Le service de dévotion
evam satata-yukta ye
bhaktas tvam paryupasate
ye capy aksharam avyaktam
tesham ke yoga-vittamah
Arjuna dit:
De celui qui ainsi T'adore, par le service de dévotion, et de celui qui voue son culte au Brahman impersonnel, au non-manifesté: lequel des deux est le plus parfait?
Sri Krsna, Dieu, la Personne Suprême, a donc maintenant expliqué Ses aspects personnel, impersonnel et universel, et, parallèlement, décrit les diverses catégories de bhaktas et de yogis. On peut, d'une façon générale, diviser les spiritualistes en deux groupes: les personnalistes et les impersonnalistes. Les premiers emploient toute leur énergie au service du Seigneur Suprême, tandis que les seconds ne s'y engagent pas directement, mais adoptent la méditation sur le Brahman impersonnel, sur le non-manifesté. Or, ce chapitre nous révélera que de toutes les voies menant à la réalisation de la Vérité Absolue, le bhakti-yoga, ou service de dévotion, est la plus haute. Si on aspire vraiment à vivre en la compagnie du Seigneur Suprême, Dieu, c'est le service de dévotion qu'il faut adopter.
Ici, Arjuna demande laquelle des deux voies, personnaliste ou impersonnaliste, est la meilleure, et Krsna lui montre le bhakti-yoga, le service de dévotion offert à Lui, comme la plus haute de toutes les différentes méthodes de réalisation de la Vérité Absolue, comme le moyen le plus direct et le plus facile de vivre auprès de Lui, qui est Dieu en personne.
Le Seigneur expliquait, dans le deuxième chapitre, que l'être est distinct du corps de matière, qu'il est une étincelle spirituelle, partie intégrante de la Vérité Absolue. Dans le septième chapitre, Il reparlait de l'être distinct en tant que partie du Tout suprême, à laquelle il recommandait de porter son entière attention vers ce Tout. Dans le huitième chapitre, Il ajoutait que quiconque pense à Lui à l'instant de la mort atteint aussitôt Sa demeure, dans le monde spirituel. Et, un peu avant, à la fin du sixième chapitre, Krsna affirmait que de tous les yogis, celui qui, en son for intérieur, pense constamment à Sa Personne, est le plus parfait. Au fil des chapitres, nous voyons donc la Bhagavad-gita montrer la même certitude: se vouer à Krsna, la Personne Suprême, Le servir avec dévotion, constitue la plus haute forme de réalisation spirituelle. Il reste pourtant des âmes qui subissent encore l'attrait de la radiance impersonnelle de Krsna (le brahmajyoti), aspect omniprésent et non manifesté de la Vérité Absolue qui dépasse toute perception sensorielle. Et Arjuna aimerait savoir lesquels, parmi ces deux groupes de spiritualistes, possèdent la connaissance la plus parfaite. A travers cette question, il cherche en quelque sorte à clarifier, à affermir sa propre position; lui-même est attaché à la Forme personnelle de Krsna, et n'éprouve aucune attirance pour le Brahman impersonnel. A vrai dire, la manifestation impersonnelle du Seigneur Suprême, que ce soit dans l'univers matériel ou dans le monde spirituel, se prête fort mal à la méditation, dans la mesure où l'on ne peut jamais la concevoir parfaitement. Aussi Arjuna s'interroge-t-il sur la valeur d'une telle méditation: n'est-elle pas une simple perte de temps? Lui-même a déjà compris par son expérience personnelle, nous l'avons vu dans le onzième chapitre, qu'en s'attachant à la Forme personnelle de Krsna, il peut comprendre du même coup toutes Ses autres formes, et cela sans que son amour pour Krsna en soit le moins du monde affecté. La réponse de Krsna à l'importante question que pose ici Arjuna va donc nous permettre de voir clair dans ce débat sur les conceptions personnelle et impersonnelle de la Vérité Absolue.
mayy avesya mano ye mam
nitya-yukta upasate
shraddhaya parayopetas
te me yuktatama matah
Le Seigneur Bienheureux dit:
Celui qui attache sur Ma Forme personnelle son mental, et toujours s'engage dans Mon adoration, plein d'une foi spirituelle ardente, celui-là, Je le tiens pour le plus parfait.
A la question d'Arjuna, Krsna répond clairement que celui qui se concentre sur Sa Forme personnelle et qui L'adore avec foi et dévotion doit être considéré comme ayant atteint la plus haute perfection du yoga. Pour un être possédant à ce degré la conscience de Krsna, il n'est point d'acte matériel, car le véritable auteur de ses œuvres est Krsna. Le pur bhakta est toujours absorbé dans le service du Seigneur, tantôt écoutant Ses gloires, tantôt les lisant ou les chantant, préparant du prasada, lavant Ses plats ou Son temple, achetant diverses choses pour les Lui offrir. Jamais ne passe un instant où il ne voue ses actes à Krsna; chaque action s'accomplit dans le plus parfait état de samadhi.
avyaktam paryupasate
sarvatra-gam acintyam ca
kuta-stham acalam dhruvam
sanniyamyendriya-gramam
sarvatra sama-buddhayah
te prapnuvanti mam eva
sarva-bhuta-hite ratah
Quant à ceux qui tout entiers se vouent au non-manifesté, à l'indéfini, inconcevable, inaccessible aux sens, omniprésent, fixe, immuable [le concept impersonnel de la Vérité Absolue], ceux-là, dont le culte consiste à maîtriser les sens, se montrer égal envers tous et oeuvrer pour le bien universel, certes, ils finissent aussi par M'atteindre.
Ceux qui n'adorent pas directement Dieu, la Personne Suprême, Sri Krsna, mais tentent d'arriver au même résultat par des voies indirectes, eux aussi en définitive, parviendront jusqu'à Lui, qui est le but ultime. En effet, la Bhagavad-gita nous apprend qu'après de nombreuses naissances, lorsqu'il comprend que Vasudeva, Krsna, est tout ce qui est, la cause de toutes les causes, l'homme au vrai savoir cherche refuge en Lui. L'homme qui, après d'innombrables vies, atteint la connaissance parfaite, s'abandonne à Krsna, Dieu, la Personne Suprême. Si on cherche à approcher Dieu grâce à la méthode mentionnée dans le verset qui nous occupe, il faudra maîtriser les sens, se faire le serviteur de chaque être, et veiller au bien-être de tous. Mais ce verset nous amène également à déduire qu'il ne saurait être question de réalisation parfaite à moins d'approcher Krsna. Et avant de s'abandonner entièrement à Krsna, il faut souvent passer d'abord par de nombreuses ascèses.
Pour percevoir l'Ame Suprême au coeur de l'âme individuelle, il faut mettre un terme à toute activité des sens, telle que voir, entendre, goûter, agir... C'est alors qu'on réalise l'omniprésence de l'Ame Suprême. En l'ayant réalisée, on n'éprouve plus d'envie, on ne fait plus de distinction entre les êtres; en eux, on contemple non plus les enveloppes extérieures, mais l'âme seule. Cependant, cette voie de réalisation impersonnelle est extrêmement ardue pour l'homme ordinaire.
avyaktasakta-cetasam
avyakta hi gatir duhkham
dehavadbhir avapyate
Pour eux, cependant, dont le mental se lie au non-manifesté, à l'aspect impersonnel de l'Absolu, le progrès sera fort pénible. Avancer par cette voie est toujours difficile pour l'être incarné.
Le spiritualiste qui se voue à l'aspect impersonnel, inconcevable et non manifesté du Seigneur Suprême, est le jnana-yogi, et celui qui vit tout entier dans la conscience de Krsna, qui sert le Seigneur avec amour et dévotion, est le bhakti-yogi. La différence entre les deux se manifeste ici de façon tranchante: la voie du jnana-yogi, bien qu'elle conduise finalement au même but, est fort épineuse, tandis que la voie du bhakti-yoga (servir directement le Seigneur Suprême) est infiniment plus aisée et naturelle pour l'âme incarnée. L'âme conditionnée est incarnée depuis des temps immémoriaux, et il lui est très difficile de comprendre sur une base purement théorique qu'elle se distingue du corps matériel. Aussi, le bhakti-yogi adore Krsna dans Sa forme arca, celle-ci lui permettant d'appliquer justement la conception corporelle qu'il a de toute personne réelle. Il va sans dire que l'adoration du Seigneur Suprême sous Sa forme de murti n'est pas une pratique idolâtre. Les Ecritures védiques précisent que le culte de Dieu peut être saguna ou nirguna, selon que l'on voit le Seigneur avec ou sans Ses Attributs. L'adoration de la murti est saguna, car le Seigneur y est représenté à l'aide d'éléments matériels. Toutefois, la Forme du Seigneur n'est pas matérielle, même si elle est représentée dans le bois, la pierre ou la peinture à l'huile. Telle est la nature absolue du Seigneur Suprême.
Prenons un exemple, un peu cru, mais fort approprié: une lettre postée dans l'une des boîtes officielles placées à cet effet sur la voie publique parviendra à destination, sans difficulté. Mais il n'en sera pas de même pour une lettre jetée dans une boîte quelconque, ou dans une imitation de boîte à lettres, non reconnue par le bureau des postes. De même, le Seigneur Suprême, Dieu, a Sa représentation autorisée en la murti, ou arca-vigraha, qui est Son incarnation. Or, omniprésent et tout-puissant, Krsna peut, à travers Sa Forme arca, accepter les offrandes de Son dévot, et ainsi faciliter le service que Lui vouent les âmes conditionnées.
Il n'est donc pas difficile, pour un bhakta, d'approcher l'Etre Suprême, immédiatement et directement, alors que ceux qui empruntent la voie de l'impersonnalisme rencontrent maints obstacles. Ils doivent, pour comprendre l'image non manifestée de l'Absolu, étudier les Upanisads et certains autres Ecrits védiques, et donc apprendre la langue sanskrite; mais il leur faut également percevoir l'imperceptible, et enfin, tout ce travail doit être assimilé et réalisé parfaitement, tâche bien ardue pour un homme ordinaire! Le bhakta, lui, engagé dans le service de Krsna, n'a aucun mal à réaliser Dieu, la Personne Suprême, simplement en suivant les instructions d'un maître spirituel authentique, en rendant régulièrement son hommage à la murti, en écoutant les gloires du Seigneur et en faisant honneur aux reliefs de la nourriture qui Lui est offerte. A l'évidence, l'impersonnaliste emprunte inutilement un sentier ardu, d'autant plus qu'il risque de ne jamais parvenir à réaliser la Vérité Absolue, alors que le personnaliste, sans aucun risque, sans peine, sans difficulté, va directement à la Personne Suprême. On trouve, dans le Srimad-Bhagavatam, un passage semblable à notre verset, où l'on apprend que si, au lieu de suivre la voie de la bhakti, au lieu de s'abandonner à Dieu, la Personne Suprême, on épuise sa vie entière à tenter de discerner ce qui est Brahman de ce qui ne l'est pas, on n'y gagne de peines et difficultés. Ce verset conseille donc de ne pas emprunter ce chemin épineux, dont la fin n'est même pas assurée.
L'être vivant est éternellement âme distincte; en cherchant à se fondre dans le Tout absolu, il réalisera peut-être les aspects d'éternité et de connaissance propres à sa nature originelle, mais non pas l'aspect de félicité qui lui est aussi inhérent. Toutefois, ce spiritualiste, versé dans la pratique du jnana-yoga, viendra peut-être un jour, par la grâce d'un bhakta au service de dévotion, au bhakti-yoga. Mais alors, sa longue pratique de l'impersonnalisme lui créera de nouveaux problèmes, dans la mesure où il ne parviendra que difficilement à se défaire de cette fausse conception. Ainsi, le non manifesté ne peut offrir que des difficultés à ceux qui s'y attachent, pendant et même après leur recherche. Chaque être est doté d'une indépendance partielle, et peut donc choisir la voie qui lui convient, mais il faut savoir en toute certitude que la voie du non-manifesté est contraire à l'heureuse nature spirituelle de l'âme et qu'il faut donc éviter de la suivre. La conscience de Krsna, impliquant une absorption totale dans le service de Dieu, offre à tous les êtres la meilleure voie. D'autre part, celui qui ignore le service de dévotion court le risque de dévier vers l'athéisme. Comme l'exprime le présent verset, en tout âge, et plus encore dans le nôtre, la méthode de réalisation qui tourne l'attention vers l'inconcevable, le non-manifesté existant au-delà de toute approche des sens, ne doit jamais être encouragée. Le Seigneur, Sri Krsna, la déconseille.
mayi sannyasya mat-parah
ananyenaiva yogena
mam dhyayanta upasate
tesam aham samuddharta
mrityu-samsara-sagarat
bhavami na cirat partha
mayy avesita-cetasam
Pour qui M'adore, abandonne à Moi tous ses actes et se voue à Moi sans partage, absorbé dans le service de dévotion et méditant constamment sur Moi, pour celui-là, ô fils de Pritha, Je suis le Libérateur qui bientôt l'arrachera à l'océan des morts et des renaissances.
Le Seigneur dit clairement ici qu'Il affranchit très rapidement Ses dévots des liens de l'existence matérielle. Le service de dévotion conduit l'homme à réaliser la grandeur de Dieu, et à savoir que l'âme distincte Lui est subordonnée, qu'elle a le devoir de Le servir, et que sinon, elle devra servir maya. Comme nous l'avons vu, seul le service de dévotion peut nous permettre d'approcher le Seigneur Suprême. Aussi doit-on se vouer entièrement à Krsna, n'agir que pour Lui et absorber pleinement son mental en Lui, pour ainsi retourner à Lui. Peu importe l'activité choisie, mais qu'elle soit dédiée à Krsna et à Lui seul. Telle est la règle du service de dévotion.
Le bhakta ne désire aucun achèvement autre que la satisfaction de Dieu, la Personne Suprême. La mission de sa vie est de plaire à Krsna, et il est prêt à tout sacrifier pour Lui, comme le fait Arjuna sur le champ de bataille de Kuruksetra. La méthode est très simple: se dévouer à Krsna dans son occupation tout en chantant ou en récitant,
hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare
car ce chant spirituel et absolu attire le bhakta vers Dieu.
Le Seigneur Suprême promet ici de sortir sans délai de l'océan de l'existence matérielle le pur bhakta ainsi voué à Son service. Les yogis accomplis peuvent, par le yoga, se rendre sur la planète de leur choix, chose possible également par divers autres moyens. Mais dans le cas du bhakta, il est clairement dit ici qu'il est emmené par le Seigneur Lui-même. Pour lui, donc, nul besoin d'attendre d'être très expérimenté pour aller jusqu'au monde spirituel.
Le Varaha Purana le confirme lorsqu'il enseigne que le bhakta n'a pas besoin de pratiquer l'astanga-yoga pour conduire son âme sur les planètes spirituelles. C'est le Seigneur Suprême qui assume cette responsabilité pour lui, et qui le délivre. De même que l'enfant est en sécurité sous la protection sans défaillance de ses parents, de même, le bhakta n'est tenu de pratiquer aucune autre forme de yoga pour se rendre sur d'autres planètes. Dans Son immense miséricorde, le Seigneur Suprême vient Lui-même, monté sur Garuda, l'oiseau qui Le transporte, et arrache aussitôt Son dévot à l'existence matérielle. Car, même s'il lutte avec acharnement pour sa vie, même s'il est très bon nageur, l'homme perdu au milieu de l'océan ne peut, seul, échapper à la noyade. Mais si on vient le repêcher, il sera alors sauvé sans peine. Ainsi, le Seigneur sauve Son dévot des flots de l'existence matérielle. Et il suffit qu'on pratique la simple méthode de la conscience de Krsna, qu'on s'absorbe pleinement dans le service de dévotion. N'importe quel homme intelligent préférera la voie dévotionnelle à toute autre. Le Narayaniya ajoute d'ailleurs qu'on ne devrait jamais s'adonner aux diverses formes de l'action intéressée ou cultiver la connaissance par la spéculation intellectuelle, car quiconque se voue à la Personne Suprême peut jouir de tous les fruits qu'engendrent les divers yogas, la spéculation intellectuelle, les rites, les sacrifices, les actes de charité, etc. Telle est la bénédiction spéciale que confère le service de dévotion. Grâce au simple chant des Saints Noms de Krsna:
hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare
le bhakta peut arriver, dans la joie et sans difficulté, à la destination suprême, que nulle autre voie spirituelle ne permet d'atteindre.
D'ailleurs, la conclusion de la Bhagavad-gita, dans le dix-huitième chapitre, est sans équivoque: il faut abandonner toute autre voie de réalisation spirituelle, et simplement exécuter le service de dévotion dans la conscience de Krsna; ainsi peut-on atteindre la plus haute perfection de l'existence. Et le bhakta n'a nullement à s'inquiéter des actes coupables commis dans sa vie antérieure, car le Seigneur Suprême le protège même à cet égard. Il est donc inutile de chercher à se libérer, à atteindre la réalisation spirituelle par soi-même. Que chacun prenne refuge auprès du Seigneur Suprême et Omnipotent, Sri Krsna, car telle est la plus haute perfection de l'existence.
mayi buddhim nivesaya
nivasisyasi mayy eva
ata urdhvam na samsayah
Simplement fixe ton mental sur Moi, Dieu, la Personne Suprême, et loge en Moi toute ton intelligence. Ainsi, nul doute, tu vivras toujours en Moi.
Qui sert Krsna avec dévotion vit en relation directe avec Lui; aussi sa position est-elle, en toute certitude, une position spirituelle, dès le tout début de sa pratique. Le bhakta, en effet, ne vit plus sur le plan matériel, il vit en Krsna. Parce que le Saint Nom du Seigneur n'est pas différent du Seigneur Lui-même, Krsna et Sa puissance interne dansent sur la langue du bhakta lorsque celui-ci chante Hare Krsna. Krsna accepte directement la nourriture que Lui offre Son dévot, et le bhakta, en mangeant les reliefs de cette offrande, devient "Krsnaïsé". Mais celui qui n'adopte pas la pratique du service de dévotion ne pourra apprécier la véracité de ce procédé, bien qu'il soit recommandé dans la Bhagavad-gita et dans les autres Ecritures védiques.
na saknosi mayi sthiram
abhyasa-yogena tato
mam icchaptum dhananjaya
Si tu ne peux, ô Mon cher Arjuna, ô conquérant des trésors, attacher sur Moi ton mental sans faillir, observe les principes régulateurs du bhakti-yoga; tu acquerras ainsi le désir de m'atteindre.
Ce verset indique deux aspects du bhakti-yoga. Le premier concerne ceux qui, par un amour tout spirituel, ont déjà développé un attachement pour Krsna, la Personne Suprême; le second est destiné à ceux qui n'ont pas encore développé cet amour et cet attachement. Ils pourront alors suivre certaines règles, obéir à certaines restrictions qui les amèneront finalement à s'attacher à Krsna.
Le bhakti-yoga consiste en la purification des sens. Leur emploi présent dans l'existence conditionnée, à des fins de plaisirs matériels, rend nos sens impurs. Mais le bhakti-yoga les purifie, grâce à quoi ils entrent directement en contact avec le Seigneur Suprême. Dans l'existence matérielle, les hommes servent un maître non par amour, mais dans un but intéressé, le plus souvent pour de l'argent. Le maître, lui non plus, n'éprouve nul amour pour son subordonné; il utilise seulement ses services et le paie en retour. Il n'est pas question d'amour. Dans la vie spirituelle, au contraire, on doit s'élever jusqu'à l'amour pur; et on peut le faire grâce à la pratique du service de dévotion, accompli avec les sens dont on est à présent doté.
L'amour de Dieu est assoupi dans le coeur de chacun. Il se manifeste aujourd'hui sous diverses formes, mais toujours contaminé par la matière. Cette conscience matérielle doit être purifiée, et cet amour naturel tiré de son sommeil. Telle est la voie du bhakti-yoga.
La pratique du bhakti-yoga consiste à suivre, sous la conduite d'un maître spirituel éprouvé, certains principes régulateurs, tels que: se lever de bonne heure le matin et se baigner aussitôt, puis entrer dans le temple pour y offrir des prières au Seigneur et chanter Hare Krsna, cueillir des fleurs et les offrir au Seigneur, à la murti, cuisiner pour Lui les mets délicats et les Lui offrir, en honorer les reliefs (prasada), etc. Il faut aussi écouter sans cesse, des lèvres des purs bhaktas, le message de la Bhagavad-gita et du Srimad-Bhagavatam. Infailliblement, les pratiques accomplies conformément aux principes régulateurs du bhakti-yoga, sous la conduite d'un maître spirituel, aideront tout homme à connaître l'amour de Dieu, et lui assureront d'atteindre Son royaume spirituel
mat-karma-paramo bhava
mad-artham api karmani
kurvan siddhim avapsyasi
Si toutefois tu ne peux te soumettre aux principes régulateurs du bhakti-yoga, alors essaie de Me consacrer tes oeuvres, car en agissant pour Moi, tu atteindras l'état parfait.
Celui qui ne parvient pas même à observer les principes régulateurs du bhakti-yoga sous la conduite d'un maître spirituel, peut toujours être conduit à la perfection, s'il travaille pour le Seigneur. Nous avons déjà vu, dans le cinquante-cinquième verset du onzième chapitre, comment agir dans cette voie: il faut favoriser la propagation de la conscience de Krsna. De nombreux bhaktas sont déjà engagés dans cette œuvre, mais ils ont besoin d'aide. C'est pourquoi même si elle ne peut directement observer les principes régulateurs du bhakti-yoga, chaque personne peut apporter sa participation à cette tâche. Toute entreprise requiert du terrain, des locaux, des capitaux, de la main-d'œuvre, une organisation... que ce soit au service du matérialisme ou au service de Krsna. La seule différence vient de ce que le matérialiste travaille pour le plaisir de ses sens, tandis que le même acte, accompli par le bhakta pour la satisfaction de Krsna, est purement spirituel. Celui qui possède de l'argent pourra aider à l'érection d'un temple ou d'un centre pour la conscience de Krsna, ou bien encore contribuer à la publication d'ouvrages de spiritualité védique. Les domaines d'activité dans la conscience de Krsna sont multiples, et il faut s'y intéresser, y participer. L'homme qui ne parvient pas à sacrifier le fruit de ses actes pourra au moins en sacrifier une partie à la propagation de la conscience de Krsna. Ce service volontaire à la cause de la conscience de Krsna l'aidera à développer son amour pour Dieu, par quoi il atteindra la perfection.
kartum mad-yogam asritah
sarva-karma-phala-tyagam
tatah kuru yatatmavan
Et si tu ne peux même agir dans cette conscience, alors efforce-toi de renoncer à tout fruit de tes actes, et en l'âme d'établir ta conscience.
Il se peut que, pour des raisons sociales, familiales, religieuses ou autres, un homme soit dans l'impossibilité même de montrer quelque sympathie à l'égard des activités de la conscience de Krsna. Sa famille peut faire obstacle à une adhésion directe, ou bien encore toutes sortes de difficultés peuvent surgir dès qu'il s'attache aux activités de la conscience de Krsna. Si tel est le cas, il lui est conseillé de sacrifier à quelque bonne cause les fruits qu'il a amassés par son travail. Les règles védiques prescrivent à cet effet certains sacrifices, certaines œuvres particulières (pumundis), auxquels il pourra consacrer les acquisitions résultant de ses actes. Il s'élèvera alors graduellement à la connaissance. Certains encore, sans même éprouver le moindre intérêt pour la conscience de Krsna, donnent de l'argent à un hôpital, ou semblable institution de bienfaisance, et ce genre d'activité est également recommandé ici, car renoncer aux fruits durement acquis de son labeur purifie graduellement le mental, et rend ainsi l'homme apte à comprendre la conscience de Krsna. Il ne faudrait pas, toutefois, en déduire que la conscience de Krsna puisse se situer dans un état de dépendance par rapport à d'autres pratiques. A elle seule, la conscience de Krsna suffit pour purifier le mental. Mais il est conseillé d'agir ainsi, de faire don du fruit de son labeur à celui qui, pour une raison ou pour une autre, est empêché de se vouer entièrement à la conscience de Krsna. Car, servir la communauté, la nation, la patrie, etc., peut un jour le conduire au service de dévotion pur. La Bhagavad-gita dit à ce propos: si on décide de sacrifier à la cause suprême, même sans savoir que cette cause suprême est Krsna, on en viendra graduellement, par cette voie sacrificielle, à comprendre qu'effectivement, Krsna est cette cause suprême.
jnanad dhyanam visisyate
dhyanat karma-phala-tyagas
tyagac chantir anantaram
Mais si à cette pratique non plus tu ne peux te plier, cultive alors la connaissance. Supérieure à la connaissance, néanmoins, est la méditation, et supérieur à la méditation, le renoncement aux fruits des actes, car ce renoncement peut conférer, pour le mental, toute paix.
Les versets précédents nous ont montré deux aspects du service de dévotion: la voie de l'attachement total au Seigneur Suprême, par amour pour Lui, et la voie des principes régulateurs. A celui qui se trouve dans l'impossibilité même de suivre ces principes de la conscience de Krsna, il est d'autre part conseillé de cultiver la connaissance, par laquelle il lui sera possible de comprendre sa véritable position. Cette connaissance, en se développant, rendra possible la méditation, et la méditation, en se développant à son tour, permettra graduellement de comprendre la nature de Dieu, la Personne Suprême.
Certaines pratiques conduisent leurs adeptes à se croire l'Absolu, à se prendre pour Dieu; cependant, pour qui ne peut s'engager dans le service de dévotion, même cette forme de méditation est préférable au matérialisme. Et s'il ne peut même méditer ainsi, il lui restera encore l'accomplissement des devoirs prescrits dans les Ecritures védiques pour les brahmanas, les ksatriyas, les vaisyas et les sudras, dont nous trouverons la liste dans un chapitre ultérieur. Mais quelle que soit la méthode adoptée, il faut renoncer au fruit de son labeur, c'est-à-dire employer le résultat de ses actes (karma) au service d'une bonne cause.
On voit donc, en résumé, que deux voies mènent au but suprême, à Dieu: l'une directe et l'autre graduelle. La voie directe est le service de dévotion dans la conscience de Krsna, et la voie indirecte consiste dans le renoncement au fruit de ses actes, tremplin vers l'acquisition de la connaissance, que suivent la méditation, puis la réalisation du Paramatma et, finalement, de Dieu, la Personne Suprême. On peut prendre le sentier direct ou avancer pas à pas, et parce que tous ne sont pas aptes à suivre la première méthode, la seconde est également valable. Cependant, comprenons bien que Krsna ne recommande pas à Arjuna la voie indirecte, car, en effet, celui-ci a déjà atteint l'étape du service d'amour et de dévotion à Dieu. La voie indirecte vaut pour ceux qui n'en sont pas encore là, et doivent s'élever graduellement du renoncement à la connaissance, puis à la méditation et à la réalisation de l'Ame Suprême et du Brahman Suprême. La Bhagavad-gita, quant à elle, souligne la voie directe, et à tous conseille de s'abandonner directement à Dieu, la Personne Suprême, Sri Krsna.
maitrah karuna eva ca
nirmamo nirahankarah
sama-duhkha-sukhah ksami
santustah satatam yogi
yatatma drdha-niscayah
mayy arpita-mano-buddhir
yo mad-bhaktah sa me priyah
Celui, envieux de rien, qui se comporte avec tous en ami bienveillant, qui de rien ne se croit le possesseur, qui du faux ego est affranchi et dans la joie comme dans la peine reste le même, qui, plein de pardon, toujours connaît le contentement, qui avec détermination est engagé dans le service de dévotion, et dont le mental et l'intelligence sont en accord avec Moi, celui-là M'est très cher.
Revenant sur le service de dévotion pur, le Seigneur décrit dans ces deux versets les qualités spirituelles du pur bhakta. Le pur bhakta n'est jamais troublé, quelles que soient les circonstances. Il n'est envieux de personne. Il ne se fait pas l'ennemi de son ennemi. Il pense que l'inimitié à son égard vient de ses propres méfaits dans le passé; aussi préfère-t-il souffrir plutôt que protester. Le Srimad-Bhagavatam enseigne d'ailleurs: dans la détresse ou la difficulté, le bhakta se sent toujours béni par la miséricorde du Seigneur. "Mes péchés sont tels, pense-t-il, que j'aurais dû souffrir mille fois plus. Si je ne reçois pas tout le châtiment qui m'est dû, c'est par la miséricorde du Seigneur Suprême. Par Sa grâce, je n'en subis qu'une portion infime." Aussi est-il toujours calme, serein et patient, même dans les pires circonstances. Le bhakta n'a que bonté à l'égard de tous, et même de son ennemi. Le terme nirmama indique d'autre part que le bhakta n'accorde pas grande importance à l'état de son corps, qu'il soit paisible ou agité, car il se sait parfaitement distinct du corps de matière. Il ne s'identifie pas au corps, et se trouve donc affranchi de tout faux ego, égal dans la joie comme dans la peine. Il est tolérant, et se satisfait de ce qui lui vient par la grâce de Dieu. Comme il n'investit pas de grands efforts en vue d'acquérir des biens, il est toujours joyeux, paisible. Il est le plus parfait des spiritualistes, car il suit rigidement les instructions de son maître spirituel; et parce qu'il domine ses sens, il est plein de détermination. Aucun argument trompeur ne l'ébranle, car nul ne peut affaiblir sa ferme volonté de servir avec dévotion le Seigneur. Sachant en toute conscience que Krsna est le Seigneur éternel, il n'est troublé par personne. Et toutes ces qualités lui permettent à leur tour de s'en remettre entièrement au Seigneur. Une telle élévation dans le service dévotionnel est sans aucun doute très rare, mais tout spiritualiste peut l'atteindre, à condition de suivre les principes régulateurs du bhakti-yoga. En outre, le Seigneur déclare qu'un tel bhakta Lui est très cher, car Il est toujours satisfait de ses actes, accomplis en pleine conscience de Krsna.
lokan nodvijate ca yah
harsamarsa-bhayodvegair
mukto yah sa ca me priyah
Celui qui jamais n'est cause d'agitation pour autrui et que jamais non plus l'agitation ne trouble, que joies et peines n'affectent pas, celui-là M'est très cher.
Ici se poursuit l'énumération des qualités du bhakta. Bon envers tous, il n'est cause de difficulté, de crainte, d'angoisse ou de mécontentement pour personne. Même si d'autres tentent de l'agiter, il n'en est pas troublé, car, par la grâce du Seigneur, il a appris à ne pas succomber aux assauts du monde extérieur. En fait, la conscience de Krsna et le service dévotionnel l'absorbent à tel point qu'aucune circonstance matérielle ne peut vraiment le captiver. En général, le matérialiste exulte à chaque plaisir qui échoit à ses sens, ou bien se ronge de chagrin et de jalousie lorsqu'il voit autrui jouir d'un objet de plaisir sensoriel auquel lui n'a pas accès; il vit dans la peur lorsqu'il s'attend à subir la vengeance d'un ennemi, et devient déprimé s'il ne peut s'acquitter d'une tâche avec succès. Mais le bhakta, lui, transcende toutes ces agitations, et il est, de ce fait, très cher à Krsna.
udasino gata-vyathah
sarvarambha-parityagi
yo mad-bhaktah sa me priyah
Celui qui ne dépend en rien des modes de l'action matérielle, l'être pur, expert en tout, libre de toute anxiété, affranchi de la souffrance, et qui ne recherche point le fruit de ses actes, celui-là, Mon dévot, M'est très cher.
Le bhakta peut accepter l'argent qui lui est offert, mais ne doit pas lutter pour en acquérir. Et lorsque, par la grâce du Seigneur, quelque argent lui vient, il ne s'agite pas. Tout naturellement, le bhakta baigne son corps au moins deux fois par jour et se lève tôt le matin pour reprendre ses activités dévotionnelles, ce qui garantit sa pureté, externe aussi bien qu'interne. Il agit toujours de façon experte, car il connaît pleinement le sens et la portée de toute action, et il est certain de la valeur des Ecritures. Il est libre de tout souci, car il ne prend part à aucun conflit. Egalement libre de toutes distinctions matérielles, il ne connaît pas la douleur, sachant que le corps est un simple objet de désignation matérielle, distinct de lui-même, il ne souffre pas quand le corps souffre. Le pur bhakta n'entreprend jamais rien qui le conduira hors des principes du service de dévotion. Construire un bâtiment, par exemple, requiert de grands efforts, et le bhakta ne se lancera jamais dans une telle entreprise si cela ne favorise pas son progrès dans la conscience de Krsna. Il construira, certes, un temple, et acceptera tous les soucis que cela implique, mais jamais une maison luxueuse pour son utilisation personnelle.
na socati na kanksati
subhasubha-parityagi
bhaktiman yah sa me priyah
Celui qui ne se saisit ni de la joie ni de la peine, qui ne s'afflige ni ne convoite, qui renonce au favorable comme au défavorable, celui-là, Mon dévot, M'est très cher.
Le gain matériel ne réjouit pas le pur bhakta, non plus que la perte ne l'affecte; il n'est pas très anxieux d'avoir un fils ou un disciple, et n'est pas malheureux s'il n'en obtient aucun. Il ne se lamente ni pour la perte de ce qui lui est cher, ni lorsqu'il n'obtient pas ce qu'il désire. Les actes favorables, défavorables, ou même coupables, ne le touchent pas, il les transcende. Pour satisfaire le Seigneur, il est prêt à accepter tous les risques, et rien ne peut faire obstacle à son service de dévotion. Un tel bhakta est très cher au Seigneur.
tatha manapamanayoh
sitosna-sukha-duhkhesu
samah sanga-vivarjitah
tulya-ninda-stutir mauni
santusto yena kenacit
aniketah sthira-matir
bhaktiman me priyo narah
Celui qui envers l'ami ou l'ennemi se montre égal, et le même devant la gloire ou l'opprobre, la chaleur ou le froid, les joies ou les peines, l'éloge ou le blâme, qui toujours est libre de toute souillure, silencieux, satisfait de tout, insouciant du gîte, et qui, établi dans la connaissance, Me sert avec amour et dévotion, celui-là M'est très cher.
Un bhakta ne vit jamais en mauvaise compagnie. Un homme est parfois loué, parfois diffamé, c'est la nature même de la société humaine qui le veut; mais le bhakta se situe toujours au-delà des catégories artificielles que sont la réputation et la diffamation, le bonheur et le malheur. Il est très patient. Il n'a pas d'autre sujet de conversation que Krsna, et pour cette raison, on le dit silencieux; en effet, être silencieux ne signifie pas se taire, mais s'abstenir de prononcer des sottises. On ne doit parler que des choses essentielles, et pour le bhakta, le plus important est le Seigneur Suprême. Le bhakta est heureux quoi qu'il arrive; et, qu'il ait ou non des mets savoureux, il demeure satisfait. Peu lui importe le confort d'un logis: vivre sous un arbre, vivre dans un palais, l'un n'a pas plus d'attrait que l'autre. Il est fermement situé, car sa détermination et sa connaissance sont inébranlables. On trouvera peut-être des répétitions dans cette liste des qualités du bhakta, mais elles ont simplement pour but de souligner qu'il est indispensable d'acquérir toutes ces vertus pour devenir un pur bhakta. Et quiconque n'est pas un dévot du Seigneur ne possède, à vrai dire, aucune qualité. Pour développer ces qualités, le bhakta n'a pas à faire d'effort extérieur à la conscience de Krsna: le service de dévotion l'aide automatiquement à les acquérir.
yathoktam paryupasate
sraddadhana mat-parama
bhaktas te ’tiva me priyah
Celui qui, plein de foi, dans cette impérissable voie du service de dévotion s'engage tout entier, faisant de Moi le but suprême, celui-là M'est infiniment cher.
Ce chapitre dépeint la "religion", la fonction éternelle de l'être, c'est-à-dire le service spirituel et absolu qui mène au Seigneur Suprême. Ce mode d'action est très cher à Krsna, qui reconnaît pour Sien quiconque s'y engage. Arjuna demandait quelle était la meilleure voie, celle de la recherche du Brahman impersonnel ou celle du service personnel offert à la Personne Suprême. Le Seigneur lui répond si explicitement qu'il est impossible de douter que le service de dévotion offert à la Personne Suprême soit la meilleure méthode de réalisation spirituelle. En somme, ce chapitre certifie qu'en l'heureuse compagnie des bhaktas, on développe un attachement pour le pur service de dévotion, d'où l'on accepte un maître spirituel authentique; on commence alors à écouter de ses lèvres l'enseignement spirituel et à chanter les gloires du Seigneur, à observer avec foi, attachement et dévotion, les principes régulateurs du bhakti-yoga; et on se trouve ainsi engagé au service absolu du Seigneur. Tout le chapitre recommande cette voie. Il est donc certain que le service de dévotion est la seule voie conduisant à la réalisation spirituelle parfaite et absolue, à Dieu, la Personne Suprême. La conception impersonnelle de la Vérité Suprême et Absolue, qu'on trouve également décrite dans ce chapitre, ne vaut que jusqu'au moment où l'on se voue à la pleine réalisation spirituelle; en d'autres mots, elle n'est bénéfique qu'aussi longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion d'entrer en contact avec un pur bhakta. Celui qui suit la voie impersonnelle agit sans prétendre au fruit de ses actes, il médite et cultive la connaissance, afin de pouvoir distinguer le spirituel du matériel, activités nécessaires tant que l'on n'est pas en contact avec un pur bhakta. Mais celui qui, par bonheur, trouve en lui, directement, le désir de s'engager dans la conscience de Krsna, dans le service de dévotion pur, n'a pas à franchir une à une les étapes de la réalisation spirituelle. Le service de dévotion, décrit aux chapitres sept à douze de la Bhagavad-gita, sied davantage à l'être distinct. Pour qui l'adopte, en effet, nul besoin de se soucier du maintien de son corps, car par la grâce du Seigneur, tout lui vient naturellement.
Ainsi s'achèvent les enseignements de Bhaktivedanta sur le douzième chapitre de la Srimad-Bhagavad-gita, intitulé: "Le service de dévotion".