La nuit, lors de la saison des pluies, la Lune semble se déplacer sous l'effet des nuages qui, dans leur mouvement, reflètent sa lumière. C'est ce qu'on appelle une illusion. L'être vivant, l'âme, est à l'origine de toutes les activités du corps matériel. En proie à l'illusion, cependant, elle demeure voilée par ses enveloppes corporelles grossières et subtiles. Camouflée de la sorte, l'âme en vient à s'identifier au corps matériel, et se méprend ainsi sur son identité véritable.

Ce sentiment faussé de son identité véritable, le faux ego, oblige l'âme à considérer son enveloppe charnelle comme son être propre, les rejetons de son corps comme ses enfants, et son pays natal comme un objet de vénération. Le nationalisme n'est ainsi qu'une autre facette de l'ignorance qui accable l'âme ; c'est en effet par ignorance que celle-ci s'identifie à sa patrie et agit sous la méprise du nationalisme. En réalité, cependant, l'âme n'appartient à aucune nation ni à aucune espèce vivante. Elle n'a rien de commun avec le corps, pas plus que la Lune n'a de lien avec les mouvements des nuages.

Une grande distance sépare les nuages de la Lune, qui jamais ne dévie de son orbite, même lorsqu'elle semble se déplacer sous l'effet d'une illusion d'optique. À son image, l'être vivant ne doit pas se laisser emporter par une identification trompeuse à son corps temporaire. Il doit au contraire se savoir à jamais au-delà de cette identité physique. Telle est la voie de la connaissance, dont la perfection établit l'être sur l'orbite des activités spirituelles.

Par nature, la force vitale, spirituelle, est toujours active. Sous l'influence de l'illusion, ses activités sont faussement axées sur le corps, mais à l'état libéré, au niveau du parfait savoir, elles s'accomplissent entièrement sous le signe de la dévotion spirituelle. De fait, la libération n'est pas synonyme d'inaction. Elle consiste plutôt à se purifier de toute activité illusoire et à transcender les liens qui nous rattachent aux corps grossier et subtil.