Le karma-yoga.
jyayasi cet karmanas te
mata buddhir janardana
tat kim karmani ghore mam
niyojayasi keshava
Ajurna dit:
Si tu tiens la voie de l'intelligence pour supérieur à celle de l'action intéressée ô Janardana, ô Kesava, pourquoi m'inciter à cette horrible bataille?
Sri Krsna, la Personne Suprême, Dieu, a expliqué les détails de la nature de l'âme ans le chapitre précédent, afin de libérer Arjuna, Son ami intime, de l'océan d'affliction qui l'accable. Il lui recommande alors de suivre la voie du buddhi-yoga, la conscience de Krsna.
Certains croient faussement que la conscience de Krsna signifie "l'inaction"; et parfois, ils se retirent dans un endroit isolé afin de devenir pleinement conscient de Lui en chantant Ses Saints Noms. Mais à moins d'être parfaitement conscient de Krsna, il n'est pas recommandé d'agir ainsi; au mieux, on n'y gagnerait que la vénération d'un public innocent. Arjuna croit, lui aussi, que la conscience de Krsna, le buddhi-yoga (le développement du savoir spirituel au moyen de l'intelligence), consiste à renoncer à toute activité, pour accomplir des austérités, faire pénitence en un lieu solitaire. Ainsi cherche-t-il habilement à éviter le combat sous couvert de la conscience de Krsna. Mais en disciple sincère, il soumet la question à son maître, Krsna, Le priant de lui indiquer la meilleure voie. En réponse à sa requête, le Seigneur, dans ce troisième chapitre, lui explique en détail le karma-yoga, ou l'art d'agir dans la conscience de Krsna.
buddhim mohayashiva me
tad ekam vada niscitya
yena sreyo ’ham apnuyam
Mon intelligence se trouble devant Tes instructions équivoques. Indique moi de façon décisive, je T'en prie, la meilleure voie.
En guise de prélude à la Bhagavad-gita, le chapitre précédent nous a donné un aperçu des diverses méthodes de réalisation spirituelle, soit le sankhya-yoga, le buddhi-yoga, la maîtrise des sens par l'intelligence, l'action désintéressée..., puis il a situé le néophyte par rapport à ces différentes. Le deuxième chapitre, cependant, ne traite pas ces questions de façon très systématique, et d'autres précisions s'avèrent nécessaires pour tracer un plan d'action et permettre une meilleure intelligence de ces matières apparemment équivoques. Arjuna demande donc à Krsna de jeter sur elles de nouvelles lumières, afin qu'elles deviennent parfaitement compréhensibles, même pour celui qui ne poss`de pas des facultés intellectuelles hors du commun. Bien que Krsna n'ait eu aucune intention de jeter Arjuna dans la confusion, ce dernière ne parvient pas à saisir la conscience de Krsna, que ce soit dans l'action et ou dans l'inaction. Arjuna tente donc, par ses questions, d'éclaircier la voie de la conscience de Krsna, et ce, pour tous ceux qui désirent sérieusement percer le mystère de la Bhagavd-gita.
loke ’smin dvi-vidha nistha
pura prokta mayanagha
jnana-yogena sankhyanam
karma-yogena yoginam
Le Seigneur Bienheureux dit:
0 Arjuna, toi qui es sans reproche, comme Je l'ai déjà expliqué, deux sortes d'hommes réalisent la Vérité Absolue. Certains L'approchent au moyen de l'empirisme, ou de la spéculation philosophique, d'autres en agissant dans un esprit de dévotion.
Au verset trente-neuf du second chapitre, le Seigneur a indiqué deux voies: le sankhya-yoga et le karma-yoga, ou buddhi-yoga, et Il va maintenant préciser leur nature respective. Le sankhya-yoga, ou étude analytique du matériel et du spirituel, est la voie de ceux qui aiment la spéculation et cherche à comprendre le monde dans l'ordre de la philosophie et de la science expérimentale. L'autre classe d'hommes dont parle ce verset, agit dans la conscience de Krsna, comme l'explique le soixante et unième verset du chapitre deux. Dans le trente-neuvième verset de ce même chapitre, le Seigneur expliquait qu'en agissant selon les principes du buddhi-yoga (la conscience de Krsna), on peut se délivrer des chaînes du karma, et Il précisait également qu'il s'agit là d'une voie sans défaut, sans faille aucune. Ce principe était détaillé au soixante et unième verset, toujours du chapitre deux, où il est exposé que le buddhi-yoga consiste à dépendre entièrement de l'Être Suprême, ou, plus précisément, de Krsna, et que de cette façon, il devient très facile de maîtriser les sens. Par conséquent, ces deux formes de yoga sont complémentaires comme la religion et la philosophie. En effet, la religion sans la philosophie n'est que sentimentalisme, et la philosophie sans la religion n'est qu'élucubration.
Le but final demeure Krsna, et les philosophes qui cherchent avec sincérité la Vérité Absolue, aboutissent nécessairement à la conscience de Krsna, comme le confirme la Bhagavad-gita. Il s'agit, en fait, de comprendre la vraie nature de l'âme distincte, en relation avec l'Ame Suprême. La voie indirecte, reposant sur la spéculation philosophique, peut graduellement conduire à la conscience de Krsna, mais la voie directe consiste, dès le début, à tout voir en relation avec Krsna, dans la conscience de Krsna. Des deux, la conscience de Krsna est donc la meilleure, parce qu'elle ne requiert, pour purifier les sens, aucun biais spéculatif; voie d'amour et de dévotion, tout à la fois sublime et facile, elle est purificatrice en soi.
naishkarmyam purusho ’snute
na ca sannyasanad eva
siddhim samadhigacchati
Ce n'est pas simplement en s'abstenant d'agir que l'on peut se libérer des chaînes du karma; le renoncement seul ne suffit pas pour atteindre la perfection.
Une fois purifié par l'accomplissement des devoirs prescrits, dont le seul but est de nettoyer le coeur "matérialiste" de toutes ses impuretés, l'on peut accéder au sannyasa. A moins de s'être graduellement purifié, il est impossible d'atteindre à la perfection de l'existence par quelque entrée brutale dans la quatrième étape de la vie humaine, le sannyasa. Selon les philosophes empiriques, il suffirait de prendre la robe du sannyasi, d'abandonner toute action intéressée, pour devenir l'égal de Narayana. Mais Krsna infirme ici cette théorie, qu'Il juge néfaste: à moins de s'être purifié le coeur, le sannyasi ne peut que troubler l'ordre social. D'autre part, si l'on s'engage au service sublime du Seigneur (le buddhi-yoga), tout progrès effectué dans cette voie est reconnu par le Seigneur, même si on ne remplit pas ses obligations matérielles. En accomplissant ne serait-ce qu'une infime part du service de dévotion, on peut surmonter de grands obstacles.
jatu tisthaty akarma-krt
karyate hy avasah karma
sarvah prakriti-jair gunaih
Inéluctablement, l'homme se voit contraint d'agir par l 'influence des trois gunas, et ne peut demeurer inactif, même pour un instant.
De par sa nature même, l'âme est toujours active, et non seulement lorsqu'elle est incarnée. En l'absence de l'âme spirituelle, le corps de matière ne peut se mouvoir; il n'est qu'un véhicule inerte, que doit animer l'âme. Celle-ci ne peut, en aucun cas, devenir inerte. Il lui faut agir. Que ce soit donc dans la conscience de Krsna, car si elle la refuse, elle devra bien agir, mais cette fois sous l'influence de l'énergie illusoire. Or, au contact de l'énergie matérielle, l'âme distincte devient sujette à l'influence des gunas, et pour se purifier de son attachement à la matière, il lui faut adhérer aux devoirs prescrits, dans les sastras (les Ecritures révélées), pour les êtres conditionnés. Mais si l'âme est directement engagée dans la conscience de Krsna, qui est sa fonction naturelle, tout ce qu'elle accomplit lui est profitable. Le Srimad-Bhagavatam le confirme en disant:
"Qui adopte la conscience de Krsna ne perd rien et n'a rien à craindre, même s'il ne remplit pas les devoirs prescrits dans les
sastras ou s'il n'exécute pas parfaitement le service de dévotion, ou même encore s'il lui arrive de négliger les impératifs de la conscience de Krsna. D'autre part, à quoi bon suivre tous les rites de purification recommandés par les
sastras si l'on n'est pas conscient de Krsna?"
Il est donc nécessaire de se purifier pour devenir conscient de Krsna, et le sannyasa, comme tout autre moyen de purification, doit aider I'homme à atteindre le but de l'existence, à devenir conscient de Krsna, sans quoi la vie est un échec.
ya aste manasa smaran
indriyarthan vimudhatma
mithyacarah sa ucyate
Celui qui retient ses sens et ses organes d'action, mais dont le mental s'attache encore aux objets des sens, se berce certes d'illusions, et n'est qu'un simulateur.
Beaucoup feignent de méditer alors que leurs pensées s'attachent au plaisir des sens; de tels simulateurs refusent, bien entendu, de s'engager dans la conscience de Krsna. Ces imposteurs peuvent également s'étendre en d'arides philosophies pour impressionner d'éventuels esprits astucieux, mais d'après ce verset, ce sont des fourbes de la pire espèce. Si l'on désire seulement jouir des sens, on peut, dans le cadre des varnas, emprunter le rôle qui nous séduit, et y agir à sa guise; mais si on veut au contraire les purifier graduellement, on doit se conformer aux principes régulateurs qui régissent le varna auquel on appartient vraiment. Quiconque feint d'être un yogi, quand en réalité, il ne cherche que le plaisir sensuel, doit être jugé fourbe, même s'il lui arrive de parler en philosophe. Son savoir est vain, car les fruits de sa connaissance lui sont immédiatement arrachés par l'énergie illusoire du Seigneur. Ses pensées sont toujours impures, et frappent de nullité son étalage de méditation yogique.
niyamyarabhate ’rjuna
karmendriyaih karma-yogam
asaktah sa visisyate
Celui, ô Arjuna, qui discipline ses sens en maîtrisant son mental, et qui, sans attachement, engage ses organes d'action en des actes de dévotion, lui est de beaucoup supérieur.
Plutôt que de devenir un pseudo-spiritualiste afin de se ménager plus d'aisance à jouir des bas plaisirs matériels, il est bien préférable de garder ses occupations courantes, et de chercher en même temps à atteindre le but de l'existence, qui est de se libérer des chaînes de la matière pour entrer dans le royaume de Dieu. Dans notre propre intérêt, le premier but (svarthagati) que nous devons chercher à atteindre est Visnu, et l'institution du varnasrama n'a d'autre objet que nous aider à atteindre ce but. Or, un chef de famille peut aussi bien l'atteindre, s'il adopte le service de dévotion en suivant les règles de la conscience de Krsna. Afin de réaliser progressivement son identité spirituelle, l'homme doit vivre de façon réglée, comme le commandent les sastras, et continuer à remplir ses obligations dans un esprit de détachement. L'homme sincère qui emprunte cette voie est infiniment mieux placé, aux yeux de Krsna, que l'imposteur étalant un spiritualisme de pacotille afin de tromper l'innocence du public. Un balayeur des rues sincère vaut infiniment mieux qu'un faux yogi ne méditant que pour assurer sa subsistance.
karma jyayo hy akarmanah
sarira-yatrapi ca te
na prasiddhyed akarmanah
Remplis ton devoir, car l'action vaut mieux que l'inaction. Sans agir, l'homme est incapable de veiller à ses plus simples besoins.
Nombreux sont les "méditateurs" qui se disent appartenir à des familles de haut lignage, et nombreux les hommes de haut rang qui prétendent avoir tout abandonné pour se consacrer à la réalisation spirituelle. Krsna, le Seigneur, ne veut pas qu'Arjuna devienne un simulateur, mais bien qu'il remplisse ses devoirs. Arjuna est un grhastha et un ksatriya, et il est tout à son avantage d'agir en remplissant les devoirs religieux qui lui incombent, car ces devoirs purifient graduellement le coeur de qui les accomplit et le libèrent de toute contamination matérielle. Ni le Seigneur ni aucune Ecriture sacrée ne favorisent un renoncement factice visant à satisfaire les besoins du corps; d'une façon ou d'une autre, l'homme doit gagner sa subsistance par un travail quelconque. Nul ne doit abandonner ses activités par caprice, sans, au préalable, s'être purifié de tout attachement matériel. Et quiconque se trouve dans le monde matériel possède en lui le désir impur de le dominer, ou, en d'autres mots, de jouir de ses sens. Si l'on renonce à toute activité sans avoir d'abord balayé ces tendances, grâce à l'accomplissement de ses devoirs, on ne deviendra qu'un faux spiritualiste, vivant au crochet d'autrui.
loko ’yam karma-bandhanah
tad-artham karma kaunteya
mukta-sangah samacara
Mais l'action, il convient de l'offrir en sacrifice à Visnu, de peur qu'elle enchaîne son auteur au monde matériel. Aussi, ô fils de Kunti, remplis ton devoir afin de Lui plaire, et à jamais tu seras libéré des chaînes de la matière.
Comme il faut agir, ne serait-ce que pour subvenir aux besoins de son corps, les devoirs qui incombent à chaque individu., en fonction de sa position sociale et spirituelle, sont agencés de manière à lui procurer tout ce qui est nécessaire pour vivre. Le mot yajna désigne aussi bien Visnu que les actes sacrificiels, car selon les Vedas, tous les sacrifices n'existent que pour Lui.
Autrement dit, servir directement le Seigneur, Visnu, revient à accomplir tous les sacrifices recommandés. Aussi, la conscience de Krsna préconise la forme de yajna que conseille ce verset.
Plaire à Visnu est également le but de l'institution du varnasrama. Il faut donc agir pour la satisfaction du Seigneur: toute autre forme d'activité accomplie dans le monde matériel représente une source d'esclavage. En effet, les bonnes actions, comme les mauvaises, entraînent des conséquences, qui enchaînent leur auteur. C'est pourquoi il faut agir dans la conscience de Krsna, pour plaire à Krsna, ou Visnu, car ce genre d'action, plutôt que d'asservir son auteur, l'affranchit aussitôt. Tel est l'art d'agir. Au début, lorsqu'on s'engage dans cette voie, l'aide d'un guide très expérimenté s'avère indispensable. Il faut donc agir "en conscience", selon les directives d'un dévot de Krsna, ou de Krsna Lui-même (comme c'est le cas pour Arjuna). Il ne faut jamais agir en vue de satisfaire ses sens, mais bien pour plaire à Krsna. En agissant ainsi, non seulement serons-nous libérés de toute conséquence matérielle, mais aussi nous élèverons-nous progressivement jusqu'au service d'amour sublime du Seigneur, qui seul peut nous permettre d'atteindre le royaume de Dieu.
purovaca prajapatih
anena prasavisyadhvam
esa vo ’stv ista-kama-dhuk
Au début de la création, le Seigneur de tous les êtres peupla l'univers d'hommes et de devas. Recommandant les sacrifices à Visnu, Il les bénit en disant: "Que ces yajnas vous apportent le bonheur et répandent sur vous tous les bienfaits désirables."
L'univers matériel, créé par Visnu, le Seigneur de tous les êtres, contient une occasion, pour l'âme conditionnée, de retourner à Dieu, en sa demeure originelle. Tous les êtres y sont conditionnés par l'énergie illusoire, car ils ont oublié leur relation éternelle avec Krsna, la Personne Suprême. Or, comme il est expliqué dans la Bhagavad-gita, les enseignements védiques ont pour but de nous aider à comprendre cette relation. Le Seigneur affirme que le but des Vedas est de Le connaître. Il est aussi proclamé dans les hymnes védiques que le maître universel est Visnu, la Personne Suprême, Dieu. Sukadeva Gosvami, dans le Srimad-Bhagavatam, désigne également le Seigneur comme pati, "maître", de plusieurs façons. Le prajapati est Visnu; aussi maître de tous les êtres, de tous les univers, de toutes les splendeurs, Il est le protecteur suprême. Le Seigneur a créé l'univers matériel pour que les âmes conditionnées apprennent à accomplir des yajnas (sacrifices) ayant pour but la satisfaction de Visnu; ainsi, tout au long de leur séjour en ce monde, n'ayant pas à se préoccuper outre mesure de leurs besoins matériels, elles peuvent vivre agréablement, puis, quand elles ont quitté leur corps de matière, entrer dans le royaume de Dieu. Tel est l'arrangement du Seigneur pour aider les êtres conditionnés. Ces yajnas leur permettent de devenir progressivement conscients de Krsna, et d'acquérir tous les traits de la vertu. Dans l'âge de Kali, les Ecritures védiques recommandent le sankirtana-yajna, le chant des Saints Noms de Dieu, et ce sacrifice spirituel fut instauré par Sri Caitanya Mahaprabhu, nul autre que Krsna Lui-même, en vue de libérer tous les hommes de cet âge. Le sankirtana-yajna et la conscience de Krsna vont de pair; c'est ainsi que le Srimad-Bhagavatam mentionne l'avènement du Seigneur sous la forme d'un pur bhakta, Sri Caitanya Mahaprabhu, propageant le Mouvement du sankirtana:
"Dans l'âge de Kali, les êtres d'intelligence adoreront le Seigneur et Ses compagnons en accomplissant le sankirtana-yajna.
Les autres yajnas mentionnés dans les Ecritures védiques sont presque impossibles à accomplir dans l'âge de Kali, mais le sankirtana-yajna, facile et sublime en tous points, les vaut tous.
te deva bhavayantu vah
parasparam bhavayantah
sreyah param avapsyatha
Satisfaits par les sacrifices des hommes, les devas à leur tour, satisferont les hommes, et de ces échanges mutuels naîtra pour tous la prospérité.
On appelle "devas" les êtres, innombrables, dotés de pouvoir pour régir les affaires de l'univers matériel. Ils ont la charge de fournir l'air, la lumière, l'eau et tout ce qui est nécessaire au maintien des êtres; tous assistent la Personne Suprême en diverses parties de Son corps. Leur satisfaction et leur déplaisir dépendent des yajnas accomplis par les hommes. Parmi ces yajnas, il en est destinés à satisfaire certains devas en particulier, mais là encore, c'est Visnu qui en demeure le bénéficiaire ultime. Ce que confirme la Bhagavad-gita, en disant que Krsna Lui-même est le bénéficiaire réel de tous les yajnas. Le but ultime de tous les yajnas est donc de plaire au yajna-pati. Quand ils sont parfaitement accomplis, les devas chargés de pourvoir aux divers besoins naturels de l'homme sont automatiquement satisfaits et lui procurent ce qui lui est nécessaire.
Les yajnas apportent également d'autres bienfaits, dont le plus grand est de nous affranchir des chaînes de la matière. Par l'accomplissement de ces yajnas, tous nos actes se purifient. Selon les Vedas:
"Par l'accomplissement des yajnas, notre nourriture, offerte en sacrifice, devient sanctifiée; et lorsqu'on mange de la nourriture sanctifiée, c'est notre existence qui devient plus pure; sous l'influence de cette purification, les tissus subtils de la mémoire se sanctifient, et quand la mémoire est sanctifiée, on peut alors s'engager sur la voie de la libération."
Tous ces éléments rassemblés conduisent à la conscience de Krsna, qui offre seule une réponse aux besoins primordiaux de la société actuelle.
dasyante yajna-bhavitah
tair dattan apradayaibhyo
yo bhunkte stena eva sah
Satisfaits par ces yajnas, les devas ne manquent pas de pourvoir à tous les besoins de l'homme. Mais qui jouit de leurs dons sans rien leur offrir en retour, est certes un voleur.
Les devas sont des agents du Seigneur Suprême, Visnu, chargés de fournir à tous les êtres ce dont ils ont besoin. Il faut donc se les rendre favorables en accomplissant les yajnas recommandés dans les Ecritures. Les Vedas recommandent divers yajnas, destinés à différents devas, mais c'est le Seigneur qui, finalement, les reçoit tous. Les sacrifices aux devas sont prescrits pour ceux qui ne peuvent concevoir d'une Personne Suprême. Les Vedas recommandent également divers yajnas pour diverses personnes, selon les influences matérielles qui agissent sur elles, et le culte des devas repose sur un principe analogue. Aux mangeurs de chair animale, il est conseillé de rendre un culte à la déesse Kali, forme terrifiante, personnification de la nature matérielle, et de lui sacrifier des animaux. Mais à ceux qui sont influencés par la vertu, on recommande plutôt le culte spirituel et absolu de Visnu, car le but final de tous les yajnas est bien de s'élever à un niveau purement spirituel.
Pour l'homme ordinaire, au moins cinq formes de yajnas sont nécessaires; on les connaît sous le nom de panca-maha-yajna.
Il faut toujours garder à l'esprit que ce sont les devas, agents du Seigneur, qui pourvoient aux besoins vitaux de l'homme. Personne n'est en mesure de créer ce dont il a besoin. Les aliments de l'homme influencé par la vertu* -céréales, fruits, légumes, produits laitiers, sucre... - ou ceux de l'homme influencé par la passion* et l'ignorance* -viande, œufs, poisson... - ne peuvent être créés par eux, pas plus d'ailleurs que la chaleur, la lumière, l'eau ou l'air, si indispensables. Sans le Seigneur Suprême, il n'existerait ni lumière du soleil, ni clair de lune, ni pluie, ni vent.... et personne ne pourrait vivre. A l'évidence, notre vie dépend tout entière de la générosité du Seigneur. Même les nombreux matériaux bruts requis dans nos usines (métal, soufre, mercure, manganèse, et tant d'autres) nous sont fournis par les agents du Seigneur afin que nous en fassions un usage sain, pour donner à la société des conditions favorables à la réalisation spirituelle, qui nous conduira au but ultime de l'existence, la libération de la matière. Cet objectif peut être atteint par l'accomplissement des yajnas. Mais si nous oublions le but de la vie humaine, et que nous utilisons les bienfaits dispensés par les agents du Seigneur pour le seul, plaisir de nos sens, nous embourbant ainsi de plus en plus dans l'existence matérielle, ce qui n'est certes pas le but de la création, nous devenons des "voleurs", et devons être punis par les lois naturelles. Une société de "voleurs" ne peut jamais trouver son équilibre, car elle oublie le vrai but, l'ultime destination. Elle ignore tout des yajnas et ne cherche que davantage de jouissance matérielle. Le Seigneur, cependant, sous la forme de Sri Caitanya Mahaprabhu, a introduit dans le monde le yajna le plus facile, le sankirtana-yajna, que chacun peut accomplir, en acceptant les principes de la conscience de Krsna.
mucyante sarva-kilbisaih
bhunjate te tv agham papa
ye pacanty atma-karanat
Les dévots du Seigneur sont affranchis de toute faute, parce qu'ils ne mangent que des aliments offerts en sacrifice. Mais ceux qui préparent des mets pour leur seul plaisir ne se nourrissent que de péché.
Les dévots du Seigneur Suprême, ceux qui ont adopté la conscience de Krsna, sont appelés santas, pour marquer qu'ils éprouvent sans cesse de l'amour pour le Seigneur. Ce que confirme la Brahma-samhita. Les santas, parce qu'un lien d'amour les unit toujours au Seigneur Suprême, Govinda (source de toutes les joies), Mukunda (Celui qui accorde la libération), Krsna (l'infiniment fascinant), n'acceptent rien pour eux avant de l'avoir offert à la Personne Suprême. C'est pourquoi les bhaktas offrent toujours divers yajnas selon les différents aspects du service de dévotion; ces yajnas les préservent constamment de toute influence venue des actions coupables accomplies dans le monde matériel. D'autre part, ceux qui ne préparent des aliments que pour leur satisfaction personnelle, outre qu'ils agissent en "voleurs", mangent littéralement du "péché". Or, comment un pécheur, un voleur, peut-il être heureux? C'est pourquoi les hommes qui désirent un bonheur parfait doivent apprendre à suivre la voie facilement accessible du sankirtana-yajna, en adoptant la conscience de Krsna. Autrement, il ne peut y avoir de bonheur ou de paix dans le monde.
parjanyad anna-sambhavah
yajnad bhavati parjanyo
yajnah karma-samudbhavah
Le corps de tout être subsiste grâce aux aliments dont les pluies permettent la croissance. Et les pluies coulent du yajna, le sacrifice qu'accomplit l'homme en s'acquittant des devoirs qui lui sont prescrits.
Srila Baladeva Vidyabhusana, grand commentateur, de la Bhagavad-gita, écrivait que le Seigneur Suprême, aussi appelé le yajna-purusa, le bénéficiaire ultime de tous les sacrifices, est le maître de tous les devas, qui Le servent comme les divers membres du corps servent le corps tout entier. Les devas (Indra, Candra, Varuna ... ) ont la charge précise de gérer les affaires de l'univers, et les Vedas recommandent d'offrir des sacrifices ayant pour but de plaire à ces devas, de façon à ce qu'ils fournissent volontiers l'air, la lumière et l'eau nécessaires à la production des aliments de l'homme. Or, lorsqu'on adore Krsna, le Seigneur Suprême, les devas, membres du corps du Seigneur, reçoivent par là même notre vénération; il n'est donc plus nécessaire de leur rendre un culte individuel. Ainsi, les dévots du Seigneur, ceux qui suivent la voie de la conscience de Krsna, ne mangent que des aliments offerts à Krsna. En agissant de la sorte, c'est spirituellement qu'ils nourris sent leur corps; et non seulement toutes les conséquences de leurs actes coupables se trouvent réduites à néant, mais leur corps devient immunisé contre toute forme de contamination matérielle. Lors d'une épidémie, on vaccine les gens pour les immuniser contre le microbe; ainsi, lorsqu'on prend de la nourriture d'abord offerte au Seigneur, à Visnu, on peut résister à toutes les attaques de l'énergie matérielle. On appelle dévot du Seigneur, ou bhakta, celui qui agit toujours ainsi. De cette façon, l'homme conscient de Krsna, qui ne mange que de la nourriture offerte à Krsna, peut effacer toutes les conséquences de ses mauvais rapports avec la matière, dégager l'accès au sentier de la réalisation spirituelle. En contrepartie, ceux qui ne le font pas continuent d'accroître le volume de leurs actes coupables, et se préparent ainsi un autre corps, comme celui d'un chien ou d'un porc, où ils devront subir les conséquences de leurs péchés. L'énergie matérielle est source de toutes contaminations, mais celui qu'immunise le prasada (la nourriture offerte à Visnu) échappe à ses attaques; tout autre en est victime, sans recours. Divers aliments végétaux -céréales, fruits, légumes... -constituent la nourriture de l'homme, et l'animal, lui, mange, en plus des déchets de ces aliments, de l'herbe et certaines plantes. L'homme se nourrissant de chair animale dépend donc, lui aussi, de la production d'aliments végétaux. C'est pourquoi nous devons apprendre à vivre davantage des produits de la terre que de ceux de nos usines. La terre, pour produire, a besoin de pluies, lesquelles sont sous le contrôle d'Indra, et aussi de la Lune, du Soleil, etc., qui sont tous serviteurs du Seigneur; il faut donc plaire au Seigneur en Lui offrant des sacrifices, pour ne pas rencontrer la disette. Telle est la loi naturelle. Voilà pourquoi il nous faut accomplir des yajnas, et plus particulièrement le sankirtana-yajna, recommandé pour cet âge, ne serait-ce que pour nous protéger contre un manque de nourriture.
brahmakshara-samudbhavam
tasmat sarva-gatam brahma
nityam yajne pratisthitam
Les devoirs prescrits sont donnés dans les Vedas, et les Vedas sont directement issus de la Personne Suprême. Par suite, l'Absolu omniprésent Se trouve éternellement dans les actes de sacrifice.
Ce verset insiste particulièrement sur le yajnartha karma, la nécessité d'agir pour la seule satisfaction de Krsna. Or, si nous devons agir pour plaire au yajna-purusa, à Visnu, ce n'est pas ailleurs qu'en brahman, dans les Vedas, spirituels et absolus, qu'il faut chercher la direction à suivre. Les Vedas sont des codes d'action, et tout acte accompli sans leur sanction est qualifié de vikarma, "non-autorisé", "coupable". Il nous faut donc toujours agir à la lumière des Vedas si nous voulons nous affranchir de toute réaction consécutive à nos actes. De même qu'il nous faut agir dans le cadre des lois de l'Etat, chacun doit également agir selon les lois du Seigneur, en Son "Etat suprême"; et ces lois sont contenues dans les Vedas, qui proviennent du souffle de la Personne Suprême, de Dieu. Il est en effet dit:
"Les quatres Vedas (le Rg-veda, le Yajur-veda, le Samaveda et l'Atharva-veda) émanent du souffle de la Personne Suprême."
Parce qu'Il est tout-puissant, la respiration du Seigneur est parole; la Brahma-samhita confirme qu'Il a le pouvoir de remplir, avec chacun de Ses organes des sens, les fonctions de tous les autres. En d'autres mots, Il peut parler d'un souffle ou féconder d'un regard. Les Ecritures confirment, en effet, qu'Il imprégna l'univers d'un simple regard, et qu'après avoir ainsi créé, après avoir déposé les âmes conditionnées dans le sein de la nature matérielle, Il mit Ses instructions dans les Ecrits védiques, qui montrent la voie du retour à Dieu. Il ne faut pas oublier que toutes les âmes conditionnées sont avides de plaisirs matériels; aussi les enseignements védiques sont ils faits pour leur permettre de satisfaire, dans un esprit de purification, des désirs impurs, et, dans un second temps, une fois qu'elles seront lassées de tous ces plaisirs éphémères, leur donner l'occasion de s'en affranchir et de revenir vers Dieu. Les âmes conditionnées doivent donc s'efforcer de suivre la voie du yajna, en développant la conscience de Krsna. Même ceux qui ne peuvent suivre les recommandations védiques ont la possibilité d'adopter la conscience de Krsna, dont les principes remplacent les sacrifices (yajnas ou karmas) prescrits dans les Vedas.
nanuvartayatiha yah
aghayur indriyaramo
mogham partha sa jivati
0 Arjuna, celui qui n'accomplit pas de sacrifice comme le prescrivent les Vedas vit certes dans le péché; il existe en vain, celui qui se complaît dans les plaisirs des sens.
Le culte de l'argent, ou la philosophie du travail acharné dans le but de mieux jouir des plaisirs de ce monde, est ici dénoncé par le Seigneur. Ceux qui désirent jouir du monde doivent sans contredit accomplir les yajnas dont nous avons déjà parlé; sans eux, ils risquent de mener une vie très dangereuse, de s'enliser toujours plus dans l'existence matérielle. De par les lois de la nature, la forme humaine a pour but spécifique la réalisation spirituelle, que ce soit par le karma-yoga, le jnana-yoga ou le bhakti-yoga. Le spiritualiste qui a su s'élever au-delà du vice et de la vertu n'a pas vraiment besoin d'emprunter la voie des yajnas prescrits dans les Vedas; mais la chose est nécessaire pour ceux qui cherchent les plaisirs des sens, car ils ont besoin de se purifier. Il existe divers modes d'action. Or, ceux qui ne sont pas conscients de Krsna voient leur conscience limitée à leurs sensations; ils ont donc besoin d'accomplir des actes pieux. Les différents yajnas permettent aux êtres assoiffés de plaisirs matériels d'étancher leur soif sans être englués dans les mécanismes de leurs activités sensorielles.
La prospérité universelle ne dépend pas de nos propres efforts, mais plutôt des agencements conçus par le Seigneur Suprême et mis en œuvre par les devas. Les yajnas ont donc pour but immédiat de satisfaire les devas aux quels ils sont respectivement destinés; mais ils constituent en même temps, pour qui en maîtrise l'accomplissement, une façon indirecte de développer la conscience de Krsna. D'autre part, si de tels sacrifices n'aident pas leur auteur à devenir conscient de Krsna, ils doivent être rangés au niveau de pratiques rituelles vides. Il ne faut donc pas limiter son évolution à ces pratiques, mais bien les dépasser pour devenir conscient de Krsna.
atma-trptas ca manavah
atmany eva ca santustas
tasya karyam na vidyate
Cependant, il n'est point de devoir pour l'être éclairé sur le moi véritable, qui, parfaitement comblé, ne se réjouit et n'est satisfait qu'en lui.
Celui qui, dans une parfaite conscience de Krsna, se sent comblé par les activités spirituelles du service de dévotion, celui-là n'a plus aucun devoir à remplir. Sa conscience spirituelle le purifie de toute impiété, chose qui requiert d'ordinaire des milliers de yajnas. En purifiant ainsi sa conscience, il s'affranchit du doute concernant sa relation éternelle avec l'Absolu. Par la grâce du Seigneur, il voit clairement son devoir à chaque instant, et n'est donc plus tenu de suivre les normes védiques. L'être conscient de Krsna n'est plus attiré par les activités matérielles et ne trouve plus aucun plaisir dans le vin, les femmes et autres folies du même calibre.
nakrteneha kascana
na casya sarva-bhutesu
kascid artha-vyapasrayah
Celui qui a réalisé son identité spirituelle ne poursuit aucun intérêt personnel en s'acquittant de ses devoirs, pas plus qu'il ne cherche à fuir ses obligations; nul besoin, pour lui, de dépendre d'autrui.
L'homme averti de son identité spirituelle n'a plus, hors de ses activités dans la conscience de Krsna, aucun devoir à remplir. Comme l'expliquent les versets qui suivent, la conscience de Krsna n'est pas la voie du non-agir, mais parce qu'il vit en elle, l'être réalisé se libère de toute autre obligation. D'autre part, il n'a plus à chercher la protection de qui que ce soit, homme ou deva.
karyam karma samacara
asakto hy acaran karma
param apnoti purushah
Ainsi, l'homme doit agir par sens du devoir, détaché du fruit de ses actes, car par l'acte libre d'attachement, on atteint l'Absolu.
L'Absolu est, pour le bhakta, la Personne Suprême, et pour l'impersonnaliste, la libération. Donc, celui qui agit dans la conscience de Krsna, tout entier voué au Seigneur, en suivant les directives d'un maître spirituel authentique et en se détachant du fruit de ses actes, celui-là progresse sûrement vers le but ultime de l'existence. Ainsi Arjuna se voit-il demander de combattre sur le champ de bataille de Kuruksetra pour le plaisir de Krsna, simplement parce que Ce dernier le veut. Se dire bon, ou non violent, c'est encore un attachement à la matière; le détachement ne vient que si l'on agit pour la satisfaction de la Personne Suprême. Telle est la perfection, l'absolu de l'acte, prescrit par Sri Krsna, la Personne Suprême. Les rites védiques, les divers sacrifices par exemple, ne servent qu'à nous purifier des actes coupables que nous avons pu accomplir en cherchant à satisfaire nos sens; mais l'action dans la conscience de Krsna se situe tout à fait au-delà du bien et du mal. L'être conscient de Dieu n'est pas attaché aux fruits de ses actes, il agit pour le seul plaisir de Krsna. Il peut s'engager dans toutes les sphères de l'action, mais toujours avec un détachement total.
asthita janakadayah
loka-sangraham evapi
sampasyan kartum arhasi
Même des rois comme Janaka, et d'autres, atteignirent la perfection par l'accomplissement du devoir. Assume donc ta tâche, ne serait-ce que pour l'édification du peuple.
Des rois comme Janaka furent des âmes réalisées, n'ayant donc nul besoin de remplir les devoirs que leur prescrivaient les Vedas. Néanmoins, ils assumèrent leur tâche, à seule fin de donner l'exemple. Janaka était le père de Sita, le beau-père, donc, de Rama, l'avatara. En tant que dévot du Seigneur, il avait atteint le niveau spirituel, mais en tant que roi de Mithila (division de la province de Bihar en Inde), il devait apprendre à ses sujets comment combattre droitement. Ensemble, lui et ses sujets combattirent pour montrer que la violence est aussi nécessaire, dans le cas où les bons arguments n'ont aucun effet. Tout fut fait pour éviter la Bataille de Kuruksetra -même la Personne Suprême tenta de l'éviter- mais le camp adverse était si déterminé que la guerre dut avoir lieu. Il est donc parfois nécessaire de combattre, si la cause est juste. Même dépourvu d'intérêt matériel, le bhakta n'en continue pas moins d'agir, afin de montrer aux gens quelle vie mener, quelle voie suivre dans l'action. Ceux qui sont avancés dans la conscience de Krsna sont capables d'agir de telle sorte que les autres suivent leur exemple, comme le montrera le prochain verset.
tat tad evetaro janah
sa yat pramanam kurute
lokas tad anuvartate
Quoi que fasse un grand homme, la masse des gens marche toujours sur ses traces; le monde entier suit la norme qu'il établit par son exemple.
La masse a toujours besoin d'un chef qui puisse l'instruire par son exemple. Mais il ne peut enseigner aux gens à cesser de fumer si lui-même fume. Sri Caitanya Mahaprabhu disait qu'un maître doit avant tout apprendre lui même à agir correctement. On appelle acarya, ou maître parfait, celui qui enseigne ainsi, par l'exemple. Il faut donc que le maître applique les principes énoncés dans les sastras (les Ecritures révélées, comme la Manu-samhita, et tant d'autres) s'il veut atteindre la masse des gens; il ne peut pas inventer des règles allant à l'encontre de ces principes, lesquels sont justement ceux que doit observer l'homme. Chefs et dirigeants doivent donc baser leurs enseignements sur ces principes, tels qu'ils furent appliqués par les grands maîtres. Le Srimad-Bhagavatam déclare également qu'on doit suivre les traces des grands bhaktas, car c'est la seule façon de progresser vers la réalisation spirituelle. Le roi, ou le chef d'Etat, le père et le professeur, sont considérés comme les guides naturels de la société. Ils ont une grande responsabilité envers ceux qui dépendent d'eux, et c'est pourquoi ils doivent se familiariser avec les principes moraux et spirituels contenus dans les Ecriturcs.
trisu lokesu kincana
nanavaptam avaptavyam
varta eva ca karmani
0 fils de Prtha il n'est, dans les trois mondes aucun devoir qu'il Me faille accomplir; Je n'ai besoin de rien, Je ne désire rien non plus. Et pourtant, Je Me prête à l'action.
Dieu, la Personne Suprême, est ainsi décrit dans les Ecritures védiques:
"Le maître absolu domine tous les autres maîtres, et donc, également ceux des diverses planètes. Tous Lui sont subordonnés. Les pouvoirs particuliers que certains êtres peuvent posséder, ils ne les possèdent que par Sa volonté. Eux-mêmes ne sont jamais suprêmes. Les devas Le vénèrent, et Lui doivent allégeance; Il domine tous les dirigeants et maîtres dans l'ordre matériel, et tous doivent, L'adorer. Personne ne Lui est supérieur, Il est la cause de toutes les causes. Il ne possède pas de corps matériel comme un homme ordinaire. Il n'existe aucune différence entre Son Corps et Son Ame, Il est absolu. Tous Ses Sens sont parfaitement spirituels, et chacun de Ses organes des sens peut remplir les fonctions de n'importe quel autre. Personne, encore une fois, ne Lui est supérieur, ni même égal. Ses pouvoirs sont infinis, et naturellement, la succession de Ses hauts faits n'a également pas de fin."
Parce qu'en Dieu, la Personne Suprême, tout est perfection, vérité pure, infini et absolu, Il n'a aucun devoir à accomplir. Seul celui qui doit subir les conséquences de ses actes doit aussi remplir certains devoirs donnés, mais celui qui n'a rien à désirer dans les trois mondes, les trois systèmes planètaires, n'est certes lié à aucun devoir. Et pourtant, Krsna, le Seigneur Lui-même, Se met, sur le champ de bataille de Kuruksetra , la tête des ksatriyas, qui, eux, sont tenus de protéger les opprimés. bien qu'il ne soit pas soumis aux règles énoncées dans les Ecritures, Il ne fait absolument rien qui puisse les contredire.
jatu karmany atandritah
mama vartmanuvartante
manushyah partha sarvasah
Car, si Je n'agissais pas, ô Partha, tous les hommes suivraient certes la voie qu'ainsi J'aurais tracée.
Un certain équilibre social est requis pour que l'homme puisse progresser vers la réalisation spirituelle, et afin que soit conservé cet équilibre, des normes de vie sociale et familiale existent, que tout être civilisé a le devoir de respecter. Ces principes régulateurs s'adressent aux âmes conditionnées, pas au Seigneur; cependant, parce qu'Il est venu établir les fondements de la spiritualité, Krsna choisit de suivre ces principes. A cause de Sa prééminence, les masses auraient marché sur Ses traces même s'Il avait agi autrement. Le Srimad-Balgavatam nous apprend que Krsna, le Seigneur, observait, au foyer et hors du foyer, tous les devoirs religieux, comme tout chef de famille est tenu de le faire.
na kuryam karma ced aham
sankarasya ca karta syam
upahanyam imah prajah
Si Je M'abstenais d'agir, tous les univers sombreraient dans la désolation; à cause de Moi, l'homme engendrerait une progéniture indésirable. Ainsi, Je troublerais la paix de tous les êtres.
On désigne sous le nom de varna-sankara toute descendance indésirable, parce qu'elle trouble l'harmonie de la société. Pour parer à ce déséquilibre social, l'homme doit suivre certains principes régulateurs et respecter certaines règles d'organisation, lesquels apporteront d'eux-mêmes paix et harmonie dans la société, tout en y facilitant la réalisation spirituelle. Si le Seigneur, lorsqu'il descend dans l'univers matériel, Se soumet à ces principes, c'est afin d'en montrer le prestige et l'importance. Le Seigneur est le père de tous les êtres, et s'ils s'égarent, c'est Lui qui, indirectement, en est tenu pour responsable. Pour cette raison, chaque fois que l'humanité néglige les principes régulateurs, le Seigneur descend en personne pour redresser la société. Nous devons toutefois garder à l'esprit que s'il nous faut suivre les traces du Seigneur, il nous est toujours impossible de L'imiter. Suivre et imiter sont deux choses bien distinctes. Nous ne pouvons pas imiter le Seigneur en soulevant la colline Govardhana, comme Il l'a fait dans Son enfance; aucun homme ne le pourrait. Le Srimad-Bhagavatam confirme ceci en disant:
"L'on doit simplement suivre les instructions du Seigneur et de Ses représentants. Leurs enseignements sont un bienfait suprême pour nous, et l'homme intelligent les appliquera sans omission. Gardons-nous cependant de vouloir les imiter. Qui chercherait à boire l'océan de poison pour imiter Siva?"
Nous devons toujours considérer comme supérieurs à nous les isvaras, les êtres qui détiennent le pouvoir de régler les mouvements du soleil, de la lune, et des autres planètes. A moins d'être l'un deux, il est vain de chercher à imiter leur extraordinaire puissance. Siva but tout un océan de poison, mais l'homme ordinaire qui tenterait d'en boire une seule goutte serait foudroyé. De soi-disant dévots de Siva -se permettent de fumer du ganja (marijuana) et d'autres drogues, et croient pouvoir s'autoriser de l'exemple de Siva. En réalité, ils marchent à la mort. De même, certains "dévots" de Krsna veulent bien imiter le Seigneur dans Sa rasa-1ila, Sa danse amoureuse avec les gopis, mais point lorsqu'il s'agit de soulever la colline Govardhana. Il est bien préférable de suivre les instructions de ceux qui possèdent la puissance plutôt que de chercher à les imiter ou à occuper leur place sans être pour cela qualifié. On voit déjà tant de pseudo-incarnations de Dieu!
yatha kurvanti bharata
kuryad vidvams tathasaktas
cikirsur loka-sangraham
En accomplissant son devoir, ô descendant de Bharata, l'ignorant s'attache aux fruits de son labeur; l'homme éclairé agit, lui aussi, mais sans attachement, dans le seul but de guider le peuple sur la voie juste.
Ce sont des désirs différents qui distinguent des autres une personne consciente de Krsna. Le bhakta ne fait rien qui ne favorise le développement de la conscience de Krsna. Il se peut qu'en apparence, il agisse comme l'ignorant, comme l'homme trop attaché aux activités matérielles, mais l'ignorant n'agit que pour plaire à ses sens, quand le dévot n'agit que pour plaire à Krsna. Il revient aux hommes conscients de Krsna d'apprendre à autrui comment agir et utiliser les fruits de leurs actes au service de Krsna.
ajnanam karma-sanginam
josayet sarva-karmani
vidvan yuktah samacaran
Que le sage ne trouble pas les ignorants attachés aux fruits de leurs actes. Ils ne doivent pas être encouragés à l'inaction, mais plutôt à imprégner chacun de leurs actes d'amour et de dévotion.
Les rites, les sacrifices et la connaissance des Vedas, y compris des directives qu'on y trouve sur la façon d'agir au niveau matériel, tout cela est au service de la connaissance de Krsna, but ultime de la vie; tel est l'objet de tous les rites védiques. Mais, parce qu'elles ne connaissent rien au-delà du plaisir des sens, les âmes conditionnées n'abordent les Vedas que dans la perspective de ces plaisirs. On peut néanmoins, en soumettant les sens à certaines règles, développer progressivement la conscience de Krsna. C'est pourquoi les âmes réalisées dans la conscience de Krsna ne doivent pas détourner autrui de ses activités, ni troubler sa conscience, mais plutôt agir de façon à lui montrer comment le résultat de toute action peut être offert à Krsna. Le bhakta, qui détient la connaissance, doit faire en sorte, par ses actes, que l'ignorant n'agissant que pour son plaisir apprenne à bien agir. Bien qu'il ne faille pas troubler l'ignorant dans son action, on peut aussitôt engager au service du Seigneur quiconque manifeste ne serait-ce qu'un léger intérêt pour la conscience de Krsna, sans qu'il soit besoin de chercher d'autres voies védiques. L'homme qui connaît ce bonheur n'a pas à observer les rites védiques, puisqu'en s'engageant au sein de la conscience de Krsna, il peut obtenir tous les résultats souhaitables, simplement par l'exercice de ses devoirs propres.
gunaih karmani sarvasah
ahankara-vimudhatma
kartaham iti manyate
Sous l'influence des trois gunas, l'âme égarée par le faux ego croit être l'auteur de ses actes, alors qu'en réalité, ils sont accomplis par la nature.
Deux personnes, l'une consciente de Krsna et l'autre non, peuvent sembler agir au même niveau, mais la différence est sans mesure. Le matérialiste reste persuadé, sous l'influence du faux ego, qu'il est la cause de tout ce qu'il accomplit. Ignorant que le mécanisme du corps est un produit de la nature matérielle, laquelle agit sous la direction du Seigneur Suprême, il ignore aussi qu'en dernier lieu, il est sous la domination de Krsna. Etre persuadé qu'il agit de son propre chef et en toute indépendance, c'est le signe de son ignorance. Il ne sait pas que son corps grossier de même que son corps subtil furent créés par la nature matérielle, sous la direction du Seigneur Suprême, et que, pour cette raison, toute activité physique et mentale doit être mise à Son service, dans la conscience de Krsna. Il oublie l'autre Nom de Krsna: Hrsikesa, le maître des sens; pendant trop longtemps, il a fait un mauvais usage de ses sens en cherchant sans cesse de nouveaux plaisirs; le voici maintenant égaré par son faux ego, oublieux, à cause de lui, de sa relation éternelle avec Krsna.
guna-karma-vibhagayoh
guna gunesu vartanta
iti matva na sajjate
Celui, ô Arjuna aux-bras-puissants, qui connaît la nature de la Vérité Absolue, ne se préoccupe pas des sens et de leur plaisir, car il sait la différence entre l'acte intéressé et l'acte empreint d'amour et de dévotion.
Celui qui connaît la Vérité Absolue voit clairement que le contact avec la nature matérielle le met dans une position plutôt malaisée. Il sait que, puisqu'il fait partie intégrante de Krsna, source éternelle de connaissance et de félicité, sa condition naturelle n'est pas de vivre dans la matière; il comprend que pour une raison ou pour une autre, il demeure prisonnier d'une conception matérielle de l'existence. Sa vocation naturelle est de dédier ses actes au Seigneur Suprême, Sri Krsna, avec amour et dévotion. Il agit donc dans la conscience de Krsna et se détache par là même des activités sensorielles, contingentes et éphémères. Il sait que ses conditions de vie dépendent du Seigneur Suprême; il n'est donc pas troublé par tous les événements matériels, qu'il voit d'ailleurs comme autant de manifestations de la grâce divine. Selon le Srimad-Bhigavatam, celui qui connaît les trois aspects de la Vérité Absolue, soit le Brahman, le Paramatma et Bhagavan, la Personne Suprême, est tattvavit, car il connaît également sa propre relation avec l'Absolu.
sajjante guna-karmasu
tan akrtsna-vido mandan
krtsna-vin na vicalayet
Dérouté par les trois gunas, l'ignorant s'absorbe dans des activités matérielles, auxquelles il s'attache. Mais bien que, par la pauvreté du savoir de leur auteur, ces actions soient d'ordre inférieur, le sage ne doit pas troubler celui qui les accomplit.
Les êtres dépourvus de connaissance spirituelle se méprennent sur leur identité véritable; ils n'ont conscience que de la matière inférieure avec ses multiples déterminations temporaires. Le corps matériel est un don de la nature, et celui qui s'en préoccupe trop est appelé mandan, "indolent", parce qu'il ne fait rien pour comprendre l'âme spirituelle. Ce qui caractérise les ignorants, c'est qu'ils ne font pas la différence entre leur corps et eux, qu'ils s'attachent à ceux avec qui ils entretiennent des liens de parenté, qu'ils font de leur terre natale un objet de culte, et considèrent comme des fins en soi les rites religieux. Ces matérialistes peuvent se targuer, entre autres, d'action sociale, de nationalisme et d'altruisme, mais sous ces étiquettes trompeuses, ils pataugent simplement en des activités d'ordre matériel. Ils voient la réalisation spirituelle comme un mythe sans intérêt, auquel ils préfèrent même parfois des principes moraux élémentaires, comme la non violence et l'action bénévole. Les hommes éclairés par les principes de la vie spirituelle ne doivent pas troubler ces matérialistes. Il est préférable pour eux de continuer à remplir leur devoir spirituel dans le silence.
Les ignorants, par définition, ne peuvent apprécier les activités de la conscience de Krsna c'est pourquoi, comme Krsna nous le conseille, il vaut mieux ne pas les troubler, sans compter qu'en agissant autrement, nous perdrions un temps précieux. Mais les dévots du Seigneur sont plus bienveillants que le Seigneur, car ils comprennent Ses desseins. Ils prennent donc toutes sortes de risques, au point même d'approcher les ignorants afin de les engager au service de Krsna, ce qui, pour l'homme, est primordial.
sannyasyadhyatma-cetasa
nirasir nirmamo bhutva
yudhyasva vigata-jvarah
Aussi, Me consacrant toutes tes actions, absorbant tes pensées en Moi, libre de toute indolence, de tout égoïsme et de toute motivation personnelle, combats, ô Arjuna.
Ce verset indique clairement le but de la Bhagavad-gita. Le Seigneur enseigne que pour remplir son devoir, il faut devenir parfaitement conscient de Krsna, avec la rigueur qu'on met à suivre une discipline militaire. Voilà qui peut sembler compliquer les choses, mais il faut garder à l'esprit que l'on doit s'acquitter de son devoir en dépendant entièrement de Krsna, pour répondre à la nature éternelle de l'âme. L'âme ne peut être heureuse si elle ne coopère pas avec le Seigneur Suprême, car sa condition originelle est de s'offrir aux désirs du Seigneur. Arjuna reçoit donc de Sri Krsna l'ordre de combattre, comme si le Seigneur était son chef militaire. Il faut tout sacrifier au bon vouloir du Seigneur Suprême, et continuer à accomplir son devoir sans se dire propriétaire de rien. Arjuna n'a pas à examiner les directives du Seigneur, mais à les exécuter comme des ordres. Le Seigneur Suprême est l'âme de toutes les âmes; aussi, celui qui dépend uniquement et entièrement de Lui, sans aucune considération personnelle, ou, en d'autres mots, qui est parfaitement conscient de Krsna, on le qualifie d'adhyatma-cetasa (littéralt: pleinement conscient de l'âme). Nirasih signifie que l'on doit agir selon les ordres de son maître et ne pas chercher à jouir du fruit de ses actes. Le caissier compte des millions de francs pour son patron, mais il ne cherche pas à en détourner même un centime. De la même façon, comprenons que rien dans le monde n'appartient à l'homme, tout appartient au Seigneur Suprême. Telle est la vraie signification du mot mayi, "à Moi". Celui qui agit dans la conscience de Krsna ne se sent donc propriétaire de rien, et cet état de conscience est appelé nirmama, "rien ni personne ne m'appartient". Et si l'on est quelque peu réticent à se plier à un ordre si rigoureux, excluant toute considération de parenté consanguine, il faut alors surmonter cette réticence et devenir vigata-jvara, "affranchi de toute conscience fiévreuse, de toute indolence". Tous ont, selon leur nature et leur position respective, un devoir particulier à accomplir, devoir qui doit être rempli dans la conscience de Krsna, comme cela fut expliqué plus haut. Une telle attitude nous permettra d'atteindre le sentier de la libération.
anutishthanti manavah
shraddhavanto ’nasuyanto
mucyante te ’pi karmabhih
Celui qui remplit son devoir selon Mes instructions et qui suit cet enseignement avec foi, sans envie, celui-là se libère des chaînes du karma.
L'enseignement de Sri Krsna, Dieu, la Personne Suprême, constitue l'essence même de la sagesse védique; il est, de ce fait, une vérité éternelle et absolue. Les Vedas sont éternels comme est éternelle la vérité de la conscience de Krsna. Il faut avoir une foi inébranlable en cet enseignement et ne jamais envier le Seigneur. Plusieurs philosophes ont commenté la Bhagavad-gita, mais ils n'avaient aucune foi en Krsna, et sans foi, il n'est pas de libération des chaînes du karma. Un homme ordinaire, mais doué d'une foi inébranlable en l'enseignement éternel du Seigneur, même s'il est incapable d'appliquer les instructions de Celui-ci, s'affranchit, lui, de ces chaînes. Il se peut qu'un nouveau venu dans la conscience de Krsna ne suive pas immédiatement toutes les recommandations du Seigneur, mais s'il n'éprouve aucun ressentiment à l'égard de ces instructions et qu'il agit sincèrement, sans être arrêté par les échecs, ni par le désespoir, il est sûr d'être élevé au stade de la pure conscience de Krsna.
nanutishthanti me matam
sarva-jnana-vimudhams tan
viddhi nastan acetasah
Mais ceux qui, parce qu'ils sont envieux, négligent de toujours appliquer Mes enseignements, ils sont, sache-le, illusionnés, privés de connaissance, voués à l'ignorance et à la servitude.
Il apparaît ici clairement que c'est une faute de n'être pas conscient de Krsna. Tout comme un châtiment guette celui qui trouble l'ordre établi par 1'état, il doit exister un châtiment pour celui qui brise les lois de la Personne Divine. Un tel réfractaire ignore tout de sa propre nature, comme de celle du Brahman Suprême, en tant que Paramatma ou Bhagavan, le Seigneur Souverain, car si grand soit-il, il a le coeur vide. Il n'y a, pour lui, aucun espoir d'atteindre la perfection de l'existence.
prakriter jnanavan api
prakritim yanti bhutani
nigrahah kim karishyati
Même le sage agit selon sa nature propre, car il en est ainsi de tous les êtres. A quoi bon refouler cette nature?
A moins d'être purement spirituel, d'être conscient de Krsna, on ne peut s'affranchir de l'influence des trois gunas, comme le confirme le Seigneur Lui-même au verset quatorze du chapitre sept. Par suite même les plus grands érudits en termes de connaissance matérielle se voient dans l'incapacité de sortir du labyrinthe de maya, malgré tout leur savoir théorique ou leurs efforts pour isoler l'âme. Nombre de pseudo-spiritualistes prétendent posséder une science très vaste, mais dans le fond, ils subissent totalement l'influence des gunas. D'un point de vue académique, une personne peut être très érudite, elle n'en demeure pas moins asservie, de par son contact prolongé avec la nature matérielle. La conscience de Krsna nous aide à rejeter l'emprise de la matière, même en continuant à remplir nos devoirs. Pour cette raison, à moins d'être pleinement conscient de Krsna, nul ne doit brusquement abandonner ses obligations, et ainsi devenir un faux yogi ou un pseudo-spiritualiste. Il vaut mieux garder sa place et s'efforcer de devenir conscient de Krsna, en recevant une formation spirituelle. Ainsi peut-on se libérer des griffes de maya.
raga-dvesau vyavasthitau
tayor na vasam agacchet
tau hy asya paripanthinau
Bien qu'éprouvant de l'attraction et de la répulsion pour les objets des sens, les êtres incarnés ne doivent se laisser dominer ni par les sens, ni par leurs objets, car ceux-ci constituent un obstacle à la réalisation spirituelle.
Pour les bhaktas, refuser des plaisirs matériels à leurs sens est un acte qui va de soi. Mais ceux qui ne sont pas conscients de Krsna doivent, pour leur part, observer les règles prescrites dans les Écritures révélées. La jouissance matérielle sans restriction nous garde prisonniers du monde de la matière; au contraire, celui qui suit les principes régulateurs recommandés dans les Ecritures n'est pas entraîné par les objets de plaisir. Le plaisir sexuel, par exemple, est nécessaire à l'âme conditionnée, et donc permis, mais seulement dans les liens du mariage. Selon les normes védiques, on ne peut avoir de rapports sexuels avec une femme autre que la sienne; toute autre femme doit être considérée comme une mère. Malgré ces règles, l'homme est encore enclin à rechercher d'autres femmes; mais ces tendances doivent être stoppées, sans quoi elles feront obstacle à la réalisation spirituelle. Tant qu'on possède un corps matériel, il est permis de satisfaire tous ses besoins, mais en observant certains principes régulateurs. Gardons-nous cependant de faire fond sur ces principes, qu'il faut suivre, certes, mais sans attachement, car même sous contrôle, la jouissance matérielle peut nous égarer; il y a toujours un risque d'accident, même sur une route parfaitement entretenue. A cause d'un contact fort prolongé avec la matière, le goût du bonheur matériel est profondément ancré en nous, et même si nous observons tous les principes régulateurs, nous pouvons toujours choir de notre position. Il faut donc éviter par tous les moyens de s'attacher à la jouissance matérielle, même restreinte. Et il est une façon d'agir libre de toute attache sensorielle: c'est de tout faire par amour pour Krsna. De cette voie, donc, il ne faut jamais chercher à se détacher, d'autant plus que le but final de l'affranchissement de l'emprise des sens est d'atteindre la plénitude de cette conscience.
para-dharmat sv-anusthitat
sva-dharme nidhanam sreyah
para-dharmo bhayavahah
Mieux vaut s'acquitter de son devoir propre, fût-ce de manière imparfaite, que d'assumer celui d'un autre, même pour l'accomplir parfaitement. Mieux vaut échouer ou mourir en remplissant son devoir propre que de faire celui d'autrui, chose fort périlleuse.
Mieux vaut remplir le devoir qui nous est assigné, en nous efforçant de servir Krsna avec amour et dévotion, plutôt que de chercher à accomplir celui d'autrui. Nos devoirs matériels nous sont assignés en fonction des traits psycho-pathologiques acquis sous l'influence des trois gunas. Nos devoirs spirituels, eux, nous sont donnés par le maître spirituel, et doivent nous permettre de servir Krsna. Aussi, plutôt que d'emprunter les devoirs d'autrui, l'homme doit toujours s'efforcer de remplir les siens, tant matériels que spirituels, au risque même d'y perdre la vie. Les devoirs spirituels peuvent différer des devoirs matériels, mais dans les deux cas, le mieux est de suivre les instructions que nous donne une autorité. Celui qui subit l'emprise des trois gunas doit simplement appliquer les règles propres à chaque situation sans chercher à imiter les autres. Le brahmana, par exemple, qui reçoit l'influence de la vertu, est non violent, alors que le ksatriya, influencé par la passion, peut être violent lorsque c'est nécessaire. Et mieux vaut, pour un ksatriya, essuyer un échec en appliquant la violence que d'imiter le brahmana, qui lui se garde de toute violence. Chacun doit purifier son coeur, mais progressivement, jamais avec brusquerie. Néanmoins, celui qui transcende l'influence des trois gunas et qui est pleinement conscient de Krsna, celui-là peut accomplir n'importe quel devoir, sous la direction d'un maître spirituel authentique. Dans la pure conscience de Krsna, un ksatriya peut agir en brahmana, et inversement. Au niveau spirituel, les distinctions de l'ordre matériel ne tiennent plus. Visvamitra, par exemple, était ksatriya de naissance, mais plus tard, il joua le rôle d'un brahmana; et Parasurama, qui était un brahmana, put également agir en tant que ksatriya. Ce pouvoir, ils le devaient à leur conscience purement spirituelle; mais tant que nous nous situons au niveau matériel, nous devons nous acquitter des devoirs que nous imposent les trois gunas, en pleine conscience de Krsna.
atha kena prayukto ’yam
papam carati purushah
anicchann api varsneya
balad iva niyojitah
Arjuna dit:
0 descendant de Visnu, qu'est-ce qui, même contre son gré, pousse l'homme au péché, comme s'il y était contraint?
Parce qu'elle fait partie intégrante de l'Absolu, l'âme est, dans son essence, spirituelle, pure et libre de toute contamination matérielle. Par nature, elle n'est donc pas sujette aux fautes relatives au monde matériel. Mais au contact de la matière, elle s'adonne sans hésitation à toutes sortes d'activités pécheresses, souvent contre sa volonté. La question d'Arjuna concernant la nature pervertie des êtres vivants est donc particulièrement intéressante. L'homme se voit parfois contraint de commettre des fautes sans l'avoir désiré. Or, ces actes coupables ne sont pas provoqués par l'Ame Suprême; ils ont, comme l'explique le Seigneur dans le prochain verset, une tout autre cause.
kama esa krodha esa
rajo-guna-samudbhavah
mahasano maha-papma
viddhy enam iha vairinam
Le Seigneur Bienheureux dit:
C'est la concupiscence seule, ô Arjuna. Née au contact de la passion, puis changée en colère, elle constitue l'ennemi dévastateur du monde et source de péché.
Quand l'âme entre en contact avec la création matérielle, son amour pour Krsna se transforme, sous l'influence de la passion, en concupiscence, comme le lait qui, sous l'action du tamarin, se transforme en yaourt. Inassouvie, cette concupiscence se transforme en colère, et la colère en illusion, par quoi nous demeurons prisonniers de l'existence matérielle. La concupiscence est donc le plus grand ennemi de l'être; c'est elle qui garde l'âme pure prisonnière de la matière. La colère et ses séquelles sont des manifestations de l'ignorance, mais nous pouvons utiliser la passion pour nous élever jusqu'à la vertu, en suivant certaines règles de vie, plutôt que de la laisser nous entraîner vers l'ignorance; nous développerons ainsi un goût du spirituel, qui nous garantira contre la déchéance de la colère.
Dieu, la Personne Suprême, Se déploie à l'infini, de telle sorte que Sa félicité spirituelle grandit sans cesse, et tous les êtres contribuent à cette félicité sans borne. Ils ont, eux aussi, une certaine indépendance, mais parce qu'ils l'ont mal utilisée, parce qu'ils ont transformé leur attitude dévotieuse en désir de jouissance matérielle, ils sont tombés sous l'empire de la concupiscence. Le monde matériel a été créé par le Seigneur pour permettre aux âmes conditionnées de satisfaire leurs désirs lubriques, et après une suite interminable d'efforts vains et frustrants, l'homme commence à s'interroger sur sa nature véritable. Lisons le début du Vedanta-sutra:
"L'on doit s'enquérir de la Vérité Absolue."
Et le Srimad-Bhagavatam décrit en ces termes la Vérité Absolue:
"La Vérité Absolue, le Brahman Suprême, est l'origine de toutes choses."
La source de la convoitise est donc également l'Absolu. Et si la convoitise est métamorphosée en amour pour l'Etre Suprême, c'est-à-dire en conscience de Krsna, qui consiste à tout désirer pour Lui, cette convoitise, de même que la colère, seront spiritualisées. Hanuman, par exemple, le grand serviteur de Rama, l'avatara, tourna sa colère contre ses ennemis afin de plaire au Seigneur. Par conséquent, la convoitise et la colère, lorsqu'elles sont utilisées au service de Krsna, d'ennemies se changent en amies.
yathadarso malena ca
yatholbenavrto garbhas
tatha tenedam avrtam
De même que la fumée masque le feu, de même que la poussière recouvre le miroir et que la matrice enveloppe l'embryon, divers degrés de concupiscence recouvrent l'être.
Trois degrés d'obscurcissement peuvent voiler la conscience pure de l'être, et cet obscurcissement n'est autre que la concupiscence sous ses diverses formes, parfois comparée à la fumée qui masque le feu, à la poussière qui recouvre le miroir, ou encore à la matrice qui enveloppe l'embryon. Si l'on compare la concupiscence à de la fumée, c'est pour indiquer que le feu de l'étincelle spirituelle demeure légèrement perceptible, que l'être manifeste encore, bien que de façon atténuée, sa conscience de Krsna, et il est alors comparé au feu que voile la fumée. Il n'y a pas de fumée sans feu, bien qu'au départ, le feu soit parfois invisible: il en est de même au début du développement de la conscience de Krsna. La poussière sur le miroir rappelle que le miroir du mental doit être purifié par des pratiques spirituelles, la meilleure étant le chant des Saints Noms du Seigneur. Et l'embryon qu'enveloppe la matrice illustre une condition désespérée, car l'enfant dans le sein de sa mère est si impuissant qu'il ne peut pas même bouger. Cette étape de l'existence peut être comparée à la vie de l'arbre. L'arbre est aussi un être vivant, mais celui-ci a fait montre d'une telle convoitise qu'il a revêtu un corps presque entièrement dépourvu de conscience. L'exemple du miroir que recouvre la poussière s'applique aux oiseaux et aux animaux, celui du feu et de la fumée à l'être humain. La forme humaine offre à l'être une occasion de développer sa conscience de Krsna; qu'il en profite, et la forme humaine aura servi à rallumer en lui le feu de la vie spirituelle. En manipulant soigneusement la fumée, on peut transformer le feu en brasier. La forme humaine constitue donc une occasion pour l'être de se libérer des chaînes de l'existence matérielle. Elle est la seule qui lui permette de vaincre son ennemi, la concupiscence, en lui fournissant la possibilité de développer la conscience de Krsna, sous la direction d'un maître spirituel authentique.
jnanino nitya-vairina
kama-rupena kaunteya
duspurenanalena ca
Ainsi, ô fils de Kunti, la conscience pure de l'être est voilée par son ennemi éternel, la concupiscence, insatiable et brillante comme le feu.
Il est dit dans la Manu-smrti que la concupiscence ne peut jamais être assouvie par la recherche de nouveaux plaisirs matériels, tout comme il est impossible d'éteindre un incendie en l'arrosant constamment d'essence. Le centre de toutes les activités matérielles est la vie sexuelle; c'est pourquoi le monde matériel est appelé maithunya-agara, "les chaînes de la vie sexuelle". Les criminels, dans la société, sont jetés en prison et gardés derrière les barreaux; de même, ceux qui enfreignent les lois du Seigneur subissent les chaînes de la vie sexuelle. Le progrès des civilisations matérialistes est fondé sur le plaisir des sens; il implique, pour l'être, un prolongement de l'existence matérielle. La concupiscence symbolise donc l'ignorance qui garde l'être prisonnier du monde matériel. En procurant des plaisirs à ses sens, on peut éprouver une certaine forme de satisfaction, mais ce faux sentiment de bonheur est en fin de compte l'ennemi ultime de celui qui en fait l'expérience
asyadhisthanam ucyate
etair vimohayaty esa
jnanam avrtya dehinam
C'est dans les sens, le mental et l'intelligence qu'elle se loge, cette concupiscence qui égare l'être en étouffant son savoir véritable.
L'ennemi occupe divers points stratégiques du corps de l'âme conditionnée, et Krsna nous les indique pour que celui qui veut vaincre l'ennemi sache où le trouver. Le mental est le centre d'activité des sens où reposent toutes les idées de jouissance matérielle; lui et les sens deviennent donc les premiers sièges de la concupiscence. L'intelligence, quant à elle, devient la métropole de ces tendances de convoitise. Et comme elle voisine l'âme, une fois rongée par la concupiscence, elle l'incitera à développer un faux ego et à s'identifier à la matière, donc au mental et aux sens. L'âme, progressivement accoutumée à jouir de ses sens matériels, en vient à croire que là est le vrai bonheur. Le Srimad-Bhagavatam développe cette méprise de l'âme sur son identité réelle:
"L'homme qui croit être les trois éléments de son corps, qui en considère les fruits comme les membres de sa famille, qui fait de sa terre natale un objet de culte, et qui ne se rend aux lieux saints que pour s'y baigner plutôt que de chercher à y connaître ceux qui possèdent le savoir spirituel, celui-là ne vaut certes pas mieux qu'un âne ou une vache."
VERSET 41
tasmat tvam indriyany adau
niyamya bharatarsabha
papmanam prajahi hy enam
jnana-vijnana-nasanam
TRADUCTIONAussi, ô Arjuna, commence par enrayer le fléau de la concupiscence, source même du péché, en réglant tes sens. Ecrase, ô meilleur des Bharatas, ce dévastateur de la connaissance et de la réalisation spirituelle.
TENEUR ET PORTEELe Seigneur conseille à Arjuna de commencer par maîtriser ses sens, afin de pouvoir vaincre le plus grand ennemi, le plus grand pécheur, la concupiscence, qui anéantit le désir de réalisation spirituelle et détruit la connaissance du vrai moi. Le mot jnana s'applique à la connaissance du moi véritable, l'âme spirituelle, différente du faux moi, le corps matériel. Quant au mot vijnana, il désigne la connaissance de l'âme spirituelle dans sa nature et dans sa relation éternelle avec l'Ame Suprême. Le Srimad-Bhagavatam nous dit:"La connaissance de l'âme et de l'Ame Suprême est très secrète et mystérieuse, car voilée par maya; mais il est possible de percer ce savoir, avec la réalisation qu'il implique, si le Seigneur Lui même nous l'explique."La Bhagavad-gita nous livre cette connaissance du moi spirituel. Les êtres vivants sont des parties intégrantes du Seigneur, et leur unique fonction est donc de Le servir. Cet état de conscience est précisément la conscience de Krsna, qu'il faut développer dès le début de sa vie, pour en atteindre la plénitude et la mettre en action.La concupiscence n'est qu'un reflet dénaturé de l'amour que tous les êtres portent à Dieu. Mais si dès le début de son existence, l'homme est élevé dans la conscience de Krsna, son amour naturel pour le Seigneur ne pourra dégénérer en concupiscence. Quand l'amour de Dieu dégénère ainsi, certes, il devient très difficile de recouvrer sa condition naturelle. Néanmoins, la conscience de Krsna est si puissante, que même celui qui l'adopte tardivement peut raviver son amour pour Dieu, en observant les principes régulateurs du service de dévotion. On peut donc, à n'importe quel moment de son existence, ou dès que l'on en saisit l'importance et l'urgence, commencer à maîtriser ses sens en développant la conscience de Krsna, en servant le Seigneur avec amour et dévotion, pour ainsi transformer la concupiscence en amour de Dieu: telle est la perfection de la vie humaine.
VERSET 42
indriyani parany ahur
indriyebhyah param manah
manasas tu para buddhir
yo buddheh paratas tu sah
TRADUCTIONLes sens prévalent sur la matière inerte, mais supérieur aux sens est le mental, et l'intelligence surpasse le mental. Encore plus élevée que l'intelligence, cependant, est l'âme.
TENEUR ET PORTEELes sens sont les divers champs d'action de la concupiscence. Celle-ci, accumulée dans le corps, s'échappe par l'exercice des sens. Les sens sont donc supérieurs au corps, considéré comme un tout. Or, lorsqu'on développe une conscience supérieure, la conscience de Krsna, ils cessent d'agir comme des "soupapes". En effet, l'âme consciente de Krsna est en union directe avec la Personne Suprême, l'Ame Suprême, vers qui se portent désormais toutes ses activités corporelles. Il faut entendre, par "activités corporelles", les activités des sens; si l'on y met fin, le corps perd alors toute fonction active. Mais même si le corps est inerte, le mental*, toujours actif, continuera de fonctionner, comme cela se produit au cours d'un songe. Et au delà du mental se trouve l'intelligence* déterminante; puis au-delà même de l'intelligence, se trouve l'âme proprement dite. Et si l'âme entre en communion directe avec l'Absolu, l'intelligence, le mental et les sens, qui lui sont subordonnés, le seront également. Un passage de la Katha Upanisad explique que les objets des sens sont plus forts que les sens, mais que le mental est plus fort encore que les objets des sens. Par conséquent, si l'on engage constamment le mental au service sublime du Seigneur, les sens ne pourront emprunter d'autre voie, et lui-même, nous l'avons vu, ne risquera plus de succomber à de basses tendances. La Katha Upanisad qualifie l'âme de mahan, "imposante", car elle domine les objets des sens, les sens, le mental et l'intelligence. L'essentiel est donc de saisir la nature véritable de l'âme.
L'on doit utiliser l'intelligence pour comprendre la condition originelle, naturelle et éternelle de l'âme, et toujours engager son mental au service de Krsna. En agissant ainsi, on résout tous les problèmes. Il est généralement recommandé aux néophytes d'éviter tout contact avec les objets des sens, de renforcer le mental au moyen de l'intelligence. Si l'intelligence est utilisée pour mettre le mental au service de Krsna, pour l'abandonner totalement à la Personne Suprême, celui-ci deviendra plus fort, et bien que les sens soient aussi dangereux que des serpents, ils seront réduits à l'impuissance, privés de leur venin. Il est vrai que l'âme domine l'intelligence, le mental et les sens; cependant, à moins qu'on se fortifie au contact de Krsna, dans la conscience de Krsna, il existe toujours un danger de chute, car le mental est très turbulent.
VERSET 43
evam buddheh param buddhva
samstabhyatmanam atmana
jahi satrum maha-baho
kama-rupam durasadam
TRADUCTIONTe sachant ainsi au-delà des sens, du mental et de l'intelligence matériels, maîtrise ta nature inférieure par le savoir spirituel, ô Arjuna aux-bras-puissants, et conquiers cet ennemi insatiable, la concupiscence.
TENEUR ET PORTEECe chapitre de la Bhagavad-gita nous oriente de façon concluante vers la conscience de Krsna, en nous apprenant que nous sommes les serviteurs éternels de la Personne Suprême; il ne nous oriente pas vers quelque vide impersonnel. Au cours de l'existence matérielle, l'on est certes porté à la concupiscence et au désir de maîtriser les richesses de la nature, et ces désirs de domination et de jouissance matérielle sont les plus grands ennemis de l'âme conditionnée. Mais forts de la conscience de Krsna, il est possible de maîtriser nos sens, notre mental et notre intelligence matériels. Il ne faut, pas abandonner son devoir et cesser brusquement d'agir, mais atteindre, en engageant fermement l'intelligence à la recherche de notre nature véritable, en développant progressivement la conscience de Krsna, un lieu spirituel où l'on ne sera plus influencé par les sens et le mental matériels. Tel est l'enseignement de ce chapitre. Tant que l'homme reste plongé dans l'existence matérielle, la spéculation philosophique et la maîtrise forcée des sens par la soi-disant pratique de postures de yoga ne peuvent en rien servir à son évolution spirituelle. Il doit, par une intelligence supérieure, cultiver en lui la conscience de Krsna.
Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le troisième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé., "Le karma-yoga", ou "L'accomplissement de son devoir dans la conscience de Krsna.