SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 23

La supplique de Devahuti.

VERSET 1

maitreya uvaca
pitrbhyam prasthite sadhvi
patim ingita-kovida
nityam paryacarat pritya
bhavaniva bhavam prabhum

TRADUCTION

Maitreya dit:
Après le départ de ses parents, la chaste Devahuti, qui savait percevoir les désirs de son époux, le servit sans répit avec la plus grande affection, à l'exemple de Bhavani, la compagne de Siva.

TENEUR ET PORTEE

L'exemple particulier de Bhavani est ici riche de sens. Le mot bhavani désigne l'épouse de Bhava, ou Siva. Bhavani, ou Parvati, la fille du roi des Himalayas, choisit pour époux Siva, lequel avait l'apparence d'un simple mendiant. Bien qu'elle-même fût une princesse, elle accepta toutes sortes de tribulations pour vivre en compagnie de Siva, lequel n'avait même pas une maison et vivait assis sous un arbre, passant son temps en méditation. Bien que Bhavani fût la fille d'un très grand roi, elle servait Siva comme si elle n'était qu'une femme ordinaire. De même, Devahuti était la fille d'un empereur, Svayambhuva Manu, mais elle préféra pour époux Kardama Muni à tout autre. Elle le servait avec grand amour et affection, et savait comment le satisfaire. Aussi ce verset la qualifie-t-elle de sadhvi, "d'épouse chaste et fidèle". Son exemple peu commun s'offre comme un modèle de la civilisation védique. Toute femme est en effet censée être une chaste et bonne épouse, à l'exemple de Devahuti ou Bhavani. De nos jours, chez les hindous, on enseigne toujours aux jeunes filles à vénérer Siva dans l'idée d'obtetir un époux comme lui. Siva représente en effet l'époux modèle, non pas du point de vue de la richesse ou des plaisirs des sens, mais parce qu'il est le plus grand de tous les dévots du Seigneur. Vaisnavanam yatha sambhuh: "Sambhu, ou Siva, incarne le parfait vaisnava". En effet, il médite constamment sur Sri Rama, et chante hare rama hare rama rama rama hare hare. De Siva vient une sampradaya vaisnava, qu'on appelle la Visnusvami-sampradaya. Les jeunes filles rendent donc un culte à Siva pour qu'il leur accorde un époux qui soit un aussi bon vaisnava que lui. On n'apprend pas aux jeunes filles à choisir un mari pour sa richesse ou tout autre atout favorable aux plaisirs matériels; au contraire, si une jeune fille a la fortune d'obtenir un époux qui égale Siva en matière de service de dévotion, sa vie devient parfaite. La femme dépend de son mari, et si celui-ci est un vaisnava, elle partagera naturellement en le servant son service de dévotion. Et cet échange de service et d'affection entre époux représente la perfection du mariage.

VERSET 2

visrambhenatma-saucena
gauravena damena ca
susrusaya sauhrdena
vaca madhuraya ca bhoh

TRADUCTION

O Vidura, Devahuti le servit intimement, avec grand respect, amour et maîtrise de soi, et par de douces paroles.

TENEUR ET PORTEE

Deux mots revêtent ici une importance particulière. Devahuti servait son époux de deux façons, visrambhena et gauravena. Il s'agit là de deux attitudes importantes dans le service offert à l'époux ou au Seigneur Suprême. Le mot visrambhena signifie "intimement", et gauravena "avec grand respect". L'époux est un ami très intime; aussi la femme doit-elle le servir comme tel, mais tout en comprenant qu'il occupe une position supérieure à la sienne, en sorte qu'elle doit aussi le respecter à tous égards. La psychologie de l'homme et celle de la femme sont différentes. De par leur constitution physique respective, l'homme désire toujours diriger son épouse, et la femme demeure naturellement inférieure à son époux. C'est donc par instinct naturel que l'homme souhaite assumer une position supérieure à celle de sa femme et ce principe doit être respecté. Même si l'homme a quelque tort, la femme doit tolérer cette situation; ainsi, il n'y aura aucune mésentente entre époux. Comme nous le disions, visrambhena signifie "intimement", mais ce ne doit pas être une familiarité qui engendre le mépris. La tradition védique veut que la femme n'appelle pas son époux par son nom, mais il n'en va pas de même dans la civilisation actuelle. Ainsi les complexes d'infériorité et de supériorité sont-ils reconnus dans la culture hindoue. Puis, damena ca, la femme doit apprendre à se maîtriser même en cas de mésentente. Quant aux mots sauhrdena vaca madhuraya, ils signifient qu'elle doit toujours désirer le bien de son époux et s'adresser à lui par de douces paroles. A l'extérieur, l'homme se trouve confronté à maintes situations irritantes; aussi, au foyer, son épouse doit-elle le traiter avec douceur.

VERSET 3

visrjya kamam dambham ca
dvesam lobham agham madam
apramattodyata nityam
tejiyamsam atosayat

TRADUCTION

Pleine de zèle et de bon sens, abandonnant tout orgueil, concupiscence, envie, avidité, vanité, ainsi que tout acte coupable, elle parvint à satisfaire son époux aux immenses pouvoirs.

TENEUR ET PORTEE

Voici certaines des qualités de la digne épouse d'un homme de valeur. Les qualités spirituelles de Kardama Muni en font en effet un homme de valeur et on qualifie un tel époux de tejiyamsam, ou "très puissant". Même si la femme est l'égale de son mari de par le niveau de sa conscience spirituelle, elle ne doit pas s'en montrer vainement fière. Il arrive parfois que la femme vienne d'une famille riche, comme c'était le cas pour Devahuti, qui était la fille de l'empereur Svayambhuva Manu. Elle aurait pu se montrer très fière de son lignage, mais une telle attitude est inadmissible. Jamais la femme ne doit s'enorgueillir de ses origines. Elle doit toujours se montrer soumise à son époux et abandonner toute vanité. Sitôt qu'elle affiche quelque fierté du fait de son lignage, son orgueil entraîne la mésentente dans le couple, et risque de le détruire. Devahuti avait grand souci d'éviter un tel désastre; aussi est-il dit qu'elle avait abandonné tout orgueil. Devahuti n'était pas non plus infidèle. La plus grande faute pour une femme est de prendre un autre époux ou un amant. Canakya Pandita décrit quatre ennemis au foyer: un père endetté, une mère ayant choisi un autre époux en présence de ses enfants devenus grands, une femme n'agissant pas convenablement avec son mari ou le traitant durement, et un fils insensé. Le père, la mère, l'épouse et les enfants représentent des atouts dans la vie familiale, mais si l'épouse ou la mère accepte un autre homme pour époux en présence de son mari ou de son fils, elle doit, selon la tradition védique, être considérée comme un ennemi. Une épouse chaste et fidèle ne doit pas se rendre coupable d'adultère, car il s'agit là d'une faute des plus graves.

VERSET 4-5

sa vai devarsi-varyas tam
manavim samanuvratam
daivad gariyasah patyur
asasanam mahasisah

kalena bhuyasa ksamam
karsitam vrata-caryaya
prema-gadgadaya vaca
piditah krpayabravit

TRADUCTION

La fille de Manu, tout entière dévouée à son époux, le voyait comme plus magnanime même que la Providence; ainsi espérait-elle de lui de grandes bénédictions. Après l'avoir servi pendant longtemps, elle devint faible et émaciée à cause de ses pratiques religieuses. Voyant sa condition, Kardama, le plus important des sages parmi les devas, fut pris de compassion pour elle et lui adressa la parole d'une voix étranglée par l'amour.

TENEUR ET PORTEE

La femme est censée être du même rang que son époux. Elle doit en outre être disposée à suivre les mêmes principes que lui, ce qui aura pour effet de leur donner à tous deux une existence heureuse. Si l'époux est un dévot du Seigneur et sa femme matérialiste, il ne saurait y avoir de paix au foyer. L'épouse doit prendre en compte les tendances de son mari et être prête à le suivre. Le Mahabharata nous apprend que lorsque Gandhari comprit que son futur époux, Dhrtarastra, était aveugle, elle résolut aussitôt de se rendre elle-même aveugle. C'est ainsi qu'elle se banda les yeux et joua le rôle d'une aveugle. Son raisonnement était que puisque son époux était aveugle, elle devait l'être également, sinon elle deviendrait fière de ses yeux, et aurait tendance à considérer son mari inférieur à elle. Le mot samanuvrata indique qu'il est du devoir d'une femme de se plier à la situation particulière de son mari. Bien entendu, si l'époux a la valeur de Kardama Muni, le meilleur des résultats sera obtenu en le suivant. Mais même s'il n'est pas un dévot du Seigneur de la valeur de Kardama Muni, il est tout de même du devoir de la femme de s'adapter à la mentalité de son mari. Voilà qui remplit de bonheur la vie de couple. Notre verset mentionne également le fait qu'en observant le voeu strict d'une chaste femme, la princesse Devahuti devint très maigre, au point d'attirer sur elle la compassion de son époux. Elle se savait la fille d'un roi illustre, et pourtant elle servait son mari comme une femme ordinaire. Ceci eut pour effet d'affaiblir sa santé et d'amener son époux à faire montre de compassion envers elle et à lui adresser les propos suivants.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare