SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 32 L'enchaînement aux actes
intéressés.
jnana-matram param brahma
paramatmesvarah puman drsy-adibhih prthag bhavair bhagavan eka iyate
Les mots drsy-adibhih doivent ici retenir notre attention. Selon Jiva Gosvami, drsi signifie jnana, ou "la recherche philosophique". Par différentes voies d'approche philosophique répondant à des conceptions différentes, le même Bhagavan, ou Dieu, la Personne Suprême, peut être différemment perçu. Ainsi, le jnana-yoga donne de Le voir comme le Brahman impersonnel, et le yoga en huit phases comme le Paramatma. Toutefois, dans la pure Conscience de Krsna, ou par le savoir dans la pureté, celui qui cherche à connaître la Vérité Absolue la réalise en tant que la Personne Suprême. La transcendance ne se réalise que sur la base du savoir. Les mots utilisés ici (paramatmesvarah puman) sont purement spirituels et absolus et désignent l'Ame Suprême, qu'on qualifie également de purusa. Mais le mot Bhagavan désigne directement Dieu, la Personne Suprême, maître des six perfections que sont la beauté, la richesse, la renommée, la puissance, la sagesse et le renoncement. Il est la Personne Divine apparaissant en différents horizons spirituels. Les diverses descriptions représentées par les mots paramatma, isvara et puman, indiquent que les émanations du Seigneur Souverain sont infinies. En dernière analyse, pour connaître Dieu, la Personne Suprême, il faut emprunter la voie du bhakti-yoga. Les adeptes du jnana-yoga et du dhyana-yoga doivent finalement s'élever au niveau du bhakti-yoga pour pouvoir clairement comprendre ce qu'on entend par paramatma, isvara, puman, et ainsi de suite. Le deuxième Chant du Srimad-Bhagavatam stipule que tout être -qu'il soit attaché aux fruits de ses actes, qu'il recherche la libération ou qu'il soit un bhakta-, s'il est intelligent, doit pratiquer le service de dévotion avec le plus grand sérieux. Il est également expliqué que tout ce qu'on peut désirer obtenir par l'action intéressée, fût-ce d'être élevé aux planètes supérieures, peut être obtenu par la simple exécution du service de dévotion. En effet, le Seigneur Suprême, possédant dans leur plénitude les six perfections, peut accorder l'une ou l'autre d'entre elles à celui qui L'adore. L'unique Seigneur Souverain Se révèle à différents penseurs soit comme la Personne Suprême, soit comme le Brahman impersonnel soit comme le Paramatma. Les impersonnalistes se fondent dans le Brahman impersonnel, mais ils n'atteignent pas ce but en adorant cette manifestation impersonnelle. Ce n'est que si l'on pratique le service de dévotion animé du désir de se fondre dans l'existence du Seigneur Suprême qu'on peut obtenir ce résultat. Ainsi, quiconque désire se fondre dans l'existence de l'Absolu doit pratiquer le service de dévotion. Le bhakta peut directement contempler la Forme personnelle du Seigneur Suprême, ce que ne peuvent le jnani, le philosophe empirique, ni le yogi. Ceux-là ne peuvent être élevés au rang des compagnons du Seigneur. Il n'est dit nulle part dans les Ecritures qu'en cultivant le savoir ou qu'en adorant le Brahman impersonnel on puisse devenir un compagnon personnel du Seigneur Souverain. Et les différentes pratiques yogiques ne le permettent pas non plus. Le Brahman impersonnel, sans forme, est qualifié d'adrsya, car la radiance impersonnelle du brahmajyoti cache le visage du Seigneur Suprême. Certains yogis peuvent contempler la Forme de Visnu dotée de quatre bras, tel qu'Il Se trouve dans le coeur, mais pour eux aussi le Seigneur Suprême reste invisible. Seuls les bhaktas peuvent Le contempler. Voilà pourquoi les mots drsy-adibhih revêtent dans ce verset une si grande importance. Comme la Personne Souveraine est à la fois visible et invisible, Elle Se manifeste sous différents aspects. Ainsi l'aspect Paramatma et l'aspect Brahman sont-ils invisibles, alors que l'aspect Bhagavan est, lui, visible. Le Visnu Purana explique fort bien cette vérité. La forme universelle du Seigneur et Sa radiance sans forme, le Brahman, puisque invisibles, sont de nature inférieure. Le concept de la forme universelle est matériel, et celui du Brahman impersonnel, quoique spirituel, est inférieur à la connaissance spirituelle la plus haute, liée à la Personne Divine. Le Visnu Purana nous dit, visnur brahma-svarupena svayam eva vyavasthitah: la forme réelle du Brahman est celle de Visnu. Autrement dit, le Brahman Suprême est Visnu; svayam eva, il s'agit là de Son aspect personnel. Le concept spirituel suprême correspond à la Forme personnelle de Dieu. C'est ce que confirme par ailleurs la Bhagavad-gita, yad gatva na nivartante tad dhama paramam mama: une fois que l'on a atteint la demeure suprême (paramam mama), on ne revient pas en ce monde misérable pour y connaître de nouveau l'existence conditionnée. Tout appartient à Visnu -chaque lieu, chaque recoin de la création et toute chose-, mais l'endroit ou Il vit personnellement est tad dhama paramam, Sa demeure suprême. Et c'est cette demeure suprême du Seigneur que nous devons chercher à atteindre.
etavan eva yogena
samagreneha yoginah yujyate bhimato hy artho yad asangas tu krtsnasah
Il existe trois formes de yoga, à savoir le bhakti-yoga, le jnana-yoga et l'astanga-yoga. Bhaktas, jnanis et yogis cherchent tous à sortir de la matière. Les jnanis s'efforcent de détacher leurs sens de toute activité matérielle. Le jnana-yogi croit ainsi que la matière est fictive, par opposition au brahman qui représente la vérité; c'est pourquoi il cherche, en cultivant la connnaissance, à détacher ses sens de tout plaisir matériel. L'astanga-yogi s'efforce également d'avoir la maîtrise de ses sens. Mais le bhakta, lui, cherche à utiliser ses sens dans le service du Seigneur. Il en ressort que les actes du bhakta, du dévot du Seigneur, sont supérieurs à ceux du jnani ou du yogi. Les yogis ne se soucient que de maîtriser leurs sens, à travers les huit phases du yoga -yama, niyama, asana, pranayama, pratyahara, etc.; et les jnanis font appel au raisonnement pour comprendre que le plaisir des sens est illusoire. Mais la méthode la plus directe et la plus accessible consiste à employer les sens au service du Seigneur. Tous les yogas ont pour but de détacher les sens des activités de ce monde. Toutefois leur objectif ultime diffère: les jnanis veulent se fondre dans la radiance du Brahman, les yogis veulent réaliser le Paramatma, et les bhaktas désirent cultiver la Conscience de Krsna et accéder au service d'amour absolu offert au Seigneur. Or, ce service d'amour représente le niveau de maîtrise de soi le plus parfait. Les activités sensorielles sont des symptômes de la vie, et nul ne saurait y mettre un terme. Les sens ne peuvent être détachés de la matière que si on leur donne une occupation supérieure. Comme le confirme la Bhagavad-gita (param drstva nivartate), on peut mettre un terme à la fonction matérielle des sens si on dirige ceux-ci vers une occupation supérieure. Et l'occupation suprême pour les sens consiste à servir le Seigneur. Tel est le but ultime de tous les yogas.
jnanam ekam paracinair
indriyair brahma nirgunam avabhaty artha-rupena bhrantya sabdadi-dharmina
La Vérité Suprême et Absolue, qui n'est autre que la Personne Souveraine, est d'essence unique, mais elle se manifeste en tous lieux à travers Son aspect impersonnel. Krsna l'explique clairement dans la Bhagavad-gita lorsqu'Il dit: "Tout ce qui existe n'est qu'une émanation de Mon énergie". Lui-même représente le soutien de tout ce qui existe, mais cela ne signifie pas qu'Il soit présent en toute chose. Les perceptions sensorielles, comme l'audition du son d'un tambour, ou la vue d'une jolie femme, ou encore la dégustation d'un mets savoureux à base de lait, sont toutes obtenues à travers différents sens, et donc différemment interprétées. Ainsi le savoir reçu des sens se divise-t-il en différentes catégories, bien qu'en vérité tout soit un en tant que manifestation de l'énergie du Seigneur Suprême. Prenons l'exemple du feu: ses énergies sont la chaleur et la lumière, et à travers celles-ci, il peut se manifester sous de multiples aspects, ou en d'autres mots être perçu différemment par les sens. Or, les philosophes mayavadis affirment que cette diversité n'a pas de réalité. Les philosophes vaisnavas, cependant, ne considèrent pas comme fausses les différentes manifestations de l'univers; ils les acceptent comme étant non différentes du Seigneur Suprême du fait qu'elles sont un déploiement de ses diverses énergies. Les philosophes vaisnavas rejettent la théorie selon laquelle l'Absolu est vérité alors que cette création est une simple illusion (brahma satyam jagan mithya). Tout ce qui brille n'est pas or, dit-on, mais on ne peut en conclure que tout objet brillant appartient pour autant au monde de l'imagination. Ainsi, pour prendre un exemple, la coquille de l'huître a des reflets d'or; c'est ainsi que l'oeil le perçoit, mais cette apparence n'est pas la réalité. Pourtant, cela ne signifie nullement que la coquille d'huître soit inexistante en elle-même, ou fausse. Pareillement, le simple fait de voir la Forme de Sri Krsna ne donne pas de saisir Sa nature profonde, mais cela ne signifie pas que Lui-même soit imaginaire, ou faux. La Forme de Krsna doit être perçue telle que la dépeignent les ouvrages de connaissance, parmi lesquels la Brahma-samhita qui enseigne, isvarah paramah krsnah sac-cid-ananda-vigrahah: Krsna, le Seigneur Souverain, possède un Corps spirituel, éternel et plein de félicité. Nos sens imparfaits ne nous permettent pas de comprendre la Forme du Seigneur; nous devons donc recevoir cette connaissance d'une autre source. C'est pourquoi nous trouvons ici les mots jnanam ekam. La Bhagavad-gita confirme à ce propos que seuls les insensés, lorsqu'ils voient Krsna, Le tiennent pour un homme ordinaire. Ils ne savent rien de la connaissance, de la puissance et de l'opulence infinies de Dieu, la Personne Suprême. La spéculation basée sur les sens matériels mène à la conclusion que l'Absolu est sans forme. Et c'est précisément à cause de telles conceptions arbitraires que l'âme conditionnée demeure dans l'ignorance, envoûtée par l'énergie illusoire. Le Seigneur Suprême doit être perçu à travers la vibration sonore spirituelle et absolue qu'il transmet dans la Bhagavad-gita, ou Il déclare que rien n'est supérieur à Lui, que même la radiance du Brahman impersonnel repose sur Sa Personne. On compare la vision absolue et purifiée de la Bhagavad-gita au Gange dont les eaux sont d'une telle pureté qu'elles purifient même les ânes et les vaches. Mais celui qui, négligeant les eaux pures du Gange, tente de se purifier avec l'eau insalubre d'un caniveau, va à un échec certain. De même, on ne peut vraiment accéder à la connaissance pure de l'Absolu qu'en prêtant l'oreille au message de l'Absolu parfaitement pur. Ce verset précise en termes clairs que les êtres opposés à Dieu, la Personne Suprême, élaborent au moyen de leurs sens imparfaits diverses théories sur la nature de la Vérité Absolue. Toutefois, la conception du brahman sans forme ne peut elle-même être perçue que par l'écoute, et non à travers l'expérience personnelle. La connaissance s'acquiert donc par l'écoute. C'est d'ailleurs ce que confirme le Vedanta-sutra, sastra-yonitvat: c'est dans les Ecritures autorisées qu'il faut puiser le savoir pur. Les raisonnements spéculatifs concernant la Vérité Absolue ne peuvent dès lors qu'être infructueux. La conscience représente l'identité réelle de l'être vivant et elle l'accompagne toujours, que ce soit à l'état de veille, à l'état de rêve ou dans le sommeil profond. En effet, même en état de sommeil profond, l'être peut percevoir à travers sa conscience s'il est heureux ou malheureux. Cette conscience, lorsque manifestée à travers le corps matériel, grossier et subtil, reste voilée, mais celui qui la purifie, par la Conscience de Krsna, peut échapper au cycle des morts et des renaissances répétées. Lorsque son pur savoir, dépouillé de toute souillure, est débarrassé du voile des gunas qui le recouvre, l'être distinct retrouve son identité véritable, celle de serviteur éternel de Dieu, la Personne Suprême. Et ce voile disparaît selon le processus suivant: les rayons du soleil sont lumineux, tout comme le soleil lui-même; lorsque le soleil est visible, les rayons brillent eux aussi, mais que ceux-ci soient voilés par un nuage, ou par maya, et surviennent alors les ténèbres, c'est-à-dire une perception imparfaite. Par suite, pour s'arracher au joug de l'ignorance, il faut réveiller sa conscience spirituelle, ou sa conscience de Krsna, à l'aide d'Ecritures faisant autorité en la matière.
yatha mahan aham-rupas
tri-vrt panca-vidhah svarat ekadasa-vidhas tasya vapur andam jagad yatah
On qualifie le Seigneur Suprême de mahat-pada, pour indiquer que l'énergie matérielle globale, du nom de mahat-tattva, repose à ses pieds pareils-au-lotus. Ce mahat-tattva représente l'origine, ou l'énergie globale, de la manifestation cosmique. De lui procèdent les vingt-quatre divisions de la matière, à savoir les onze sens (ce qui inclut le mental), les cinq objets des sens, les cinq éléments matériels grossiers, puis la conscience, l'intelligence et le faux ego. Dieu, la Personne Suprême, Se trouve à la source du mahat-tattva, si bien que, dans un sens, parce que tout émane de Lui, il n'y a pas de différence entre le Seigneur et la manifestation cosmique; mais en même temps, cette différence existe bel et bien. Penchons-nous sur le mot svarat signifiant "indépendant". Le Seigneur Suprême est indépendant, ainsi que l'âme individuelle. Bien que rien ne permette de comparer la nature respective de ces deux indépendances, nous pouvons dire que l'être distinct possède une indépendance infime, et le Seigneur Suprême une indépendance totale. Tout comme l'âme distincte revêt en ce monde un corps matériel constitué de cinq éléments et de sens, le Seigneur à l'indépendance suprême revêt la forme gigantesque de l'univers. Le corps individuel est éphémère, et il en est de même de l'univers entier, que l'on considère comme le corps du Seigneur Suprême; et le corps individuel aussi bien que le corps universel est produit à partir du mahat-tattva. Il faut saisir ces différences avec intelligence. Chacun sait que son corps matériel s'est développé à partir de l'étincelle spirituelle qu'est son âme; de même, le corps universel s'est également developpé à partir de l'étincelle spirituelle suprême, c'est-à-dire l'Ame Suprême. Ainsi, le corps individuel se développe à partir de l'âme individuelle, et la forme gigantesque de l'univers, elle, se développe à partir de l'Ame Suprême. Tout comme l'âme distincte, l'Ame Suprême possède la conscience; mais bien que leur conscience soit de nature similaire, celle de l'âme distincte est limitée, tandis que celle de l'Ame Suprême, elle, est illimitée. La Bhagavad-gita (XIII.3) l'explique, ksetrajnam capi mam viddhi: l'Ame Suprême Se trouve présente à l'intérieur de tous les champs d'activité, au même titre que l'âme distincte habite le corps individuel. Les deux âmes sont conscientes, mais elles se distinguent par le fait que l'âme distincte n'est consciente que d'un corps individuel, tandis que l'Ame Suprême a conscience de tous les corps individuels.
etad vai sraddhaya bhaktya
yogabhyasena nityasah samahitatma nihsango viraktya paripasyati
L'athée pratiquant le yoga des pouvoirs ne peut saisir ce savoir parfait. Seuls les êtres qui se livrent à des activités dévotionnelles en toute conscience de Krsna peuvent atteindre le parfait samadhi. Ceux-là peuvent voir et comprendre la réalité de l'entière manifestation cosmique et de sa source. Il est clair ici que nul ne peut saisir ce savoir s'il n'a atteint le niveau où l'on se voue à l'exercice de la dévotion en toute foi. Notons que les mots samahitatma et samadhi sont synonymes.
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