente la connaissance de Krsna, on demeurera à un stade de connaissance inférieur. Ajoutons que vouloir rivaliser de grandeur avec Dieu, tout en cherchant à progresser sur la voie spirituelle, ne peut entraîner que frustration. Il est clairement établi que sans humilité, le savoir devient dangereux. Se croire Dieu, par exemple, voilà le comble de l'orgueil. L'entité vivante est constamment ruée de toutes parts par les lois strictes de la nature matérielle, et si elle continue de penser "Je suis Dieu", c'est par pure ignorance. Il faut, au contraire, être humble, et se reconnaître subordonné au Seigneur Suprême, car c'est par rébellion contre Lui que nous devenons esclaves de la nature matérielle. Sachons ces vérités et soyons-en convaincus.

 


VERSET 13

 

jneyam yat tat pravaksyami
yaj jnatvamritam asnute
anadi mat-param brahma
na sat tan nasad ucyate

 

 

TRADUCTION

Je t'instruirai maintenant de l'objet du savoir, et sa connaissance te fera goûter l'éternel. On l'appelle brahman, le spirituel; il est sans commencement, et à Moi subordonné. Il transcende le monde de la matière, et, avec lui, les effets et les causes qui lui sont inhérents.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur a décrit le champ d'action, le connaissant de ce champ, de même que le moyen de connaître ce connaissant. A présent, Il entame la description de l'objet du savoir: l'âme distincte et l'Ame Suprême. La connaissance de ces deux connaissants, l'âme et l'Ame Suprême, permet de goûter le nectar de la vie. L'âme, comme on l'a vu au second chapitre, est éternelle, ce que confirme ce verset. Il n'est pas de moment fixe où les jivas seraient nés; nul ne saurait déterminer le temps où ils auraient émané du Seigneur Suprême. Ils sont sans commencement. Ce que corroborent les Textes védiques:

 

"Le connaissant du corps jamais ne naît ni ne meurt, et il a toute connaissance."

Ces mêmes Textes décrivent également le Seigneur Suprême:

"Le Seigneur, en tant qu'Ame Suprême, est le principal connaissant du corps, et Il est le maître des trois gunas."

Et la smrti ajoute:

 

"Les êtres distincts sont éternellement au service du Seigneur Suprême."

Ce que confirme par ailleurs Sri Caitanya Mahaprabhu dans Ses enseignements.

Par suite, la description du brahman telle qu'elle est donnée dans ce verset s'applique à l'âme infinitésimale. Lorsque, comme ici, le mot brahman est utilisé pour désigner l'être distinct, c'est du vijnanam brahman qu'il s'agit, par opposition à l'ananta-brahman, qui désigne le Brahman Suprême, la Personne Divine et Absolue.

 


VERSET 14

 

sarvatah pani-padam tat
sarvato ’ksi-siro-mukham
sarvatah shrutimal loke
sarvam avrtya tishthati

 

TRADUCTION

Partout Ses mains et Ses jambes, Ses yeux et Ses visages, et rien n'échappe à Son ouïe. Ainsi, partout présente, l'Ame Suprême.

 

TENEUR ET PORTEE

L'Ame Suprême, ou Dieu, la Personne Suprême, peut être comparée au soleil, qui partout diffuse ses rayons illimités. La Forme omniprésente du Seigneur Se déploie à l'infini, et en Lui vivent tous les êtres, de Brahma, le premier grand maître, jusqu'aux minuscules fourmis. Il existe d'innombrables entités vivantes, avec des milliards de têtes, jambes, mains et yeux, qui toutes vivent en l'Ame Suprême, par l'Ame Suprême. Celle-ci est donc omniprésente. L'être distinct, au contraire, ne saurait affirmer qu'il étend partout ses mains, ses jambes et ses yeux, car cela lui est impossible. Et s'il lui arrive de penser qu'il s'agit seulement d'une question de conscience, et qu'une fois son ignorance dissipée, il réalisera que ses bras et jambes s'étendent partout, ces pensées sont simplement contradictoires. En effet, si l'être distinct peut se trouver conditionné par la nature matérielle, comment serait il suprême? L'Etre Suprême est tout différent: Il peut déployer Ses membres sans limite.

Dans la Bhagavad-gita, le Seigneur affirme que si on Lui offre une fleur, un fruit ou un peu d'eau, Il l'accepte. Or, comment peut-Il, s'Il est éloigné de nous, accepter nos offrandes? Telle est l'omniprésence du Seigneur: de Sa demeure, infiniment loin de la Terre, Il peut étendre Sa main et accepter tout ce qu'on Lui offre. Telle est Sa puissance. Ce que confirme la Brahma-samhita: bien que toujours engagé dans Ses Divertissements sur Sa planète spirituelle, le Seigneur n'en demeure pas moins omniprésent, au contraire de l'être distinct. Ce verset, donc, décrit l'Ame Suprême, l'Etre Souverain, et non pas l'âme distincte.

 


VERSET 15

 

sarvendriya-gunabhasam
sarvendriya-vivarjitam
asaktam sarva-bhrc caiva
nirgunam guna-bhoktr ca

 

TRADUCTION

Source originelle des sens de tous les êtres, l'Ame Suprême en est pourtant Elle-même dépourvue. Soutien de tous, Elle reste pourtant sans attache. Et, au-delà des trois gunas, Elle n'en demeure pas moins le Maître.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur Suprême, bien qu'Il soit l'origine des sens de tous les êtres, n'a pas, comme eux, des sens matériels. En fait, les âmes distinctes possèdent également des sens spirituels; mais à l'état conditionné, comme elles sont recouvertes par des éléments matériels, leurs activités sensorielles ne se manifestent qu'à travers la matière. Cela ne peut advenir pour les Sens du Seigneur Suprême; ils sont purement spirituels, et transcendent la matière; c'est pourquoi on les qualifie de nirguna, "non soumis aux influences matérielles (gunas)", ou "ne pouvant être recouverts par la matière". Ses Sens ne sont donc pas exactement semblables aux nôtres: bien qu'Il soit la source de toutes nos activités sensorielles, Ses Sens demeurent spirituels, jamais contaminés par la matière, ce qu'explique merveilleusement la Svetasvatara Upanisad: Dieu, la Personne Suprême, n'a pas de mains souillées par la matière, mais Il a des mains, avec lesquelles Il accepte tous les sacrifices qui Lui sont offerts. Voilà ce qui distingue l'Ame Suprême de l'âme conditionnée. L'Etre Suprême voit tout -passé, présent, futur. Il n'a pas d'yeux matériels, mais Il n'en possède pas moins des yeux; autrement, comment verrait-Il? Il vit dans le coeur de chaque être, et connaît ses actes passés et présents, de même que ce que lui réserve le futur. La Bhagavad-gita le confirme: Il connaît tout, mais Lui, nul ne Le connaît. Il est également dit que le Seigneur n'a pas de jambes comme nous en avons; cependant, Il peut voyager partout dans l'espace, car Il possède des jambes spirituelles et absolues. En d'autres mots, le Seigneur n'est pas impersonnel: Il a des yeux, des jambes, des mains et tout ce qui fait une personne, et c'est parce que nous en sommes parties intégrantes, parce que nous participons de Son essence, que nous sommes dotés des mêmes; mais Ses mains, Ses jambes, Ses yeux, Ses Sens ne sont jamais souillés comme les nôtres par la nature matérielle.

La Bhagavad-gita corrobore également le fait que lorsque le Seigneur descend dans l'univers matériel, c'est par Sa puissance interne, en demeurant tel qu'il est. Il ne peut être souillé par l'énergie matérielle, puisqu'il en est le maître. Les Textes védiques nous décrivent par ailleurs tout Son Etre comme purement spirituel, Sa Forme comme toute d'éternité, de connaissance et de félicité (sac-cid-ananda-vigraha). Il est plein de toutes les perfections. Il est possesseur de toute richesse et maître de toute énergie. Il possède l'intelligence suprême et la connaissance totale. Il est le soutien de tous les êtres et le témoin de tous les actes. Tels sont quelques-uns des aspects de Dieu, la Personne Suprême. Pour autant que nous puissions Le comprendre d'après les Ecrits védiques, Il transcende toujours la matière. Nous ne voyons peut être pas Sa tête, Son visage, Ses mains ou Ses jambes, mais Il n'en est pas moins doté. Simplement, nous ne pourrons voir Sa Forme qu'une fois élevés au niveau spirituel. Si nous en sommes au départ incapables, c'est que nos sens sont souillés par la matière. C'est pourquoi les impersonnalistes, encore contaminés par la matière, ne peuvent comprendre Dieu en tant que Personne Suprême.


VERSET 16

 

bahir antas ca bhutanam
acaram caram eva ca
suksmatvat tad avijneyam
dura-stham cantike ca tat

 

TRADUCTION

La Vérité suprême est au-dedans comme au-dehors, dans le mobile comme dans l'immobile; Elle dépasse le pouvoir de perception et d'entendement lié aux sens matériels. Infiniment lointaine, Elle est aussi très proche.

 

TENEUR ET PORTEE

Nous comprenons, à la lumière des Textes védiques, que Narayana, la Personne Suprême, vit en chaque être et aussi hors de chaque être. Il est présent à la fois dans le monde spirituel et dans l'univers matériel. Bien que fort éloigné de nous, Il est également très près de nous. Tels sont les enseignements des Ecritures. Si nous ne pouvons voir, ou comprendre comment, toujours plongé dans la félicité absolue, Il a jouissance de Son infinie splendeur, c'est que nos sens matériels nous en empêchent. Aussi les Ecrits védiques nous disent-ils que nos sens et notre mental matériels sont impuissants à Le comprendre. Celui, par contre, qui, dans la conscience de Krsna, par la pratique du service de dévotion, a purifié son mental et ses sens, celui-là peut constamment Le voir. Ce que confirme la Brahma-samhita, en disant que le bhakta qui a développé son amour pour Dieu, le Seigneur Suprême, peut Le voir sans cesse. Et la Bhagavad-gita, à son tour, en disant que seul le service de dévotion permet de Le connaître et de Le voir.


 

VERSET 17

 

avibhaktam ca bhutesu
vibhaktam iva ca sthitam
bhuta-bhartr ca taj jneyam
grasisnu prabhavishnu ca

 

TRADUCTION

Bien qu'Elle semble divisée, l'Ame Suprême demeure indivisible; Elle est Une. Bien qu'Elle soutienne tous les êtres, comprends que c'est Elle aussi qui les dévore et les fait se développer tous.

 

TENEUR ET PORTEE

Que le Seigneur soit présent dans le coeur de chacun en tant que l'Ame Suprême ne signifie pas pour autant qu'Il Se soit divisé. Il demeure toujours Un. En cela, on Le compare au soleil, qui bien que situé en un point précis du méridien, brille toujours au-dessus de toutes les têtes. Nous pouvons aller à des milliers de kilomètres à la ronde et demander "Où est le soleil?": chacun répondra qu'il brille juste au-dessus de lui. Les Textes védiques donnent cet exemple pour montrer que, bien qu'Il Se situe dans le coeur de chaque être, comme s'Il était divisé, le Seigneur demeure toujours Un. Ils expliquent qu'un seul Visnu, par Sa toute-puissance, est partout présent, comme le soleil apparaît simultanément en divers endroits, à divers êtres.

Et le Seigneur Suprême, qui soutient tous les êtres, les "dévore" tous également, lorsque vient l'annihilation. Déjà, dans le onzième chapitre, le Seigneur disait qu'Il était venu pour "dévorer" tous les guerriers réunis sur le champ de bataille de Kuruksetra. Il dit encore que, sous la forme du temps, Il "dévore" tout. On le connaît, pour ces raisons, comme le destructeur, l'exterminateur suprême. Au temps de la création, Il fait que tous les êtres se développent, et au temps de l'annihilation, les "dévore" tous. Les hymnes védiques confirment aussi qu'Il est l'origine et le repos de tous les êtres: après la création, tout repose sur Son omnipotence, et après l'annihilation, tout retourne à Lui, pour en Lui reposer à nouveau.

 


VERSET 18

 

jyotisam api taj jyotis
tamasah param ucyate
jnanam jneyam jnana-gamyam
hridi sarvasya visthitam

 

 

TRADUCTION

De tout ce qui est lumineux, Elle est la Source de lumière. Elle est non manifestée, Elle demeure par-delà les ténèbres de la matière. Elle est le savoir, l'objet du savoir et le but du savoir. Elle habite le coeur de chacun.

 

TENEUR ET PORTEE

L'Ame Suprême, ou Dieu, la Personne Suprême, est source de lumière dans tous les objets brillants, tels que le soleil, la lune, les étoiles, etc. Les Ecritures védiques nous apprennent que le monde spirituel, éclairé par la radiance du Seigneur Suprême, n'a nul besoin du soleil ou de la lune. Dans l'univers matériel, cependant, ce brahmajyoti, la lumière spirituelle irradiée du Seigneur, est voilé par le mahat-tattva, ou les éléments matériels; diverses sources lumineuses, telles le soleil, la lune, l'énergie électrique.... y sont donc nécessaires.

Les Textes védiques établissent clairement que toutes choses sont éclairées par la brillante radiance du Seigneur. Il est donc aisé d'en conclure qu'Il n'habite pas l'univers matériel. De fait, il vit dans le monde spirituel, dans "l'atmosphère" spirituelle, bien au-delà de l'univers matériel. Ces Textes confirment qu'Il est comparable au soleil, éternellement rayonnant, et aussi qu'Il Se trouve fort au-delà des ténèbres matérielles.

Le savoir du Seigneur est purement spirituel. Les Ecrits védiques confirment par ailleurs que le Brahman est pur savoir spirituel, sous forme condensée. Celui qui désire ardemment atteindre le monde spirituel reçoit du Seigneur, présent dans le coeur de chacun, la connaissance nécessaire pour y parvenir. Un mantra védique ajoute que quiconque aspire vraiment à la libération doit s'abandonner à Dieu, la Personne Suprême. Quant à l'objet ultime de la connaissance, on le trouve également établi dans les Ecritures:

"Celui qui Te connaît peut seul franchir les frontières de la naissance et de la mort."

Le Seigneur est présent en tant que maître suprême dans le coeur de tous les êtres. Il a des jambes et des bras, partout déployés, ce qui ne s'applique évidemment pas à l'âme infinitésimale. Il faut donc reconnaître là l'existence de deux connaissants du champ d'action, distincts l'un de l'autre: l'âme infinitésimale et l'Ame Suprême. L'un n'étend ses bras et ses jambes qu'autour de lui-même, alors que l'Autre, Krsna, les déploie dans toutes les directions, partout. La Svetasvatara Upanisad le confirme: Dieu, la Personne Suprême, est le maître (prabhu) de tous les êtres, donc le centre ultime, autour duquel évoluent tous les êtres. Ainsi, on ne saurait nier que l'âme infinitésimale et l'Ame Suprême sont toujours distinctes l'une de l'Autre.

 


VERSET 19

 

iti kshetram tatha jnanam
jneyam coktam samasatah
mad-bhakta etad vijnaya
mad-bhavayopapadyate

 

TRADUCTION

Ainsi, Je t'ai en peu de mots décrit le champ d'action, le savoir et l'objet du savoir. Toute la profondeur de ces choses, à Mes seuls dévots il est donné de la comprendre, et d'atteindre ainsi à Ma nature.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur a donné une description sommaire du corps, du savoir et de l'objet du savoir. Le savoir comporte trois facteurs: le connaissant, l'objet de la connaissance et le processus de la connaissance. Et ces trois facteurs réunis constituent ce qu'on appelle la science du savoir, ou vijnana. Les purs dévots du Seigneur peuvent seuls atteindre à la connaissance parfaite, et ce, de façon directe. Nul autre ne le peut. Les monistes prétendent qu'à la fin, ces trois facteurs s'identifient et se confondent, mais les bhaktas rejettent cette thèse. Le savoir et son développement impliquent la compréhension de sa vraie nature, de son moi, dans la conscience de Krsna. Nous sommes maintenant guidés par une conscience matérielle, mais que nous devenions conscients des Activités de Krsna, que nous réalisions Krsna comme tout ce qui est, et nous atteindrons aussitôt au savoir réel. En d'autres termes, le savoir n'est qu'une étape préliminaire à la compréhension parfaite du service de dévotion.


 

VERSET 20

 

prakritim purusham caiva
viddhy anadi ubhav api
vikarams ca gunams caiva
viddhi prakriti-sambhavan

 

TRADUCTION

La nature matérielle comme les êtres distincts, sache-le, n'ont pas de commencement. Leurs mutations et les trois gunas n'ont d'autre origine que la nature matérielle.

 

TENEUR ET PORTEE

Par ce savoir, le corps, ou le champ d'action, et les connaissants du corps, l'âme infinitésimale et l'Ame Suprême, peuvent être connus. Le corps est le champ d'action formé par la nature matérielle. Et c'est l'être distinct qui est incarné dans le corps, qui a jouissance des activités du corps, d'où le qualificatif de purusa qu'on lui attribue. Il constitue l'un des connaissants du corps, l'autre étant l'Ame Suprême. Tous deux, sachons-le, sont des manifestations de Dieu, la Personne Suprême: l'être infinitésimal participe de Ses énergies, et l'Ame Suprême appartient à Ses manifestations personnelles.

La nature matérielle et l'être distinct sont tous deux éternels. Ce qui revient à dire qu'ils existaient avant la création. Tous deux participent des énergies du Seigneur: la nature matérielle, de Son énergie inférieure, et l'âme distincte, de Son énergie supérieure. La nature matérielle était contenue en Maha-Visnu, le Seigneur Suprême et quand ce fut nécessaire, elle devint manifestée à travers le mahat-tattva. De même, les êtres sont également en Lui, mais du fait de leur état conditionné, ils se refusent à Le servir, et se voient par là refuser l'accès du monde spirituel. Mais après la résorption de la nature matérielle, ces êtres se voient à nouveau offrir la possibilité d'agir dans les cadres de l'univers matériel, et de se préparer à entrer dans le monde spirituel. Tel est le mystère de la création matérielle. En réalité, l'être distinct est à l'origine spirituel, partie intégrante du Seigneur Suprême, mais à cause de sa tendance rebelle, il devient sujet au conditionnement de la nature matérielle. Comment ces êtres de nature supérieure, parties intégrantes du Seigneur Suprême, sont-ils entrés en contact avec la nature matérielle? Cela, à vrai dire, importe peu; mais Dieu, la Personne Suprême, sait toutefois comment et pourquoi cela s'est produit, et dans les Ecritures, Il précise que ceux qui se laissent fasciner par la nature matérielle mènent un dur combat pour leur subsistance. Mais il nous faut également comprendre avec certitude, à la lumière de ces quelques versets, que toutes les transformations et influences de la nature matérielle à travers les trois gunas, sont des produits de la nature matérielle même. Pour les différentes variétés d'êtres, toutes ces transformations ne relèvent que du corps. Car, au niveau spirituel, tous les êtres participent de la même nature.


 
VERSET 21

 

karya-karana-kartrtve
hetuh prakritir ucyate
purushah sukha-duhkhanam
bhoktrtve hetur ucyate

 

TRADUCTION

De la nature, on dit qu'elle est cause de tous les actes matériels et de leurs suites; l'être distinct, pour lui, est cause des plaisirs et souffrances divers qu'il connaît en ce monde.

 

TENEUR ET PORTEE

La source des multiples variétés de corps et de sens chez les êtres est la nature matérielle. Il existe 8 400 000 formes de vie, toutes créées par la nature matérielle, toutes nées du désir qu'a l'être de jouir de telle ou telle forme de plaisir, dans tel ou tel type de corps. Situé dans différents corps, il connaîtra différentes joies et peines, mais toutes ne seront dues qu'à ces corps, et non à lui-même en soi.

Dans sa condition originelle, l'être n'a pas à craindre de perdre son bonheur; elle est donc en même temps sa condition naturelle. C'est seulement par désir de dominer la nature matérielle qu'il se voit plongé en elle. Un tel désir n'a pas sa place dans le monde spirituel, qui est pur. Dans l'univers de la matière, chacun lutte durement pour trouver sans cesse de nouvelles "proies" de plaisir pour son corps. Précisons ici que le corps est le produit des sens, qui sont les instruments mis à la disposition de l'être pour satisfaire ses désirs. Et l'ensemble -corps et "sens-instruments" - est offert à l'être par la nature matérielle, en fonction de ses désirs et de ses actes passés. Ainsi sera-t-il béni ou damné par la nature matérielle, dans diverses conditions, ou "habitats", selon ses désirs et ses actes; c'est ce qu'explique le verset suivant. L'être est donc responsable des joies et des peines qui lui échoient. Et une fois placé dans un corps particulier, il tombe sous le joug de la nature matérielle, car le corps, fait de matière, agit selon les lois propres à la matière, auxquelles l'être en soi n'a le pouvoir de rien changer: s'il obtient un corps de chien, par exemple, il devra dès lors agir comme un chien; il ne saurait agir autrement. Dans un corps de porc, il se verra forcé de manger des excréments, et d'agir comme un porc; et s'il obtient un corps de deva, il devra également agir comme tel. Telle est la loi de la nature. Mais en toutes circonstances, l'Ame Suprême accompagne l'âme distincte, ce qu'expliquent les Vedas: le Seigneur Suprême est si bon envers les êtres, qu'en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême, Il accompagne toujours l'âme incarnée, quelles que soient les circonstances.

 


VERSET 22

 

purushah prakriti-stho hi
bhunkte prakriti-jan gunan
karanam guna-sango ’sya
sad-asad-yoni-janmasu

 

TRADUCTION

Ainsi, l'être distinct emprunte, au sein de la nature matérielle, diverses manières d'exister, et y prend jouissance des trois gunas: cela, parce qu'il touche à cette nature. Il connaît alors souffrances et plaisirs, en diverses formes de vie.

 

TENEUR ET PORTEE

Ce verset est fort important quant à la compréhension du processus par quoi l'âme conditionnée transmigre d'un corps à l'autre. Le second chapitre expliquait déjà que l'être incarné transmigre d'un corps à l'autre comme on change de vêture. Or, ces changements de corps, ou de "vêture", sont dus à l'attachement pour l'existence matérielle. Aussi longtemps qu'il sera captivé par cette manifestation illusoire, l'être devra continuer de transmigrer d'un corps à un autre. Seul, en effet, son désir de dominer la nature matérielle le met dans ces conditions indésirables, lui donnant un corps tantôt de deva, tantôt d'homme, d'animal, d'oiseau, de ver, de poisson, de sage ou d'insecte, toujours en fonction de ses désirs matériels. Et à chaque fois, il se croit maître de son destin, en fait imposé par la nature matérielle.

Notre verset explique donc comment l'être se voit attribuer ces divers corps. Le processus résulte du contact avec les différents gunas. C'est pourquoi il faut s'élever au-delà de ces gunas, de ces influences matérielles, et atteindre le niveau spirituel. Voilà ce qu'on appelle la conscience de Krsna. A moins d'être conscient de Krsna, nous sommes forcés, par la conscience matérielle, de passer d'un corps à l'autre, car nous avons entassé des désirs matériels depuis des temps infinis. Il nous faut donc changer de "point de vue", et ce changement ne peut se produire que si l'on prête attention aux paroles venant de sources autorisées. L'exemple le meilleur nous en est donné ici par Arjuna, qui reçoit la science de Dieu des lèvres mêmes de Krsna. S'il accepte d'écouter ainsi, l'être conditionné perdra son désir, depuis si longtemps chéri, de dominer la nature matérielle, et graduellement, en proportion de l'amoindrissement de son désir malsain, il en viendra à jouir du bonheur spirituel. Un mantra védique précise qu'en proportion du savoir acquis au contact du Seigneur Suprême, il goûte à l'existence d'éternelle félicité qui lui est propre.

 


VERSET 23

 

upadrastanumanta ca
bharta bhokta maheshvarah
paramatmeti capy ukto
dehe ’smin purushah parah

 

 

TRADUCTION

Mais il est, dans le corps, un autre bénéficiaire, lequel transcende la matière; et c'est le Seigneur, le possesseur suprême, Témoin et Consentant, qu'on nomme l'Ame Suprême.

 

TENEUR ET PORTEE

Ce verset donne clairement l'Ame Suprême, qui accompagne toujours l'âme incarnée, comme une manifestation du Seigneur Suprême. Elle n'est pas une âme ordinaire. Les philosophes monistes, parce qu'ils croient en l'existence d'un seul et unique connaissant du corps, croient également qu'il n'existe aucune distinction entre l'Ame Suprême et l'âme distincte. Mais pour jeter sur la question quelque lumière, le Seigneur affirme ici qu'Il Se manifeste dans chaque corps en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême, différent de l'âme distincte en ce qu'Il est parah, toujours au-delà de la matière. L'âme infinitésimale jouit des activités du champ d'action déterminé où elle se trouve, alors que l'Ame Suprême, non participante dans les actes ou les jouissances limités du corps, y joue un tout autre rôle: celui du témoin, du superviseur, du consentant et du bénéficiaire suprême. On ne L'appelle pas atma, mais Paramatma, l'Ame Suprême, absolue. Il est donc parfaitement clair, ici, que l'atma et le Paramatma se distinguent l'un de l'Autre. L'Ame Suprême, le Paramatma, a des bras et des jambes qui partout s'étendent, mais non l'âme infinitésimale. Et parce que le Paramatma n'est nul autre que le Seigneur Suprême, Il est présent dans le corps afin de sanctionner les désirs qu'a l'âme distincte de jouir des plaisirs matériels. Sans la sanction de l'Ame Suprême, l'âme distincte ne peut rien accomplir. L'âme distincte est bhakta, "soutenue", et le Paramatma est bhukta, "soutien". Il existe d'innombrables êtres, et le Seigneur demeure en chacun d'eux, comme leur ami.

L'âme distincte fait éternellement partie intégrante du Seigneur Suprême, et un lien d'amitié fort étroit les unit. Mais l'être distinct a tendance à rejeter la sanction du Seigneur et à tenter de dominer la nature dans un effort indépendant; par cette tendance, il constitue ce qu'on appelle l'énergie marginale du Seigneur Suprême (marginale parce que située tantôt dans l'énergie matérielle, tantôt dans l'énergie spirituelle). Or, tant que l'être demeure conditionné par l'énergie matérielle, le Seigneur reste avec lui en qualité de son ami, sous la forme de l'Ame Suprême, et ce, à seule fin de l'aider à retourner à l'énergie spirituelle. Le Seigneur, en effet, désire toujours ardemment ramener l'être distinct à l'énergie spirituelle, mais celui-ci se sert de son infime libre-arbitre pour sans cesse rejeter le contact de la lumière spirituelle. Et c'est ce mauvais usage de son indépendance qui est source de la lutte matérielle qu'il doit mener au coeur de l'existence conditionnée. C'est pourquoi le Seigneur l'instruit constamment, de l'intérieur comme de l'extérieur. De l'extérieur, Il lui donne des instructions comme celles contenues dans la Bhagavad-gita, et de l'intérieur, Il s'efforce de le convaincre que ses activités dans le champ matériel ne lui procurent pas le vrai bonheur. "Abandonne tout cela, dit-Il, et tourne vers Moi ta foi; alors tu seras heureux." Ainsi, l'être d'intelligence qui met sa foi en l'Ame Suprême, en le Seigneur, marche dès lors vers une vie éternelle de connaissance et de félicité.

 


VERSET 24

 

ya evam vetti purusham
prakritim ca gunaih saha
sarvatha vartamano ’pi
na sa bhuyo ’bhijayate

 

TRADUCTION

Il atteindra certes la libération, celui qui comprend ainsi la nature matérielle, et ce que sont l'être vivant et l'interaction des trois gunas. Quelle que soit sa condition présente, jamais plus il ne renaîtra en ce monde.

 

TENEUR ET PORTEE

Une claire vision de la nature matérielle, de l'Ame Suprême, de l'être distinct et des rapports qui existent entre eux, rend apte à atteindre la libération et le monde spirituel, d'où l'on n'a pas à revenir. Tel est le fruit du savoir. Son but est de voir distinctement que, par quelque accident, nous sommes tombés au niveau de l'existence matérielle. A la suite d'efforts personnels et au contact des Ecritures, de saints hommes ainsi que d'un maître spirituel, faisant tous autorité en la matière, nous devons comprendre notre position, puis, éclairés par la Bhagavad-gita telle que donnée par Dieu en personne, revenir à la conscience spirituelle, la conscience de Krsna. Ainsi serons-nous assurés de ne jamais retourner à l'existence matérielle, mais d'être transportés dans le monde spirituel, pour y goûter une vie éternelle de connaissance et de félicité.

 


VERSET 25

 

dhyanenatmani pasyanti
kecid atmanam atmana
anye sankhyena yogena
karma-yogena capare

 

TRADUCTION

L'Ame Suprême, certains La perçoivent à travers la méditation, d'autres en cultivant la connaissance, d'autres encore par l'action non intéressée.

 

TENEUR ET PORTEE

Le Seigneur informe Arjuna que les âmes conditionnées peuvent être classées en deux catégories: celles qui n'ont aucun sens de la vie spirituelle, et celles qui s'y attachent avec foi. La première regroupe les athées, les sceptiques, les agnostiques, et même les monistes; quant à la seconde, elle compte surtout et avant tout les dévots de Dieu, la Personne Suprême, qui sont détachés des fruits de leurs actes, et qui sont, à vrai dire, les seuls dotés de vision spirituelle, puisqu'ils comprennent qu'au-delà de la nature matérielle se trouve le monde spirituel et le Seigneur Suprême, lequel Se déploie en tant que le Paramatma, l'Ame Suprême présente en chaque être, l'omniprésente Personne Divine.

Naturellement, ceux qui cherchent à comprendre la Vérité Suprême et Absolue en cultivant le savoir, peuvent également être considérés comme appartenant à cette seconde catégorie. Quant aux philosophes athées, ils décomposent l'univers en vingt-quatre éléments, et classent l'âme distincte comme le vingt-cinquième élément. Mais quand ils parviennent à comprendre que l'âme distincte est spirituelle, qu'elle transcende la matière, ils peuvent également comprendre qu'au-delà de l'âme distincte Se trouve Dieu, la Personne Suprême, le vingt-sixième élément. Et peu à peu, ils en viennent eux aussi à adopter le service de dévotion, dans la conscience de Krsna. Et ceux qui simplement renoncent aux fruits de leurs actes sont également sur la bonne voie; ils gagnent eux aussi de s'élever jusqu'au service de dévotion, dans la conscience de Krsna. Selon notre verset, d'autres, à la conscience pure, s'efforcent de trouver l'Ame Suprême à travers la méditation; lorsqu'ils La découvrent à l'intérieur d'eux-mêmes, alors ils atteignent le niveau spirituel. D'autres encore empruntent la voie du hatha-yoga, et par ces pratiques puériles, s'efforcent de satisfaire le Seigneur Suprême.


 
VERSET 26

 

anye tv evam ajanantah
srutvanyebhya upasate
te ’pi catitaranty eva
mrityum shruti-parayanah

 

TRADUCTION

Puis on rencontre ceux qui, bien que peu versés dans le savoir spirituel, s'engagent dans l'adoration du Seigneur Suprême parce qu'ils ont entendu parler de Lui. Prêtant volontiers l'oreille aux dires d'autorités, eux aussi triomphent du cycle des morts et des renaissances.

 

TENEUR ET PORTEE

Ce verset est particulièrement applicable à nos sociétés modernes, où l'éducation spirituelle est pratiquement nulle. On trouve aujourd'hui nombre d'athées, d'agnostiques et de "penseurs", mais personne qui ait de véritable connaissance philosophique. Cependant, l'homme du commun, s'il possède quelque vertu, a la possibilité de réaliser des progrès spirituels, simplement en prêtant attention à un enseignement venu de sources autorisées, et surtout, selon Sri Caitanya Mahaprabhu, aux vibrations spirituelles du maha-mantra:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

Il est donc fort important d'écouter, et c'est pourquoi l'avatara Caitanya, le Seigneur venu enseigner la conscience de Krsna au monde moderne, insista tant sur ce fait. C'est pourquoi également il est dit que tous les hommes doivent rechercher l'occasion d'écouter les paroles d'âmes réalisées, de façon à devenir graduellement capables de comprendre toutes choses. Alors, ils commenceront sans nul doute à adorer le Seigneur Suprême. Sri Caitanya enseignait que dans notre âge, il n'est pas nécessaire de bouleverser sa position familiale et sociale, mais bien d'abandonner toute tentative pour comprendre la Vérité Absolue par raisonnement spéculatif, et d'apprendre à se faire le serviteur de ceux qui ont la connaissance du Seigneur Suprême. Car, si on a la fortune de prendre refuge auprès d'un pur bhakta, d'écouter de ses lèvres ce qui a trait à la réalisation spirituelle et de marcher sur ses traces, on sera soi-même graduellement élevé au rang de pur bhakta. Ce verset, tout particulièrement, recommande "la méthode auditive" pour ce qui est d'atteindre la perfection spirituelle, et cela est fort approprié. Même si l'homme du commun n'a pas les mêmes facultés que les "philosophes" ou "érudits", le fait d'écouter avec foi les paroles d'une personne faisant autorité en matière spirituelle l'aidera à dépasser l'existence conditionnée, à retourner auprès de Dieu, en sa demeure originelle.

 


VERSET 27

 

yavat sanjayate kincit
sattvam sthavara-jangamam
kshetra-kshetrajna-samyogat
tad viddhi bharatarsabha

 

TRADUCTION

Sache, ô meilleur des Bharatas, que tout ce qui est, mobile et immobile, ne procède que de l'union du champ d'action avec le connaissant du champ.

 

TENEUR ET PORTEE

Ce verset explique à la fois ce qu'il en est de la nature matérielle et de l'être distinct, lesquels existaient tous deux avant la création de l'univers matériel. Toute chose créée n'est qu'un produit du contact de l'être distinct avec la matière. Certaines des créatures sont privées de mouvement, comme les arbres, les collines et les montagnes, d'autres se meuvent; mais toutes ne sont que diverses combinaisons de la nature inférieure avec la nature supérieure. Sans la présence de la nature supérieure, de l'être distinct, rien ne saurait pousser, grandir, évoluer. Ainsi, la matière est éternellement reliée à la nature supérieure, et c'est le Seigneur Suprême qui effectue cette combinaison; Il est donc maître des deux natures, inférieure et supérieure. Il crée la nature matérielle et y introduit la nature supérieure; ainsi existent toutes les manifestations et tous les mouvements de l'univers matériel.

 


VERSET 28

 

samam sarveshu bhutesu
tisthantam paramesvaram
vinasyatsv avinasyantam
yah pasyati sa pasyati

 

 

TRADUCTION

Celui qui voit que l'Ame Suprême, dans tous les corps, accompagne l'âme distincte, et comprend que jamais ni l'Une ni l'autre ne périssent, celui-là en vérité voit.

 

TENEUR ET PORTEE

Quiconque peut voir ces trois facteurs: le corps, le possesseur du corps, ou l'âme distincte, et le compagnon de l'âme distincte, tous réunis en un tout harmonieux, vit vraiment dans la connaissance. Ceux, par contre, qui n'ont nul contact avec ce compagnon de l'âme errent dans l'ignorance; ils ne voient que le corps et croient que tout périt avec lui. Mais il en va tout autrement: après la destruction du corps, l'âme et l'Ame Suprême continuent toutes deux d'exister, voyageant éternellement, ensemble, d'une forme à une autre, en des corps parfois mobiles, parfois immobiles.

Le mot paramesvara est traduit par certains comme désignant l'âme distincte, car l'âme est le maître du corps, et transmigre dans un autre lorsqu'il est détruit. Pour d'autres, il désigne l'Ame Suprême. Mais dans un cas comme dans l'autre, l'âme distincte et l'Ame Suprême sont toutes deux éternelles. Elles ne sont jamais détruites. Celui qui voit ainsi voit les choses telles qu'elles sont.

 


VERSET 29

 

samam pasyan hi sarvatra
samavasthitam ishvaram
na hinasty atmanatmanam
tato yati param gatim

 

TRADUCTION

Qui en chaque être voit l'Ame Suprême, partout la même, ne laisse pas son mental l'entraîner à la dégradation. Ainsi parvient-il au but suprême et absolu.

 

TENEUR ET PORTEE

L'être distinct peut, en reconnaissant que son existence matérielle n'est que souffrance, atteindre à son existence spirituelle. S'il comprend que l'Etre Suprême est partout présent, sous la forme du Paramatma, ou, en d'autres mots, s'il voit la présence de Dieu, la Personne Suprême, en tout ce qui vit, il ne se dégradera pas, et progressera donc graduellement vers le monde spirituel. Les activités du mental gravitent généralement autour du moi, mais si on les oriente vers l'Ame Suprême, on verra se développer sa conscience spirituelle.

 


VERSET 30

 

prakrityaiva ca karmani
kriyamanani sarvasah
yah pasyati tathatmanam
akartaram sa pasyati

 

TRADUCTION

Celui qui peut voir que c'est le corps, né de la nature matérielle, que accomplit toute action, que jamais l'âme, intérieure, n'agit, celui-là en vérité voit.

 

TENEUR ET PORTEE

Le corps est formé par la nature matérielle, sous la direction de l'Ame Suprême, et aucune activité n'appartient à l'être lui-même. Quoiqu'il fasse, ou soit censé faire, pour son bonheur ou son malheur, l'être y est contraint par sa constitution corporelle; et le vrai moi demeure extérieur à toutes ces activités physiques. Le corps est obtenu en fonction des désirs passés de l'être, pour les satisfaire. Et l'être agira selon le corps qu'il revêt. Pour ainsi dire, le corps est une machine, dessinée par le Seigneur Suprême pour satisfaire les désirs de l'être conditionné, désirs qui sont à la source même des difficultés qu'il rencontre, dans le plaisir comme dans la souffrance.

Cette vision spirituelle de l'être permet, lorsqu'on la développe, de se détacher des activités du corps, et celui qui la possède voit les choses dans leur juste relief.

 


VERSET 31

 

yada bhuta-prithag-bhavam
eka-stham anupasyati
tata eva ca vistaram
brahma sampadyate tada

 

TRADUCTION

Quand l'homme d'intelligence cesse de voir en termes d'identités multiples, dues à des corps multiples, il atteint la vision du brahman. Alors, partout, il ne voit que l'âme spirituelle.

 

TENEUR ET PORTEE

Quand on peut voir que les divers corps ne sont que le fruit des différents désirs des âmes conditionnées, mais qu'ils n'appartiennent pas vraiment aux âmes elles-mêmes, on a la claire vision. Sur le plan matériel, nous voyons des devas, des humains, des chiens, des chats, etc., mais cette vision, matérielle, n'est pas une vision juste. De telles distinctions ne sont dues qu'à une conscience matérielle de la vie.

L'âme spirituelle, donc, au contact de la nature matérielle, revêt divers types de corps, mais après leur destruction, elle demeure une. Quand l'être peut voir ainsi, il atteint la vision spirituelle; il se libère des dénominations d'homme", "animal", "grand", "bas", etc., et sa conscience gagne en beauté; il peut désormais développer la conscience de Krsna, en accord avec son identité spirituelle. Le verset suivant décrit sa vision.

 


VERSET 32

 

anaditvan nirgunatvat
paramatmayam avyayah
sarira-stho ’pi kaunteya
na karoti na lipyate

 

TRADUCTION

Ceux qui ont la vision d'éternité peuvent voir que l'âme est spirituelle, éternelle, au-delà des trois gunas. Bien que sise dans le corps de matière, ô Arjuna, jamais l'âme n'agit, ni n'est liée.

 

TENEUR ET PORTEE

Parce que le corps naît, l'être qui l'habite semble aussi naître, mais il est en fait éternel; il transcende la matière et demeure immortel, non né, bien que situé dans le corps. Il demeure, par nature, plein de félicité. Il ne peut donc être détruit. Jamais il ne s'implique dans des activités matérielles; par suite, les actes engendrés par son contact avec les corps de matière qu'il revêt ne l'enchaînent pas vraiment.

 


VERSET 33

 

yatha sarva-gatam sauksmyad
akasam nopalipyate
sarvatravasthito dehe
tathatma nopalipyate

 

 

TRADUCTION

Comme l'éther, qui, partout répandu, ne saurait pourtant, lui de nature subtile, se mêler à rien, ainsi l'âme, de la substance du brahman, bien que dans le corps, ne se mêle pas avec lui.

 

TENEUR ET PORTEE

L'éther pénètre l'eau, la boue, les excréments ..., tout ce qui existe, mais il ne se mêle à rien. De même, l'âme, bien qu'elle se situe en divers corps, reste, par sa nature subtile, indépendante de ces corps. Il est donc impossible de voir, avec nos yeux matériels, comment l'âme est en contact avec le corps, et comment elle s'en sépare lorsque périt ce dernier. Nul homme de science ne peut expliquer ces choses.

 


VERSET 34

 

yatha prakasayaty ekah
krtsnam lokam imam ravih
kshetram ksetri tatha krtsnam
prakasayati bharata

 

TRADUCTION

Comme le soleil, à lui seul, illumine tout l'univers, ainsi, ô descendant de Bharata, l'âme spirituelle, à elle seule, éclaire de la conscience le corps tout entier.

 

TENEUR ET PORTEE

Il existe, concernant la conscience, diverses théories. Ici, la Bhagavad-gita la compare à la lumière du soleil. En effet, comme le soleil, qui, d'un point de l'univers, éclaire l'univers tout entier, l'étincelle spirituelle située dans le coeur du corps, illumine, par la conscience, le corps tout entier. La conscience est donc la preuve de la présence de l'âme, tout comme la lumière du soleil prouve la présence du soleil.

Tant que l'âme est présente dans le corps, celui-ci est tout entier pénétré de conscience, mais dès qu'elle quitte le corps, la conscience disparaît avec elle. N'importe quel homme d'intelligence peut comprendre cela. La conscience n'est donc pas le fruit d'une quelconque combinaison des éléments matériels. Elle est le signe de la présence d'une âme. Bien que qualitativement une avec la conscience suprême, cependant, la conscience de l'être distinct ne se confond pas avec la conscience suprême, car elle ne s'étend qu'à un seul corps. L'Ame Suprême, Elle, sise dans tous les corps, en tant qu'amie de l'être distinct, est consciente de tous les corps. Telle est la distinction entre la conscience individuelle et la conscience suprême.

 


VERSET 35

 

kshetra-kshetrajnayor evam
antaram jnana-caksusa
bhuta-prakriti-moksham ca
ye vidur yanti te param

 

TRADUCTION

Celui qui, à la lumière de la connaissance, voit ainsi ce qui distingue le corps du possesseur du corps, et connaît également par oú l'on se libère de l'emprise de la nature matérielle, celui-là atteint le but suprême.

 

TENEUR ET PORTEE

Le message essentiel de ce treizième chapitre est donc qu'il faut savoir distinguer entre le corps, le possesseur du corps et l'Ame Suprême. Tout homme de foi devrait d'abord rechercher la compagnie d'êtres qualifiés desquels il puisse entendre parler de Dieu, et ainsi se voir éclairé. Celui qui accepte un maître spirituel pourra apprendre à distinguer le spirituel de la matière, ce qui constitue un tremplin vers une réalisation plus profonde. Le maître spirituel donne à ses disciples diverses instructions pour se libérer de toute conception matérielle de la vie. Ainsi voyons-nous, dans la Bhagavad-gita, Krsna instruire Arjuna afin de l'affranchir de toute considération matérielle.

On peut comprendre que le corps est fait de matière, on peut l'analyser, en décomposer les vingt-quatre éléments. Il constitue la manifestation brute, "grossière". La manifestation subtile, est, pour sa part, constituée du mental et des facteurs psychologiques. Et l'interaction de ces divers facteurs forme les signes de la vie. Mais au-dessus de tout cela se trouve l'âme, puis l'Ame Suprême, distinctes l'une de l'Autre. L'univers matériel tout entier est mu par la conjonction de l'âme et des vingt-quatre éléments matériels. Et celui qui peut voir que l'entière manifestation matérielle est formée par une telle combinaison, qui peut aussi voir la position de l'Ame Suprême, celui-là devient apte à être transféré dans le monde spirituel.

Ces questions sont destinées à la méditation et à la réalisation; avec l'aide du maître spirituel, ce chapitre doit être parfaitement compris.

Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le treizième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé: "La prakrti, le purusa et la conscience ".