SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 9 Les prières de Brahma
en vue de la création.
tavad bhayam dravina-deha-suhrn-nimittam
sokah sprha paribhavo vipulas ca lobhah tavan mamety asad-avagraha arti-mulam yavan na te nghrim abhayam pravrnita lokah
On peut se demander comment un homme préoccupé par ses lourdes responsabilités de chef de famille peut bien garder ses pensées tournées vers le Seigneur, à travers l'écoute de Son Nom, de Ses Gloires, de Ses Attributs ou de tout autre trait de Sa Personne. Chaque homme en ce monde cultive mille pensées sur la façon de subvenir aux besoins de sa famille, de protéger ses richesses, de maintenir un climat de bonne entente avec ses proches et amis, et ainsi de suite. Ainsi vit-on dans la crainte et l'affliction constantes, tout en s'efforçant de maintenir son statu quo. Pour répondre à cette question, les propos de Brahma, que nous rapporte ce verset, s'avèrent très appropriés. Jamais un pur dévot du Seigneur ne se croit le possesseur de sa demeure. Pour toutes choses, il s'en remet à l'autorité suprême du Seigneur: ainsi ne connaît-il aucune crainte quant à l'entretien de sa famille ou à la protection des intérêts de celle-ci. Et en raison de son abandon, il ne conçoit plus le moindre attrait pour l'accumulation de richesses. Ou alors, s'il convoite une certaine forme d'opulence, ce sera pour le service du Seigneur, et non pour quelque plaisir d'ordre matériel. En effet, un pur bhakta peut être porté à accumuler des richesses tout autant qu'un homme ordinaire, mais avec la différence que le bhakta n'acquiert d'argent que pour le service absolu qu'il offre au Seigneur, si bien que l'acquisition de richesses ne représente pas pour lui une source de tourment, à l'opposé du matérialiste angoissé. A vrai dire, parce que le pur bhakta voit toutes choses en relation avec le service du Seigneur, les crochets venimeux de l'accumulation des richesses s'en trouvent brisés. Un serpent privé de son venin ne représente pas un bien grand danger; de même, les biens acquis pour la cause du Seigneur perdent leur poison et ne peuvent produire d'effet fatal. Ainsi, jamais un pur bhakta ne s'empêtre dans les affaires bassement matérialistes de ce monde, même s'il y habite tel un homme ordinaire.
daivena te hata-dhiyo bhavatah prasangat
sarvasubhopasamanad vimukhendriya ye kurvanti kama-sukha-lesa-lavaya dina lobhabhibhuta-manaso kusalani sasvat
On peut également se demander pourquoi les gens s'opposent aux pratiques si bénéfiques que sont l'écoute et le chant des Gloires et Divertissements du Seigneur, grâce auxquelles ils pourraient s'affranchir totalement des soucis et des tourments liés à l'existence matérielle. La seule réponse à cette question est que leur infortune vient d'une influence surnaturelle, et qu'elle fait suite à leurs actes coupables accomplis pour le seul plaisir des sens. Cependant, les purs dévots du Seigneur éprouvent de la compassion pour ces âmes infortunées, et dans un esprit missionnaire, ils s'efforcent de les convaincre d'emprunter la voie du service de dévotion. Seule la grâce d'un pur bhakta peut permettre à ces malheureux d'être élevés au niveau du service de dévotion.
ksut-trt-tridhatubhir ima muhur ardyamanah
sitosna-vata-varasair itaretarac ca kamagninacyuta-rusa ca sudurbharena sampasyato mana urukrama sidate me
Un pur dévot du Seigneur, comme Brahma et les autres chaînons de sa filiation spirituelle, éprouvent toujours de la douleur devant les tourments auxquels sont soumises les âmes conditionnées, subissant les assauts des trois formes de souffrance issues du corps et du mental, de la nature matérielle, et de nombre d'autres sources matérielles. Ignorant les mesures à prendre pour échapper à ces difficultés, des hommes en proie à la souffrance s'érigent parfois en chefs de file et leurs partisans infortunés doivent alors connaître des conditions plus pénibles encore. Ils sont comme des aveugles guidés par un des leurs, qui les conduirait vers un abîme. Aussi, à moins que les dévots du Seigneur ne les prennent en pitié et ne leur indiquent la voie juste, leur vie se traduit inévitablement par un échec. Les bhaktas qui, de plein gré, prennent ainsi la responsabilité d'élever les matérialistes sottement lancés à la poursuite du plaisir des sens, sont aussi proches du Seigneur que Brahma.
yavat prthaktvam idam atmana indriyarthamaya-
balam bhagavato jana isa pasyet tavan na samsrtir asau pratisankrameta vyarthapi duhkha-nivaham vahati kriyartha
Le grand problème de l'être distinct prisonnier de l'existence matérielle réside dans son attitude indépendante face à la vie. Il dépend à chaque instant de la loi du Seigneur Suprême, aussi bien à l'état conditionné qu'à l'état libéré, mais par l'influence de l'énergie externe, il se croit indépendant de la suprématie du Seigneur Souverain. Le devoir naturel de l'être distinct consiste à marier ses désirs avec la Volonté suprême, mais tant qu'il s'y refuse, il ne peut que rester enchaîné à la matière. Ainsi que l'enseigne la Bhagavad-gita (II.55), prajahati yada kaman sarvan partha mano-gatan: il doit renoncer à tous les plans que lui dicte son mental. L'être distinct doit donc unir sa volonté à celle de l'Etre Suprême. Voilà qui l'aidera à sortir du labyrinthe de l'existence matérielle.
ahny aprtarta-karana nisi nihsayana
nana-manoratha-dhiya ksana-bhagna-nidrah daivahatartha-racana rsayo pi deva yusmat-prasanga-vimukha iha samsaranti
Ces versets nous expliquent que les hommes dépourvus d'attrait pour le service de dévotion offert au Seigneur s'absorbent en des occupations matérielles. La plupart d'entre eux passent leurs journées à travailler d'arrache-pied, et leurs sens les asservissent à des tâches astreignantes au sein d'entreprises industrielles gigantesques. Les propriétaires de telles usines s'affairent à trouver un marché pour leurs produits, et les ouvriers peinent à accroître la production, enchaînés à d'impressionnantes machines. En vérité, le mot "usine" est synonyme d'enfer. La nuit, ces êtres aux habitudes infernales se tournent vers l'alcool et les femmes dans l'espoir de satisfaire leurs sens fourbus; mais ils ne peuvent même pas dormir en paix, car les nombreux projets que forge leur intellect viennent constamment interrompre leur sommeil. Souffrant d'insomnie, ils manquent de repos, et sont parfois somnolents le matin venu. Sous l'influence de puissances surnaturelles, même les plus grands hommes de science et philosophes du monde voient leurs rêves déjoués, et doivent croupir vie après vie dans l'univers matériel. Peut-être un grand savant a-t-il le pouvoir de pénétrer les mystères de l'atome et d'en utiliser l'énergie en vue d'une destruction rapide du monde -service (ou méfait) pour lequel on lui attribuera sans doute une haute récompense-, mais lui-même devra, en conséquence de ses actes, demeurer prisonnier de la roue des morts et des renaissances successives, selon la loi surnaturelle qui gouverne l'univers matériel. Bref, tous ceux qui s'opposent au principe du service de dévotion sont assurés d'avoir à revenir en ce monde. Ce verset souligne tout particulièrement que même les sages, s'ils s'opposent aux principes du service de dévotion offert au Seigneur, sont condamnés à connaître les conditions de l'existence matérielle. Avant même l'avènement de l'âge où nous vivons, nombreux furent les sages qui cherchèrent à inventer leur propre religion, sans référence aucune au service de dévotion offert au Seigneur Suprême; mais il ne saurait exister de principe religieux hors du service dévotionnel. Le Seigneur Suprême Se trouve à la tête de tous les êtres vivants, et nul ne peut Le surpasser ni même L'égaler. Même les aspects impersonnel et "localisé" du Seigneur ne peuvent être tenus pour égaux avec Sa Personne Souveraine. Aussi, n'y a-t-il aucune religion ou école philosophique qui serve l'évolution des êtres en ce monde, à moins qu'elle ne se fonde sur le principe du service de dévotion. Les impersonnalistes, qui s'astreignent à de pénibles austérités dans l'espoir d'obtenir la libération, atteignent peut-être le brahmajyoti, mais à la fin, comme ils ne sont pas établis dans le service de dévotion, ils glissent à nouveau vers l'univers matériel où les attend une autre période d'incarcération. Ce que vient d'ailleurs confirmer ce verset:
Ainsi, il est impossible d'imaginer une religion véritable qui ferait abstraction du principe de la dévotion au Seigneur. Comme l'enseigne le sixième Chant du Srimad-Bhagavatam, c'est le Seigneur en personne qui, seul, instaure les principes de la religion. La Bhagavad-gita nous montre bien à son tour que le Seigneur rejette toute forme de religion autre que celle qui conduit à l'abandon au Suprême. Et inversement, tout système de pensée qui conduit exclusivement au service de dévotion offert au Seigneur peut être qualifié de religion ou de philosophie véritable. Au sixième Chant du Srimad-Bhagavatam, nous trouvons ces propos de Yamaraja, le deva régissant la destinée des âmes infidèles:
svayambhur naradah sambhuh
dvadasaite vijanimo Les principes de la religion ne sont pas accessibles à n'importe qui. A la base, certaines prescriptions doivent permettre aux hommes ordinaires de s'élever au niveau de la moralité, de la non-violence, etc., car à moins d'acquérir ces qualités, aucune âme égarée ne peut saisir les principes de la spiritualité. A vrai dire, même pour celui qui s'est établi dans la moralité et la non-violence, il demeure bien malaisé de percer le sens réel de la spiritualité. S'il s'agit d'une science aussi secrète, c'est que quiconque acquiert une compréhension juste des véritables principes de la religion se voit aussitôt libéré et atteint à une existence éternelle, toute de connaissance et de félicité. Par suite, un homme qui ne vit pas selon les normes du service de dévotion offert au Seigneur ne devrait jamais se faire passer pour un dirigeant spirituel aux yeux d'un public innocent. L'Isopanisad (XII) interdit formellement cette forme d'abus dans le mantra qui suit:
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |