Après de fortes pluies, les champs et les forêts revêtent partout un manteau de saine verdure. Ils ressemblent ainsi à l'homme qui se plie à de rudes austérités en vue de quelque gain matériel, et qui, une fois parvenu à ses fins, montre une grande vigueur et une grande beauté.

EXPLORATION DU TABLEAU
La verdure de la saison des pluies n'est qu'éphémère ; le spectacle en est fort agréable, mais nous devons nous rappeler qu'il ne durera pas. De la même manière, certains se livrent à de rudes austérités pour en retirer des avantages matériels ; mais les êtres sains d'esprit se gardent bien de telles pratiques. Toute austérité ne visant qu'un gain éphémère n'est en effet que pure perte de temps et d'énergie. Nos gains et nos pertes nous sont assignés dès l'instant où nous revêtons un type de corps particulier. On compte 8 millions 400 mille espèces vivantes, et chacune d'elles est destinée à jouir et à souffrir de l'existence selon sa constitution propre. Les plaisirs et les souffrances d'un riche héritier ne diffèrent-ils pas de ceux d'un homme de souche modeste ? Personne n'a besoin de s'imposer des austérités sévères pour connaître la détresse ; celle-ci frappe d'elle-même, que nous le voulions ou non. Et de même, le bonheur qui nous est destiné nous viendra sans que nous ayons besoin d'y aspirer.

Il se peut, à l'occasion, que nous parvenions à esquiver le malheur et à nous fabriquer un certain bonheur matériel grâce à un effort ponctuel, mais ces tentatives demeurent illusoires, car elles ne nous procurent aucun gain réel. Notre devoir consiste à découvrir le bonheur permanent et la vie éternelle, et c'est dans ce seul but, celui de réaliser le gain ultime, que nous devons nous soumettre à toutes sortes de pénitences et d'austérités. La vie humaine peut seule nous permettre d'atteindre le but ultime de l'existence. Or, le bonheur durable ne devient accessible que lorsqu'on cesse de dépendre des joies et plaisirs d'origine matérielle, car le prolongement de l'asservissement à la matière ne peut que perpétuer les trois formes de souffrances auxquelles nous sommes exposés. Et la vie humaine est précisément conçue pour y mettre un terme définitif.

Ne cherchons pas à acquérir la beauté des fleurs saisonnières ou de la verdure qui s'épanouit au cours de la saison des pluies pour flétrir l'hiver venu. Il n'est pas souhaitable que nous nous réjouissions du spectacle que nous offre la nature éphémère, alors que les nuages de l'ignorance planent sur nos têtes. Nous devons plutôt chercher à vivre sous un ciel sans limites, baigné à profusion par les rayons du Soleil et de la Lune. Voilà ce que nous désirons vraiment. Telle est en effet l'aspiration profonde de l'âme éclairée : vivre éternellement libre, dans la connaissance parfaite et dans une atmosphère de félicité totale. C'est en vue d'atteindre cette source de bonheur permanent que nous devons être prêts à affronter toutes sortes de difficultés.