SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3 CHAPITRE 24 Le renoncement
de Kardama Muni.
sa cavatirnam tri-yugam
ajnaya vibudharsabham vivikta upasangamya pranamya samabhasata
Sri Visnu est appelé tri-yuga; Il apparaît en effet dans trois yugas -Satya, Treta et Dvapara-, mais non dans le kali-yuga. Les prières de Prahlada Maharaja nous permettent toutefois de comprendre qu'Il apparaît également dans le kali-yuga, mais déguisé en bhakta; et ce bhakta, c'est Sri Caitanya. C'est ainsi que Krsna apparut sous les traits d'un bhakta, mais bien qu'Il s'eût jamais dévoilé Son identité, Rupa Gosvami sut Le reconnaître, car le Seigneur ne peut Se cacher d'un pur dévot de Sa Personne. Rupa Gosvami démasqua Sri Caitanya dès la première fois où il Lui offrit son hommage. Il savait que Sri Caitanya était Krsna en personne et Lui offrit son hommage par ces mots: "J'offre mes respects à Krsna, maintenant apparu dans la Forme de Sri Caitanya." Ceci est également confirmé dans les prières de Prahlada Maharaja: dans le kali-yuga, le Seigneur n'apparaît pas directement, mais sous les traits d'un bhakta. Visnu, par suite, est qualifié de tri-yuga. Une autre explication de ces mots, tri-yuga, est qu'Il possède trois paires d'attributs divins, à savoir la puissance et la richesse, la piété et le renom, la sagesse et l'absence de passion. Selon Sridhara Svami, ces trois paires d'attributs sont la richesse et la puissance parfaites, la renommée et la beauté parfaites, la sagesse et le renoncement parfaits. Il existe différentes interprétations de ces mots, mais tous les sages érudits reconnaissent que tri-yuga désigne Visnu. Lorsque Kardama Muni comprit que son fils, Kapila, était Visnu en personne, il voulut Lui offrir son hommage. Ainsi, lorsque Kapila fut seul, il vint Lui offrir ses respects et Lui exprimer sa pensée comme suit.
aho papacyamananam
niraye svair amangalaih kalena bhuyasa nunam prasidantiha devatah
Oh! Voici qu'après si longtemps les devas de cet univers se montrent enfin satisfaits des âmes souffrantes, enchaînées à la matière à cause de leurs propres méfaits.
L'univers matériel est un lieu de souffrances, dues aux seuls méfaits de ses habitants, les êtres conditionnés. Leurs souffrances ne leur sont pas imposées de façon inconsidérée; bien plutôt, ce sont les âmes conditionnées qui, par leurs propres actes, créent leurs propres souffrances. Dans une forêt, un incendie peut se déclarer de lui-même; il n'est pas nécessaire que quelqu'un aille l'allumer; la simple friction de bambous peut suffire à le déclencher. Lorsque le brasier de la forêt matérielle dégage une trop grande chaleur, les devas, y compris Brahma en personne, se tournent dans leur détresse vers le Seigneur Suprême, la Personne Souveraine, et Le prient de les soulager. Alors, Dieu descend en ce monde. En d'autres mots, lorsque les devas sont affligés à la vue des souffrances des âmes conditionnées, ils font appel au Seigneur pour que Celui-ci guérisse leurs maux, et c'est alors qu'Il vient ici-bas. Lorsque le Seigneur descend en ce monde, tous les devas se réjouissent. Aussi Kardama Muni dit-il: "Après tant d'années de souffrances humaines, tous les devas doivent maintenant être satisfaits puisque Kapiladeva, la manifestation du Seigneur Suprême, est apparu."
bahu-janma-vipakvena
samyag-yoga-samadhina drastum yatante yatayah sunyagaresu yat-padam
Certains faits importants sont ici mentionnés à propos du yoga. Les mots bahu-janma-vipakvena signifient "après de très nombreuses renaissances vouées à la parfaite pratique du yoga". Et les mots samyag-yoga-samadhina signifient "par la pratique complète du yoga". La pratique complète du yoga, c'est le bhakti-yoga; à moins d'en venir au stade du bhakti-yoga, ou de l'abandon à Dieu, la Personne Suprême, la pratique du yoga s'avère incomplète. Ce même point se trouve corroboré dans la Srimad-Bhagavad-gita (VII.19), bahunam janmanam ante: après de très nombreuses renaissances, le jnani parvenu à maturité dans le développement du savoir spirituel s'abandonne au Seigneur Suprême. Et Kardama Muni reprend ici cette vérité. Après de très nombreuses années et de très nombreuses existences vouées à la pratique complète du yoga, on peut obtenir de voir les pieds pareils-au-lotus du Seigneur Suprême en un lieu solitaire. Il n'est pas question de devenir parfait instantanément par la simple pratique de quelque posture assise. Il faut pratiquer le yoga pendant longtemps -"pendant de très nombreuses existences"- pour devenir un yogi accompli, et ce, en un lieu retiré. On ne saurait pratiquer le yoga dans une ville ou dans un jardin public, puis déclarer, parce que l'on a dû débourser une certaine somme d'argent, que l'on est maintenant devenu Dieu. Tout cela n'est que sornettes. Les véritables yogis se livrent à leur discipline en un lieu retiré, et après de très nombreuses renaissances ils atteignent au succès, dans la mesure où ils s'abandonnent à Dieu, le Seigneur Souverain. Ainsi, parachève-t-on la pratique du yoga.
sa eva bhagavan adya
helanam na ganayya nah grhesu jato gramyanam yah svanam paksa-posanah
Les bhaktas font preuve d'une telle affection à l'égard du Seigneur Souverain qu'en dépit du fait qu'Il n'apparaît pas toujours à ceux qui pratiquent le yoga en un lieu solitaire, même au cours de nombreuses existences, Il accepte volontiers d'apparaître dans la demeure d'un chef de famille pratiquant le service de dévotion, et ce, même si celui-ci ne pratique pas le yoga physique. En d'autres mots, le service de dévotion offert au Seigneur est si facile d'exécution que même un homme marié peut voir Dieu devenir un membre de sa famille, son fils même, comme Kardama Muni eut l'occasion d'en faire l'expérience. Bien que Kardama Muni fût un yogi, il était également un chef de famille, et pourtant le Seigneur apparut tel son fils en la personne de l'avatara Kapila Muni. Le service de dévotion est un processus de réalisation spirituelle si puissant qu'il surpasse tous les autres. C'est pourquoi le Seigneur affirme qu'Il ne vit ni à Vaikuntha ni dans le coeur du yogi, mais bien là où Ses purs dévots chantent toujours Ses Noms et Le glorifient. On qualifie d'ailleurs le Seigneur Souverain de bhakta-vatsala, et jamais de jnani-vatsala ni de yogi-vatsala. On Le désigne en effet toujours comme bhakta-vatsala, car Il montre davantage d'attention à Ses dévots qu'aux autres spiritualiste. La Bhagavad-gita (XVIII.55) confirme que seul le bhakta peut Le comprendre tel qu'Il est, bhaktya mam abhijanati: "L'on ne peut Me connaître qu'à travers le service de dévotion, et par aucun autre moyen." Et seule cette connaissance est véritable, car même si les jnanis, les théoriciens, peuvent réaliser la radiance du Seigneur, ou l'éclat de Son Corps, et les yogis Sa représentation partielle, le bhakta, lui, non seulement réalise le Seigneur tel qu'Il est, mais peut aussi vivre directement en Sa compagnie.
sviyam vakyam rtam kartum
avatirno si me grhe cikirsur bhagavan jnanam bhaktanam mana-vardhanah
Lorsque le Seigneur apparut devant Kardama Muni après que celui-ci soit parvenu à maturité dans la pratique du yoga, Il lui promit de devenir son fils. Il descendit donc en ce monde en tant que le fils de Kardama Muni afin de remplir cette promesse. Le second objet de Son avènement se trouve exprimé par les mots cikirsur bhagavan jnanam, qui signifient "pour distribuer la connaissance". Aussi est-Il appelé bhaktanam mana-vardhanah, "Celui qui rehausse l'honneur de Ses dévots". En propageant la philosophie du sankhya, Il augmentera la gloire de Ses dévots, ce qui montre bien que cette doctrine n'est pas un assemblage d'arides élucubrations mais qu'elle est synonyme de "bhakti-yoga". Comment l'honneur des bhaktas pourrait-il être accru par le sankhya à moins que ce dernier ne s'applique au service de dévotion? Les bhaktas ne sont pas intéressés par la connaissance spéculative; aussi faut-il comprendre que le sankhya énoncé par Kapila Muni est destiné à établir fermement l'être dans le service de dévotion. Le véritable savoir et la vraie libération consistent à s'abandonner à Dieu, au Seigneur Souverain, et à se vouer à Son service de dévotion.
Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare |