SRIMAD-BHAGAVATAM
CHANT 3
CHAPITRE 15

Description du royaume
de Dieu.

VERSET 21

sri rupini kvanayati caranaravindam
lilambujena hari-sadmani mukta-dosa
samlaksyate sphatika-kudya upeta-hemni
sammarjativa yad-anugrahane nya-yatnah

TRADUCTION

Les dames des planètes Vaikunthas sont aussi belles que la déesse de la fortune. On voit parfois ces beautés transcendantes, qui jouent avec des lotus et portent des bracelets tintant à leurs chevilles, nettoyer les murs de marbre, incrustés par intervalles de bordures d'or, afin d'attirer sur elles la grâce du Seigneur Souverain.

TENEUR ET PORTEE

La Brahma-samhita enseigne que des millions de déesses de la fortune servent sans cesse le Seigneur Suprême, Govinda, en Sa demeure; laksmi-sahasra-sata-sambhrama-sevyamanam. Ces myriades de déesses de la fortune habitant les planètes Vaikunthas ne sont pas exactement les compagnes du Seigneur Souverain, mais plutôt les épouses de Ses dévots; celles-ci s'absorbent également dans le service de Dieu, la Personne Suprême. Notre verset précise qu'à Vaikuntha, les maisons sont en marbre, et la Brahma-samhita nous apprend que le sol des planètes Vaikunthas est fait de pierres philosophales. Il n'est donc guère besoin de nettoyer la pierre à Vaikuntha puisqu'il n'y a pas vraiment de poussière, mais tout de même, désireuses de satisfaire le Seigneur, les dames s'y occupent sans cesse à épousseter les murs de marbre. Et pourquoi donc? Pour la simple raison qu'elles souhaitent de tout leur coeur attirer sur elles la grâce du Seigneur.

Ce verset mentionne également que sur les planètes Vaikunthas, les déesses de la fortune n'ont pas le moindre défaut. En général, la déesse de la fortune ne reste pas en un lieu fixe. Son nom est Cancala, signifiant "celle qui n'est pas stable". C'est ainsi que le plus riche des hommes peut devenir le plus pauvre d'entre les pauvres. Un exemple frappant nous est offert par Ravana. Cet être démoniaque avait enlevé Laksmi, Sitaji, pour l'emmener en son royaume, et au lieu de trouver le bonheur en sa présence, il perdit sa famille et son royaume. Ainsi dit-on de Laksmi dans la maison de Ravana qu'elle est Cancala, ou instable. Les hommes semblables à Ravana désirent jouir de Laksmi seule, sans son époux, Narayana; c'est pourquoi ils deviennent instables au contact de Laksmiji. Les matérialistes voient donc là quelque défaut de la part de cette dernière, mais à Vaikuntha, Laksmiji reste fermement établie dans le service du Seigneur. Bien qu'elle soit la déesse de la fortune, elle ne peut être heureuse sans Sa grâce. La déesse de la fortune requiert elle-même la grâce du Seigneur pour être heureuse, et pourtant, dans l'univers matériel, tous les êtres, jusqu'à Brahma, le plus élevé d'entre eux, recherchent les faveurs de Laksmi pour obtenir le bonheur.

VERSET 22

vapisu vidruma-tatasv amalamrtapsu
presyanvita nija-vane tulasibhir isam
abhyarcati svalakam unnasam iksya vaktram
ucchesitam bhagavatety amatanga yac-chrih

TRADUCTION

Dans leurs propres jardins, au bord d'étangs divins dont les rives sont pavées de corail, les déesses de la fortune adorent le Seigneur en Lui faisant offrande de feuilles de tulasi. En présentant leur offrande au Seigneur, elles peuvent voir dans l'eau l'image réfléchie de leurs ravissants visages au nez relevé, ces visages dont la beauté semble rehaussée par les baisers qu'y a déposés le Seigneur.

TENEUR ET PORTEE

En général, lorsqu'une femme reçoit un baiser de son époux, son visage n'en devient que plus radieux. A Vaikuntha également, la déesse de la fortune, qui possède pourtant une beauté naturelle au-delà de toute imagination, attend que les baisers du Seigneur viennent l'embellir davantage. Des étangs aux eaux purement cristallines reflètent l'image de son ravissant visage tandis qu'elle adore le Seigneur dans son jardin en Lui offrant des feuilles de tulasi.

VERSET 23

yan na vrajanty agha-bhido racananuvadac
chrnvanti ye 'nya-visayah kukatha mati-ghnih
yas tu sruta hata-bhagair nrbhir atta-saras
tams tan ksipanty asaranesu tamahsu hanta

TRADUCTION

Il est regrettable de voir des infortunés discuter de sujets qui ne méritent pas d'être entendus et égarent l'intelligence, au lieu de s'entretenir des descriptions de Vaikuntha. Ceux-là qui délaissent les propos à la gloire de Vaikuntha pour se pencher sur des sujets matériels, sont plongés dans les plus profondes ténèbres de l'ignorance.

TENEUR ET PORTEE

Les plus infortunés de tous les hommes sont les impersonnalistes, incapables d'apprécier la variété absolue du monde spirituel. Ils ont peur de parler de la beauté des planètes Vaikunthas, car ils croient que toute forme de variété appartient à la matière. Ces impersonnalistes croient que le monde spirituel n'est qu'un grand vide, ce qui revient à dire qu'on n'y trouve aucune variété. Notre verset décrit cette mentalité par les mots ku-katha mati-ghnih, désignant une intelligence égarée par des paroles sans valeur. Les philosophies du néant ou qui traitent du caractère impersonnel du monde spirituel sont ici rejetées car elles ont pour effet de troubler l'intelligence. Comment l'impersonnaliste et le nihiliste peuvent-ils contempler l'univers matériel avec toute sa diversité, et penser que le monde spirituel est dénué de variété? Il est dit que l'univers matériel est un reflet dénaturé du monde spirituel; dès lors, à moins que la variété n'existe dans le monde spirituel, comment l'univers matériel pourrait-il manifester une variété même éphémère? Le fait qu'on puisse transcender l'univers de la matière n'implique nullement qu'il n'existe aucune variété sur le plan spirituel.

Le Srimad-Bhagavatam, et ce verset en particulier, établit clairement que les hommes qui s'entretiennent du monde spirituel et des planètes Vaikunthas, et qui s'efforcent d'en comprendre la véritable nature spirituelle, sont des êtres fortunés. La variété existant sur les planètes Vaikunthas est décrite en relation avec les Divertissements spirituels et absolus du Seigneur. Mais plutôt que de chercher à connaître le Royaume et les Activités spirituelles du Seigneur, les gens montrent davantage d'intérêt pour la politique et l'économie. Ils organisent maintes conventions, réunions et discussions destinées à résoudre les problèmes d'un monde où, somme toute, ils ne resteront que quelques années; mais ils ne se montrent nullement intéressés à comprendre la situation spirituelle du monde de Vaikuntha. S'ils sont un tant soit peu fortunés, ils chercheront à retourner à Dieu, en leur demeure originelle; mais à moins de connaître le monde spirituel, ils devront continuer à croupir dans les ténèbres matérielles.

VERSET 24

ye bhyarthitam api ca no nr-gatim prapanna
jnanam ca tattva-visayam saha-dharmam yatra
naradhanam bhagavato vitaranty amusya
sammohita vitataya bata mayaya te

TRADUCTION

Brahma poursuivit:
Mes chers devas, la forme humaine revêt une telle importance que nous-mêmes désirons l'obtenir, car elle seule permet d'atteindre au parfait savoir et à la plus haute vérité spirituelle. Si celui qui a obtenu cette naissance manque à comprendre le Seigneur Suprême et Son royaume, c'est qu'il subit profondément l'influence de l'énergie externe.

TENEUR ET PORTEE

Brahma condamne avec véhémence la condition des hommes qui ne portent aucun intérêt au Seigneur Suprême et à Son royaume absolu, Vaikuntha. Même Brahmaji désire renaître parmi les hommes. Lui et les autres devas possèdent des corps matériels de loin supérieurs à ceux des hommes, et pourtant, tous aspirent à revêtir la forme humaine, car celle-ci est spécialement conçue pour les êtres qui désirent atteindre à la connaissance de l'Absolu et à la perfection spirituelle. Il n'est pas possible de retourner à Dieu en une seule vie, mais celui qui a obtenu une naissance humaine doit au moins comprendre le but de l'existence et entamer la pratique de la Conscience de Krsna. On tient la forme humaine pour une grande bénédiction, car elle représente le vaisseau le plus apte à traverser l'océan de l'ignorance. Le maître spirituel, quant à lui, est comparé à l'habile capitaine de cette nef, et les informations contenues dans les Ecritures sont assimilées aux vents favorables qui la feront voguer par-delà l'océan de l'ignorance. L'être humain qui ne tire pas parti de tous ces avantages commet certes un suicide. C'est pourquoi celui qui ne profite pas de la condition humaine pour s'engager sur la voie de la Conscience de Krsna abandonne son existence à l'influence de l'énergie illusoire. Et Brahma déplore la condition d'un tel homme.

VERSET 25

yac ca vrajanty animisam rsabhanuvrttya
dure yama hy upari nah sprhaniya-silah
bhartur mithah suyasasah kathananuraga-
vaiklavya-baspa-kalaya pulaki-krtangah

TRADUCTION

Ceux dont les traits corporels se transforment sous l'effet de l'extase et qui, à entendre les gloires du Seigneur, respirent lourdement et se couvrent de sueur, ceux-là gagnent le royaume de Dieu, même s'ils négligent la méditation et les autres austérités. Le royaume de Dieu se trouve au-delà de tous les univers matériels, et fait l'objet du désir de Brahma, comme des autres devas.

TENEUR ET PORTEE

Ce verset fait clairement ressortir que le royaume de Dieu se trouve au-delà de tous les univers matériels. De même qu'il existe des centaines de milliers de planètes supérieures à la Terre, il existe une infinité de planètes spirituelles dans le royaume de la transcendance. Brahmaji établit donc ici que le monde spirituel se situe au-delà du séjour des devas. Il n'est possible de pénétrer dans ce royaume du Seigneur Suprême qu'après avoir développé, à un niveau très élevé, toutes les qualités désirables. En effet, toutes les qualités se manifestent dans la personne d'un bhakta. Le dix-huitième chapitre du cinquième Chant du Srimad-Bhagavatam confirme, au verset douze, qu'une personne consciente de Krsna se voit dotée de toutes les qualités propres aux devas. Dans l'univers matériel, les qualités des devas sont très appréciées, tout comme les qualités d'un gentilhomme surpassent, autant que nous pouvons en juger, celles d'un homme d'ignorance ou d'une condition de vie inférieure. Ainsi les qualités des devas vivant sur les planètes supérieures dépassent-elles de loin celles de tout habitant de la Terre.

Brahmaji confirme ici que seules les personnes ayant cultivé les qualités voulues peuvent entrer dans le royaume de Dieu. Le Caitanya-caritamrta dénombre vingt-six qualités chez un bhakta: il fait preuve d'une grande bonté; il ne se querelle avec personne; il accepte la conscience de Krsna comme l'objectif le plus élevé de l'existence; il se montre égal envers tous; nul ne peut lui reprocher le moindre défaut de caractère; il est magnanime, doux et toujours pur, à l'intérieur comme à l'extérieur; il ne prétend rien posséder en ce monde; il est bienveillant à l'égard de tous les êtres; il est paisible et tout entier abandonné à Krsna; il n'a aucun désir matériel à combler; il est humble et soumis, constant, et maîtrise ses activités sensorielles; il ne mange pas plus qu'il n'est nécessaire pour garder son corps en santé; il ne s'attache jamais sottement à quelque identité matérielle; il se montre respectueux envers tous et ne demande aucun respect pour lui-même; il est très grave, très compatissant et très amical; il est poète; il est habile en tout et ne dit pas d'inepties. Dans le même ordre d'idée, le vingt-cinquième chapitre du troisième Chant du Srimad-Bhagavatam décrit au verset vingt-et-un, les qualités d'un sadhu. On y apprend qu'un saint homme, apte à entrer dans le royaume de Dieu, se montre très tolérant et bon envers tous les êtres. Il est impartial, et accorde sa bienveillance aux animaux aussi bien qu'aux hommes. Il ne va pas commettre la bêtise de tuer une "chèvre-Narayana" pour nourrir un "homme-Narayana", ou daridra-narayana... Il fait preuve de gentillesse envers tous les êtres et n'a donc aucun ennemi. Il est aussi très paisible. Ce sont donc là les qualités de ceux qui ont accès au royaume de Dieu. Le Srimad-Bhagavatam (5.5.2) confirme qu'en cultivant ces qualités, l'homme progresse graduellement vers la libération, jusqu'à ce qu'il accède au royaume de Dieu. On trouve dans le même ouvrage(1) que celui qui ne pleure pas ou ne manifeste pas de transformation corporelle après avoir chanté sans offense le mantra Hare Krsna a certes un coeur de pierre, et le Saint Nom de Dieu n'a pas d'effet sur lui. Normalement, différentes transformations corporelles se produisent à la suite de l'extase éprouvée lors du chant sans offense des Saints Noms de Dieu:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

Notons ici qu'il y a dix offenses à éviter lors du chant des Saints Noms. La première consiste à dénigrer les personnes qui consacrent leur vie à la propagation des gloires du Seigneur. La masse des hommes doit être instruite dans la connaissance des gloires de l'Etre Suprême; aussi ne faut-il jamais déprécier les bhaktas qui s'efforcent de prêcher les gloires de Dieu, car il s'agit là de la plus grave d'entre toutes les offenses. Il faut ensuite savoir que le Saint Nom de Visnu est le plus propice et que les Divertissements du Seigneur ne diffèrent en aucune manière de Son Saint Nom. Il est de nombreux insensés pour dire qu'on peut chanter Hare Krsna mais tout aussi bien Kali, Durga ou Siva, et que tous ces noms sont identiques. Mais celui qui croit que les noms et les activités des devas se placent au même niveau que le Saint Nom du Seigneur Suprême ou qui voit dans le Saint Nom de Visnu une simple vibration sonore matérielle, se rend également coupable d'une offense. La troisième offense consiste à considérer le maître spirituel, qui répand les gloires du Seigneur, comme un homme ordinaire. La quatrième offense consiste à considérer les Ecritures védiques, tels les Puranas ou d'autres Ecritures spirituelles révélées, comme des livres de connaissance ordinaires. La cinquième offense consiste à penser que les bhaktas exagèrent l'importance du Saint Nom de Dieu. En vérité, le Seigneur ne diffère pas de Son Nom, et la plus haute réalisation des valeurs spirituelles réside dans le chant du Saint Nom de Dieu, tel qu'il a été prescrit pour l'âge où nous vivons:

hare krsna hare krsna krsna krsna hare hare
hare rama hare rama rama rama hare hare

La sixième offense consiste à donner sa propre interprétation du Saint Nom. La septième offense consiste à commettre des actes coupables en comptant sur la puissance du Saint Nom pour en annuler les conséquences. Il est entendu que l'on peut s'affranchir des suites de toute faute par le simple chant des Saints Noms de Dieu, mais si, fort de cette connaissance, on se croit libre de commettre toutes sortes de péchés, on commet par là une offense. La huitième offense consiste à accorder aux diverses activités spirituelles comme la méditation, l'austérité, la pénitence ou le sacrifice, une valeur égale au chant du mantra Hare Krsna; elles ne peuvent lui être comparées d'aucune manière. La neuvième offense consiste à louer avec insistance l'importance des Saints Noms devant des personnes qui n'y portent aucun intérêt. La dixième offense consiste à entretenir le sentiment erroné d'être le possesseur de biens matériels, ou à accepter le corps comme son être propre, tout en suivant la voie de la réalisation spirituelle.

Lorsqu'on est affranchi de ces dix offenses en chantant le Saint Nom de Dieu, on voit alors apparaître dans le corps différentes manifestations d'extase, regroupées sous le nom de pulakasru. Pulaka signifie "signes de bonheur", et asru, "larmes". Une personne qui a chanté les Saints Noms sans offense doit donc manifester les symptômes du bonheur, et des larmes doivent emplir ses yeux. Notre verset veut ainsi établir que ceux qui manifestent ces signes de bonheur et dont les yeux s'emplissent de larmes au chant des gloires du Seigneur ont qualité pour entrer dans le royaume de Dieu. Le Caitanya-caritamrta (Adi 8.31) ajoute qu'on doit tenir pour coupable d'offenses celui en qui n'apparaissent pas ces signes spirituels, et il suggère un bon remède à ceci: celui qui chante simplement les Saints Noms du Seigneur, Hare Krsna, tout en cherchant refuge en Sri Caitanya, s'affranchit par là de toute offense.

(1) S.B.2.3.24


Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare
Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare