À la satisfaction générale, le vent emporte les nuages vers diverses contrées du globe pour qu'ils y déversent leur eau, tel les rois et les marchands prospères qui, inspirés par les prêtres, distribuent les richesses qu'ils ont accumulées.

Ainsi que nous l'avons déjà expliqué, les représentants des quatre divisions de la société, nommément la classe intellectuelle (les brahmanas), la classe dirigeante (les ksatriyas), la classe marchande (les vaishyas) et la classe ouvrière (les shoudras), ont tous un but commun à atteindre dans la vie : la réalisation spirituelle, ou le développement de l'esprit humain. Les sages brahmanas doivent inspirer les ksatriyas et les vaishyas à accomplir des sacrifices en vue du développement spirituel des masses, c'est-à-dire de la classe ouvrière. Leur coopération mutuelle permettra ainsi l'élévation de la société. Dès que cesse cette coopération entre les quatre groupes sociaux, et que sont négligés les principes fondamentaux de la spiritualité, la société humaine se voit réduite à une simple réplique de la vie animale, fondée sur le seul désir de manger, dormir, se défendre et s'accoupler. C'est le devoir des hommes d'intelligence que d'inciter les membres des communautés plus favorisées, les ksatriyas et les vaishyas, à sacrifier au développement spirituel. Ainsi seulement la tension qui oppose capitalistes et ouvriers pourra-t-elle se relâcher.

En cet âge de Kali, où le moindre désaccord engendre un conflit, voire une émeute, les hommes d'intelligence, les brahmanas, ont le devoir d'inspirer de façon désintéressée les riches à sacrifier à cette cause. On suggère ici aux brahmanas éclairés de ne pas chercher à devenir eux-mêmes des ksatriyas ou des vaishyas, ou à se livrer aux occupations de quelque autre classe que la leur. Ils ne doivent plutôt que guider les autres groupes dans la poursuite de la spiritualité, tout comme le vent qui emporte en tous lieux les nuages afin qu'ils y déversent leur eau. Jamais le vent lui-même n'assume la responsabilité des pluies.

Les sages et les saints qui ont tout sacrifié au service de la spiritualité sont les membres les plus intelligents de la société. Leur devoir consiste à parcourir le monde afin d'inspirer l'humanité à se livrer à des activités spirituelles en sacrifiant paroles, argent, intelligence et vie. Tel doit être le thème central de la vie humaine si l'on désire en faire un succès total. Une société sans inclination pour la spiritualité est comme un brasier où chacun se voit sans fin tourmenté par les trois formes de souffrances matérielles. Or, de même que les nuages déversent leur eau sur un feu de forêt pour l'éteindre, les hommes d'intelligence, qui servent de guides spirituels à la société, noient le brasier de toutes les misères en disséminant le savoir spirituel et en inspirant les bien nantis à aider cette grande cause. Les temples et les lieux de culte, par exemple, sont érigés par les riches, et destinés à l'éducation spirituelle des masses. Les cérémonies qu'on y célèbre quotidiennement ont pour but d'inspirer les gens, et non de les exploiter. Et si, dû à l'âge de Kali, quelques failles menacent aujourd'hui cette institution, il faut les redresser ; car, d'une manière ou d'une autre, elle doit être préservée.