SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 22

Le mariage de Kardama
Muni et de Devahuti.

VERSET 1

maitreya uvaca
evam aviskrtasesa-
guna-karmodayo munim
savrida iva tam samrad
uparatam uvaca ha

TRADUCTION

Sri Maitreya dit:
Après avoir exalté les nombreuses qualités et prouesses de l'empereur, le sage se tut, et le monarque, poussé par la modestie, s'adressa à lui.

VERSET 2

manur uvaca
brahmasrjat sva-mukhato
yusman atma-paripsaya
chandomayas tapo-vidya-
yoga-yuktan alampatan

TRADUCTION

Manu dit:
Afin de se diffuser à travers le savoir védique, Brahma, le Veda personnifié, vous a créé à partir de son visage, vous les brahmanas, en qui sont pleinement manifestés l'austérité, la connaissance et les pouvoirs surnaturels, et qui répugnez au plaisir des sens.

TENEUR ET PORTEE

Les Vedas ont pour objet de propager la connaissance spirituelle de la Vérité Absolue. Les brahmanas furent créés à partir de la bouche de la Personne Suprême, et leur rôle consiste donc à diffuser la connaissance des Vedas de façon à propager les gloires du Seigneur. Dans la Bhagavad-gita également, Sri Krsna déclare que tous les Vedas visent à la connaissance de Dieu, la Personne Suprême. Ici, il est précisément indiqué que les brahmanas, sont riches en pouvoirs surnaturels et tout à fait opposés à la satisfaction des sens (yoga-yuktan alampatan). En fait, il existe deux formes d'occupation: l'une, propre à l'univers matériel, est la satisfaction des sens; l'autre est l'activité spirituelle, qui consiste à satisfaire le Seigneur en Le glorifiant. On donne à ceux qui se livrent aux plaisirs des sens le nom d'asuras, et à ceux qui répandent les gloires du Seigneur ou qui satisfont Ses sens spirituels, celui de devas. Ce verset précise bien que les brahmanas sont issus du visage de la personnalité cosmique qu'est le virat-purusa. Or, dans le même ordre d'idée, les ksatriyas sont dits venir de Ses bras, les vaisyas de Sa taille, et les sudras de Ses jambes. Les brahmanas, eux, ont pour devoir de cultiver l'austérité, l'érudition et le savoir, et ils rejettent toute forme de satisfaction matérielle.

VERSET 3

tat-tranayasrjac casman
doh-sahasrat sahasra-pat
hrdayam tasya hi brahma
ksatram angam pracaksate

TRADUCTION

Pour la protection des brahmanas, l'Etre Suprême aux mille jambes nous a créés, nous les ksatriyas, de Ses mille bras. Ainsi les brahmanas sont dits représenter Son coeur, et les ksatriyas Ses bras.

TENEUR ET PORTEE

Les ksatriyas ont pour fonction propre de soutenir les brahmanas, car si les brahmanas sont protégés, c'est la tête de la société tout entière qui est sauvegardée. Les brahmanas, en effet, sont dits représenter la tête du corps social; or, si la tête n'est pas atteinte de folie mais demeure saine, tout sera en bon ordre. Une prière décrit le Seigneur comme Celui qui veille tout particulièrement à la protection des brahmanas et des vaches (namo brahmanya-devaya go-brahmana-hitaya ca), puis à celle de tous les autres membres de la société (jagad-hitaya). De par Sa volonté, toute oeuvre de bienfaisance universelle dépend de la protection des vaches et des brahmanas; ainsi peut-on dire que la culture brahmanique et le soin des vaches sont les principes de base de la civilisation. Et toujours selon la volonté suprême du Seigneur, les ksatriyas ont pour fonction première de protéger les brahmanas: go-brahmana-hitaya ca. Dans la société, les brahmanas revêtent une importance comparable à celle du coeur à l'intérieur du corps. Les ksatriyas représentent en quelque sorte l'ensemble du corps; et même si celui-ci est plus grand que le coeur, le coeur se révèle être plus important.

VERSET 4

ato hy anyonyam atmanam
brahma ksatram ca raksatah
raksati smavyayo devah
sa yah sad-asad-atmakah

TRADUCTION

Voilà pourquoi les brahmanas et les ksatriyas se protègent mutuellement tout en veillant sur leur propre personne; et le Seigneur Lui-même, à la fois la cause et l'effet tout en restant immuable, protège les uns à travers les autres.

TENEUR ET PORTEE

L'entière structure sociale des varnas et asramas correspond à un système de coopération destiné à élever tous les êtres jusqu'au plus haut niveau de réalisation spirituelle. Les brahmanas sont destinés à être protégés par les ksatriyas, qui doivent eux-mêmes être éclairés par les brahmanas. Lorsque brahmanas et ksatriyas coopèrent harmonieusement, les autres divisions de la société, qui leur sont subordonnées -les vaisyas, ou marchands, et les sudras, les manuels-, prospèrent tout naturellement. L'entière société védique, dans sa forme élaborée, se fondait donc sur l'importance des ksatriyas et des brahmanas. Le Seigneur représente le véritable protecteur, mais Il reste détaché des préoccupations liées à la protection des êtres. C'est ainsi qu'Il crée les brahmanas pour la protection des ksatriyas, et les ksatriyas pour celle des brahmanas. Dieu reste indépendant de toute activité, d'où le qualificatif de nirvikara, "sans activité", qu'on Lui attribue. Il n'est pas obligé d'agir. Telle est Sa grandeur qu'Il n'accomplit rien par Lui-même, mais agit à travers Ses énergies. Les brahmanas et les ksatriyas, de même d'ailleurs que tout ce que nous voyons, constituent diverses énergies du Seigneur agissant les unes sur les autres.

Bien que les âmes individuelles soient toutes différentes, l'Ame Suprême, ou l'Etre Suprême, est Dieu, la Personne Souveraine. Sur le plan individuel, un être peut se distinguer des autres par certains traits et se livrer à une activité particulière, comme celle d'un brahmana, d'un ksatriya ou d'un vaisya; mais lorsque ces différentes âmes distinctes coopèrent parfaitement entre elles, le Seigneur Souverain, en tant qu'Ame Suprême -le Paramatma, unique pour tous les êtres-, est satisfait et accorde à chacun toute protection. Tel qu'indiqué précédemment, les brahmanas sont issus de la bouche du Seigneur, et les ksatriyas de Ses bras, ou de Son buste. Or, si les membres des différents secteurs de la société, bien qu'apparemment occupés à des activités oeuvrent en toute coopération, le Seigneur est alors satisfait. Tel est le principe sur lequel se fonde l'institution des quatre varnas et des quatre asramas. Si les membres des différents asramas et varnas coopèrent pleinement dans la Conscience de Krsna, la société sera sans nul doute protégée par le Seigneur.

La Bhagavad-gita enseigne que Dieu est le seigneur et maître du corps de tous les êtres. L'âme individuelle règne en maître sur son propre corps, mais le Seigneur déclare clairement: "Mon cher Bharata, tu dois savoir que Je suis également le ksetra-jna". Ces mots, ksetra-jna, désignent celui qui connaît ou qui possède le corps. Ainsi l'âme individuelle est-elle le possesseur de son corps, mais l'Ame Suprême, le Seigneur Souverain, Krsna, est le possesseur du corps de tous les êtres vivants. Lui appartiennent non seulement les corps des hommes, mais également ceux des oiseaux, des animaux et de tous les autres êtres, et non seulement sur cette planète, mais sur toutes les autres également. Il est le possesseur suprême; c'est pourquoi Il n'a pas à Se diviser pour protéger les divers êtres. Il demeure unique et inchangé. Le fait que le soleil apparaisse simultanément au-dessus de la tête de tous les hommes lorsqu'il se rouve au zénith n'implique nullement qu'il s'est divisé pour chacun d'entre eux. Un homme croira que le soleil se trouve uniquement au-dessus de sa tête, quand à cinq mille kilomètres de distance un autre aura la même conviction. Pareillement, le Seigneur Souverain, l'Ame Suprême, est Un, mais Il veille en fait de façon individuelle sur chaque être. Ceci ne signifie nullement que l'Ame Suprême et l'âme distincte soient identiques; elles ne font qu'Un en qualité, en tant qu'âmes spirituelles, mais elles demeurent différentes l'une de l'autre.

VERSET 5

tava sandarsanad eva
cchinna me sarva-samsayah
yat svayam bhagavan pritya
dharmam aha riraksisoh

TRADUCTION

Maintenant que je t'ai rencontré, tous mes doutes sont dissipés. car Ta Grâce a eu la bonté de m'expliquer clairement les devoirs d'un roi désireux de protéger ses sujets.

TENEUR ET PORTEE

Manu décrit ici l'effet produit par la rencontre d'un noble et saint personnage. Sri Caitanya enseigne qu'on doit toujours rechercher la compagnie des personnes saintes, car celui qui parvient à établir une relation harmonieuse avec un tel sage, fût-ce pour un instant, atteint toute perfection. D'une façon ou d'une autre, celui qui rencontre une personne sainte et obtient sa faveur voit sa mission d'homme tout entière couronnée de succès. Notre expérience personnelle nous a confirmé cette assertion de Manu. En effet, nous avons eu la chance de rencontrer Visnupada Sri Srimad Bhaktisiddhanta Sarasvati Gosvami Maharaja, et dès le premier abord, il demanda à notre modeste personne de répandre son message dans les pays d'Occident. Nous n'étions nullement préparé à une telle mission, mais d'une manière ou d'une autre, tel était son désir; aussi, par sa grâce, nous voilà maintenant occupé à exécuter son ordre, et nous avons ainsi obtenu une occupation spirituelle qui nous a sauvé en nous libérant des activités matérielles. De fait, quiconque rencontre un saint personnage tout entier absorbé dans ses devoirs spirituels et obtient sa faveur, voit sa mission d'homme couronnée de succès. Ce qu'il est impossible d'obtenir à travers des milliers d'existences peut être atteint en un instant par celui qui a la fortune de rencontrer un saint homme. C'est pourquoi les Ecritures védiques nous recommandent de toujours rechercher la compagnie des sages et de nous efforcer de briser tout lien avec les hommes du commun, car d'une parole un saint peut nous affranchir de l'esclavage matériel. En effet, du fait de son élévation spirituelle, un saint a le pouvoir de libérer sur-le-champ toute âme conditionnée. Manu reconnaît lui-même que tous ses doutes se trouvent maintenant dissipés parce que Kardama a eu la bonté de lui expliquer les différents devoirs de l'être distinct.


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare