Les petits ruisseaux, presque totalement desséchés durant les mois de mai et de juin, sortent maintenant de leur lit, tel des parvenus vivant soudainement au-dessus de leurs moyens.

Nous devrions nous inspirer de l'exemple que nous donnent l'océan et le ruisseau pour devenir plus graves. De fait, jamais l'océan ne sort de ses limites, et ce, malgré les nombreuses rivières qui s'y déversent. De même, nous devrions prendre soin de bien utiliser les avantages que nous offre la vie en évitant de les dilapider à des fins temporaires. Les êtres sensuels, dont l'esprit est débridé, exploitent en effet sottement les ressources de leur corps à la poursuite de la richesse, alors que l'énergie physique doit être utilisée en vue de la réalisation spirituelle, et non de la satisfaction des sens.

Deux types de tempéraments caractérisent la nature humaine : certains font preuve d'introspection, et d'autres d'extravagance. Ces derniers, captivés par la beauté des phénomènes externes, n'ont aucune vision d'ensemble de la Création et de sa raison d'être. Ils n'ont pratiquement aucun sens de l'introspection ; aussi ne tirent-ils aucun profit durable des avantages que confère la forme humaine. L'être réfléchi, au contraire, demeure aussi grave que l'océan. C'est ainsi qu'à l'heure où les extravagants dorment profondément, les âmes réfléchies profitent pleinement de leur vie humaine.

Alors que les pulsions animales du corps doivent être minimisées, ceux qui vivent dans l'extravagance baignent allègrement dans la jouissance éphémère des biens de ce monde. Néanmoins, dès que s'épuisent les pluies nourricières de la vie, les voilà aussi secs qu'une rivière tarie. La vie doit servir la juste cause, celle qui jamais ne s'éteint (sat). Rien dans l'univers matériel n'est éternel, mais il faut tirer le meilleur parti possible de cette mauvaise fortune. Un mental habitué à l'extravagance représente certes une mauvaise affaire, mais il est possible d'en faire un meilleur usage par la pratique de l'introspection.